Je partage – et je ne chercherai pas à le masquer – avec M. le rapporteur l'accent de la grande région Occitanie, tranché et chantant, que nous revendiquons. J'aimerais formuler plusieurs observations.
Premièrement, vous n'y êtes pour rien, monsieur le rapporteur, mais il me semble que les circonstances dans lesquelles s'inscrit l'examen de votre texte rendent sa compréhension particulièrement difficile pour nos concitoyens, dans une période où notre société est traversée par des difficultés d'une tout autre nature, et où des inquiétudes planent sur l'avenir sanitaire, économique et sécuritaire de notre pays. Hier soir encore, tandis que des débats primordiaux se tenaient dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, quantité de gens, devant ses portes, manifestaient probablement de l'opposition, mais aussi beaucoup de désarroi. Il me semble que cette coïncidence de dates rend le sujet secondaire, voire subalterne, à l'aune de l'actualité du pays.
Deuxièmement, étant linguiste de formation, ayant appris une langue seconde, l'anglais, pour l'enseigner à d'autres, je sais combien la question de la prononciation est importante. Certains pays, en matière d'enseignement de la langue, ont fait des choix distincts de ceux de la France. Pour m'en tenir à ce que je connais le mieux, lorsque j'apprenais l'anglais à l'université de Montpellier, on m'enseignait sa variante « RP » – Received Pronunciation –, qui est l'anglais des catégories socioprofessionnelles supérieures du sud du pays, dont la langue est standardisée. On ne nous enseignait pas du tout les nuances de prononciation, que l'on découvre en se rendant en Grande-Bretagne. En sillonnant le pays, on se rend compte que la maîtrise de l'anglais « RP » ne permet pas de comprendre ce que disent les gens de Birmingham ou les Écossais, ce qui est une véritable difficulté. Nulle part en France, à aucun moment, nous n'avons introduit l'enseignement des nuances de prononciation et de phonétique, ce qui est une excellente chose.
Cela m'amène à ma troisième observation. Il ne me semble pas judicieux – ce point de vue est largement partagé au sein du groupe Les Républicains – de légiférer à ce sujet. Il s'agit d'un patrimoine culturel immatériel de la France, appartenant à notre histoire et à la diversité de nos territoires. Ce n'est pas à la loi, mais à la sagesse individuelle et collective, ainsi qu'à l'éducation prodiguée aux enfants dans les familles et à notre façon d'entretenir cette diversité, qu'il incombe de le préserver. Je doute que la présente proposition de loi, si elle devait être votée, serait bénéfique pour sa préservation, bien au contraire : elle susciterait un débat qui n'a pas lieu d'être et attirerait exagérément l'attention sur un aspect de notre quotidien.
Nous avons un Premier ministre originaire d'Occitanie, qui s'exprime avec un accent assez tranché. J'observe que cela ne pose de problème à personne, même si certains s'en amusent parfois – on en rit comme on rira, pour un autre, de sa taille ou de sa couleur de cheveux, comme on rit de tout personnage public. Je ne vois pas en quoi la présente proposition de loi contribuera de quelque manière que ce soit à la préservation de cet acquis, qui est essentielle.
Je suis donc au regret, cher Christophe Euzet, de vous dire que, même si je continuerai, comme toujours, à ne pas masquer l'accent que nous avons en commun, ce qui serait la pire des choses, il ne me semble pas opportun d'introduire les dispositions proposées dans nos textes, qui sont trop souvent bavards. Le groupe Les Républicains votera contre la proposition de loi.