Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mercredi 18 novembre 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Monsieur le rapporteur, je vous remercie de votre présentation. Elle illustre la réalité des accents, ainsi que l'intérêt qu'ils présentent. Je salue la qualité du rapport. Vous nous faites toucher du doigt une réalité. La discrimination en général est un phénomène massif, et celle fondée sur l'accent ne fait pas exception. Toutefois, c'est moins l'accent de l'Occitanie qui pose problème en la matière que celui des banlieues. De ce point de vue, il nous semble intéressant d'agir d'abord sur la dimension culturelle du problème, plutôt que sur sa dimension pénale.

Nous considérons que cette proposition de loi, qui vise à lutter contre les discriminations fondées sur l'accent, est loin d'être anecdotique. Elle prévoit d'inscrire ce motif de discrimination dans le code pénal et dans le code du travail, afin de lutter contre la glottophobie, qui consiste à rejeter des personnes au motif qu'elles parlent avec un accent. Le constat des discriminations dont elles sont victimes est établi sur des bases objectives, au premier rang desquelles la rareté des accents à la radio et à la télévision. Si la quantification du phénomène discriminatoire est délicate, son existence est indéniable. Dès lors, la question de savoir s'il est nécessaire d'inscrire un nouveau critère de discrimination interdit par la loi se pose. En effet, on peut considérer la glottophobie comme une discrimination fondée sur les origines, dans la mesure où l'on peut déduire l'origine d'un individu d'éléments extérieurs et perceptibles, tels que son accent.

L'inflation des critères de discrimination découle de la volonté du législateur de couvrir de façon explicite toutes ses formes. Ainsi, le code pénal et le code du travail interdisent toute discrimination fondée sur l'origine, le sexe, la situation de famille, la grossesse, l'apparence physique, la vulnérabilité économique, le patronyme, le lieu de résidence, l'état de santé, la perte d'autonomie, le handicap, les caractéristiques génétiques, les mœurs, l'orientation sexuelle, l'identité de genre, l'âge, les opinions politiques, les activités syndicales, la capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, l'appartenance ou non à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée. En cas d'infraction, le code pénal prévoit des peines de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende. Faut-il inclure l'accent dans cette liste ? La question nous semble sérieuse. Il n'en faudrait pas moins s'interroger sur les effets d'une telle mesure, et surtout sur l'application des dispositions pénales ainsi modifiées. D'ailleurs, vous hésitez entre le registre de la répression des discriminations et celui de la promotion des accents grâce à l'évolution des mentalités, monsieur le rapporteur, ce qui explique la modification du titre de la proposition de loi.

Chaque fois que le législateur est intervenu pour compléter la liste, déjà longue, des discriminations interdites, il a prévu une sanction, pour mieux faire avancer les mentalités d'une société ayant un penchant pavlovien à l'uniformité. L'inscription dans le code pénal et le code du travail d'un nouveau motif de discrimination ne doit pas occulter la dimension culturelle et éducative du sujet. Si les accents sont constitutifs de la richesse de notre langue, il incombe à l'éducation nationale et aux institutions culturelles d'en assurer la valorisation. Notre groupe votera le texte.

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