Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Je vous remercie, madame la vice-présidente de l'Assemblée nationale, de vos propos extrêmement clairs et constructifs.

Les membres du groupe Socialistes et apparentés partagent bien sûr le même objectif, à savoir vivre dans une République laïque. La laïcité est la règle commune, et une religion, quelle qu'elle soit, ne saurait préempter nos valeurs républicaines. Nous sommes nombreux ici, me semble-t-il, à défendre ce point de vue.

Par ailleurs, j'ai bien entendu le constat que vous avez, à juste raison, dressé : la situation s'aggrave. Nous devons évidemment analyser à la fois les causes et les effets de ces phénomènes et nous prémunir des dangers qu'ils pourraient représenter.

Je voudrais revenir sur le titre du texte : « proposition de loi constitutionnelle visant à garantir la prééminence des lois de la République ». Ce qui revient à laisser entendre que la République est en danger. Je ne partage pas ce sentiment et je veux encore moins l'alimenter. Qui plus est, l'enjeu n'est pas tant, me semble-t-il, de garantir la prééminence des lois de la République que de les faire vivre. La vigilance doit d'abord se traduire dans notre courage politique au quotidien : faire vivre les lois de la République, c'est la mission exigeante qui nous incombe d'abord à nous, parlementaires investis par le suffrage universel ; la garantie de leur pérennité, quant à elle, est déjà assurée par la Constitution.

La proposition de loi contient deux articles. Si les dispositions qu'ils prévoient ne figuraient pas déjà dans la Constitution, elles ne poseraient pas de difficulté majeure. « Nul individu ou nul groupe ne peut se prévaloir de son origine ou de sa religion pour s'exonérer du respect de la règle commune », est-il écrit à l'article 1er. Je pense que nous approuvons tous cette affirmation sur le fond, comme c'est également le cas pour l'article 2.

Toutefois, je m'interroge sur l'article 1er : ne pouvoir s'exonérer du respect de la règle commune, c'est la même chose que de se soumettre à la loi. Or ce principe est déjà inscrit dans la Constitution : la loi s'impose à tous.

En ce qui concerne l'article 2, je trouve dommageable de limiter l'exigence de neutralité aux partis politiques : elle ne doit pas s'imposer qu'à eux. L'article 2 limite donc, en réalité, la portée de l'objectif poursuivi.

Le texte contredit même un autre objectif qui me semble visé, à savoir celui de remédier aux fractures que nous constatons – et déplorons – dans la société. La proposition de loi me paraît donc, en réalité, avoir surtout pour raison d'être de préempter les dispositions législatives annoncées depuis des mois par le Président de la République sous les termes « lutte contre les séparatismes ».

Ce qui manque, à notre avis, ce ne sont pas les dispositions que vous proposez d'insérer dans la Constitution, c'est le courage politique, c'est la volonté de faire appliquer les textes qui définissent déjà ces règles. Il faut des lois claires, intelligibles, faisant fi des surenchères des uns et des autres – car les partis politiques, dont nous sommes des représentants, doivent s'interroger sur cette tendance –, des lois qui n'excluent ni le bon sens ni l'humanité, des lois à propos desquelles les responsables politiques doivent faire de la pédagogie, sans démagogie et sans alimenter les peurs. Nous sommes là pour rassurer et protéger, pas pour attiser les inquiétudes dans un monde déjà extrêmement précaire et inquiet.

En conclusion, cette proposition de loi n'ajoute rien à ce que les constituants ont déjà inscrit dans la loi fondamentale. Tout y est : l'article 1er de la Constitution et l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen sont là pour nous aider à faire respecter les règles communes.

En revanche, et pour en revenir à notre discussion d'hier soir, s'il est une révision constitutionnelle que l'on devrait envisager, me semble-t-il, car elle est attendue et nécessaire, c'est celle de l'indépendance du parquet. Nous pourrions joindre nos énergies pour remporter cette bataille constitutionnelle que nous avons tant de mal à faire émerger.

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