Je tiens à remercier mon groupe qui m'a donné la possibilité de défendre ce texte, à l'occasion de notre journée réservée.
C'est avec une fierté, voire une émotion, toute particulière que je vous présente aujourd'hui cette proposition de loi qui, j'en suis convaincu, contribuera à améliorer l'efficacité de la justice de proximité et de la réponse pénale.
Ce texte est le fruit d'un travail d'observation et d'échanges réguliers avec les acteurs du milieu judiciaire dans ma circonscription, notamment depuis 2017, et des quatorze auditions menées dans la perspective de cet examen en commission. Le rapport sur le travail d'intérêt général de mon collègue Didier Paris a également été une source d'inspiration. Plusieurs de ses recommandations ont été reprises dans la loi du 23 mars 2019 ; j'ai souhaité poursuivre ce mouvement.
Cette proposition de loi permet de répondre aux attentes de l'opinion publique qui, entendues par le Gouvernement, se sont traduites par un budget de la justice en hausse de 8 % et par la création de 950 postes afin de favoriser cette justice de proximité. Cette proposition de loi est importante car elle traite d'une délinquance dont les tribunaux n'ont pas toujours la capacité de s'occuper et qui, pourtant, a des effets néfastes sur la vie de nos concitoyens. Elle permettra de donner une réponse pénale certaine à la petite délinquance, sans pour autant encombrer les bureaux des magistrats, ni incarcérer frénétiquement.
Notre groupe refuse le règne de l'impunité de ceux qui, par leurs incivilités quotidiennes, fragilisent l'équilibre du vivre ensemble. Les alternatives aux poursuites permettent de servir ces impératifs et sont les vecteurs d'une réponse pénale, certaine et rapide, aux petits délits du quotidien. Elles contribuent à désengorger les tribunaux et permettent aux magistrats de se recentrer sur leur office.
Les alternatives aux poursuites représentaient déjà 46,5 % de la réponse pénale en 2019 ; ce chiffre montre à quel point cette « troisième voie pénale » entre les poursuites et le classement sans suite est utile et utilisée.
Ces alternatives aux poursuites donnent la possibilité de sanctionner sans incarcérer, là où l'incarcération est désocialisante et criminogène. Les courtes peines, en particulier, sont inutiles et ne contribuent qu'à générer précarité et récidive. Or ce sont bien des courtes peines que nous allons éviter grâce à ce texte, en favorisant notamment le recours au travail d'intérêt général.
Enfin, si les courtes peines de prison ostracisent et souvent radicalisent les petits délinquants, les alternatives aux poursuites et le travail d'intérêt général sont des tremplins vers la réinsertion, en plaçant la responsabilité individuelle au centre de la démarche.
La proposition de loi vise à modifier la procédure pénale sur deux axes majeurs : d'une part, en élargissant le spectre des mesures qui pourront être prononcées au stade des alternatives aux poursuites ; d'autre part, en facilitant le recours au travail d'intérêt général en tant que peine.
Lorsqu'une infraction a été constatée, c'est le procureur de la République qui dispose de l'opportunité des poursuites et qui décide si les faits reprochés à la personne nécessitent qu'elle soit poursuivie ou non. Depuis 1999, une « troisième voie pénale » est instituée avec les alternatives aux poursuites ; elles permettent au délinquant, dont le casier judiciaire est en général vierge, et qui reconnaît les faits, de voir son dossier classé sans suite et son casier rester vierge, s'il respecte les mesures prononcées par le procureur.
En d'autres termes, ces alternatives aux poursuites sont une opportunité donnée par le ministère public au petit délinquant ; mais cette chance n'est pas gratuite et, pour en bénéficier, le petit délinquant doit se plier aux obligations prononcées à son égard par un procureur ou un délégué du procureur. En cas d'échec de ces mesures, le parquet engagera les poursuites pénales classiques.
Cette proposition de loi permettra au procureur ou à son délégué de demander au délinquant de remettre en état les choses qu'il a dégradées, selon le principe du « tu casses : tu répares » – c'est un concept auquel les membres de mon groupe et, notamment, le député Pierre-Yves Bournazel, sont particulièrement attachés ; de remettre l'objet ou le produit du délit aux autorités ; de ne pas entrer en relation avec la victime ou ses coauteurs ou complices ; et, enfin, de s'acquitter d'une contribution dite citoyenne, plafonnée à 3 000 euros, en faveur d'une association agréée d'aide aux victimes.
Le travail d'intérêt général (TIG) est une sanction pénale infligée par la justice à une personne qui a commis une infraction : celle-ci doit travailler gratuitement, pendant une durée fixée par le juge. Il s'agit d'une mesure efficace et plébiscitée tant par les magistrats que par l'opinion publique, car elle participe à la réinsertion de l'individu en lui donnant un rôle social qui doit être encouragé.
La proposition de loi permettra au juge de l'application des peines de s'affranchir de procédures lourdes, qui ralentissent le recours aux travaux d'intérêt général. Les fonctionnaires de la direction pénitentiaire de l'insertion et de la probation (DPIP) pourront prendre la main sur la mise en œuvre des TIG. Cet ajustement procédural permettra de fluidifier considérablement l'articulation entre le prononcé et l'accomplissement effectif du travail d'intérêt général. L'arsenal juridique existe ; la proposition de loi permettra de donner les moyens aux magistrats de le mettre en mouvement.
Par ailleurs, afin de renforcer l'effectivité des sanctions prononcées en matière contraventionnelle et faciliter le recouvrement des amendes forfaitaires, l'article 3 vise à instaurer une minoration du montant de l'amende pour les contraventions de la cinquième classe lorsqu'elles sont forfaitisées. Aujourd'hui la seule amende contraventionnelle de cinquième classe forfaitisée est celle sanctionnant le non-respect des règles de l'état d'urgence sanitaire.
Enfin, l'article 4 permet certains ajustements nécessaires à une plus grande efficacité des recours devant la chambre criminelle de la Cour de cassation et les cours d'assises d'appel.
Quatorze auditions ont été menées, dont plusieurs tables rondes réunissant différents interlocuteurs : procureurs, délégués du procureur, juges de l'application des peines, Agence nationale du travail d'intérêt général, Union nationale des directeurs d'insertion et de probation, syndicats de magistrats, France victimes, association des maires de France (AMF) et beaucoup d'autres acteurs encore. Les personnes auditionnées et concernées par ces réformes ont salué avec enthousiasme les mesures que nous portons. Ces échanges constructifs se traduiront notamment par les amendements dont nous allons discuter.
Je tiens à remercier à nouveau mes collègues pour leur investissement au cours de ces auditions, en particulier Didier Paris et Blandine Brocard. Les questions posées dans ce cadre ont été constructives et permettront d'enrichir ce texte en commission.