Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mercredi 25 novembre 2020 à 10h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Pour mettre d'emblée les choses au clair, je trouve plutôt cocasse que nos collègues du groupe Les Républicains parlent d'un vote à l'unanimité au Sénat alors que plusieurs groupes politiques ont refusé de participer au débat, précisément en raison d'un calendrier pour le moins politicien, puisqu'il s'agissait de réagir à un événement qui a traumatisé beaucoup de Françaises et de Français, pour ne pas dire la totalité d'entre eux, à savoir l'assassinat d'un de nos enseignants. Cela étant, vous n'êtes pas les premiers et ne serez probablement pas les derniers à réagir à l'actualité par un texte – la liste des précédents est trop longue pour que je la dresse, et je ne voudrais pas me faire trop d'adversaires ce matin…

Vous proposez d'inscrire dans la Constitution que le respect de la règle commune l'emporte sur les règles que les uns et les autres pourraient se fixer en fonction de leur religion. Mais après tout, c'est le propre d'une religion que de fixer des règles, celles-ci n'ayant parfois rien à voir avec celles de la République. La question est de savoir si, lorsqu'elles entrent en contradiction, chacun joue bien le jeu démocratique et républicain, et donne la primauté à la loi sur ses convictions religieuses. Il ne s'agit nullement de contraindre la liberté de conscience des uns ou des autres.

J'ai apprécié, madame la rapporteure, que vous preniez soin, dans la première partie de votre présentation, de parler des religions en général – même si, au bout d'un moment, il a bien fallu dire les choses, à savoir que le véritable sujet, c'est l'islamisme, et que c'est lui qui pose le principal problème de communautarisme dans notre pays.

Si je crois qu'il y a en effet un problème de communautarisme dans notre pays, il ne faut pas le réduire à cela ; mais il est vrai qu'il aurait pu paraître bizarre que vous preniez comme exemple de non-respect de la règle commune pour des raisons religieuses le fait, par exemple, que des gens se regroupent devant un établissement religieux pour célébrer une messe, alors qu'en raison du contexte sanitaire, la règle commune ne le permet pas… Je comprends d'ailleurs que vous n'ayez pas retenu cet exemple : nous estimons nous aussi que la liberté de conscience et la liberté de culte sont des droits extrêmement importants et que la République doit faire en sorte qu'ils soient effectifs.

En définitive, quel est le meilleur moyen de lutter contre les communautarismes – et non contre les communautés, car il ne sert à rien de lutter contre elles, d'autant qu'on parle même de communauté nationale –, si ce n'est d'assurer l'effectivité des droits ? Il ne suffit pas de dire que certains mettent leur religion au-dessus des services publics ; dans certains endroits, il n'y a plus de services publics, et c'est peut-être cela, le principal problème ! Le fait d'appartenir d'abord à la communauté nationale et de respecter les lois doit se matérialiser par des droits concrets et des services rendus au public. Je pense que c'est là la principale tâche qui nous attend, et non celle de modifier la Constitution : dans le meilleur des cas, cela ne change rien – vous avez parlé, madame la rapporteure, d'une modification habile de la Constitution à droit constant : la formule est jolie, et je la retiendrai – pour dire que cela ne changera rien ; au pire, l'introduction de notions comme celle de règle commune risque d'entraîner une confusion avec celle de loi, davantage identifiée.

En définitive, vous présentez un texte qui cible les musulmans et s'inscrit dans une longue série de textes et discours publics qui participent de l'accroissement des tensions que vous dites vouloir combattre. L'exigence de considérer de la même manière toutes les religions, commençons par l'appliquer à nous-mêmes ! D'ailleurs, la loi de 1905 dit que la République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte, et non qu'elle les reconnait tous.

Nous aurons probablement à débattre beaucoup de ces questions dans les semaines à venir, et je pense que la majorité d'entre nous se prononcera contre ce texte opportuniste, politicien et qui fait, au passage, quelques amalgames. Il y a tant de beaux sujets dont nous pourrions aussi discuter – par exemple, l'abrogation du régime concordataire d'Alsace-Moselle !

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