Intervention de Erwan Balanant

Réunion du mardi 1er décembre 2020 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

« Devant l'enfant, la décision judiciaire n'est valable que si elle exprime un acte de solidarité et d'amitié. » Ces mots de Jean Chazal, dans L'enfance délinquante, illustrent parfaitement l'esprit de l'ordonnance du 11 septembre 2019, qui nous est aujourd'hui soumise pour ratification.

Cette ordonnance s'inscrit dans le prolongement de plusieurs études telles que le rapport Varinard de 2018 et le rapport de la mission d'information conduite début 2019 par nos collègues Jean Terlier et Cécile Untermaier. Leurs conclusions sont formelles : les principes cardinaux de l'ordonnance du 2 février 1945 ont été remis en question, tant dans leur lettre, au fil des trente-neuf modifications apportées au texte, avec une tendance au durcissement de notre politique pénale à l'égard des mineurs, que dans la pratique judiciaire, certains de ces principes s'avérant largement inadaptés à l'évolution de la délinquance juvénile.

Le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés se félicite du travail remarquable qui a mené à la rédaction de l'ordonnance du 11 septembre 2019, laquelle représente indéniablement une modernisation substantielle du droit pénal des mineurs.

Nous saluons en particulier le raccourcissement du délai de traitement des affaires, qui passera de dix-huit mois, en moyenne, à un an, avec l'intervention d'un jugement sur la culpabilité à l'issue d'un délai de trois mois. Cette première audience permettra aux mineurs de bénéficier d'une mesure éducative sans décalage temporel entre la commission de l'infraction et la réponse apportée ; cela est primordial pour que le mineur prenne conscience de la gravité des faits qui lui sont reprochés et renonce, dans de nombreux cas – nous l'espérons –, à un nouveau passage à l'acte. La tenue accélérée de cette audience bénéficiera également aux victimes, qui pourront être indemnisées plus rapidement.

L'établissement d'une présomption de discernement à l'âge de 13 ans constitue, là encore, une mesure visant à augmenter la protection octroyée aux enfants. Nous vous rejoignons pleinement sur l'opportunité de créer cette présomption et de lui conférer un caractère simple, l'appréciation casuistique in specie devant prévaloir en toute situation. La présomption contraire de non-discernement avant l'âge de 13 ans nous semble également primordiale. Nous vous suggérons de la rendre irréfragable afin qu'aucun enfant en bas âge ne puisse voir sa responsabilité pénale engagée. Une telle mesure permettrait de mettre la France en conformité avec ses engagements internationaux, le Comité international des droits de l'enfant ayant déjà relevé à plusieurs reprises nos manquements à cet égard.

La création d'un code de la justice pénale des mineurs mérite également notre attention. Cette codification améliorera la lisibilité des différentes règles applicables et, en conséquence, favorisera l'accès au droit et son effectivité, ce dont nous nous réjouissons. Toutefois, à l'instar du Défenseur des droits, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme et de l'UNICEF, nous pensons qu'il serait nécessaire d'aller plus loin et de créer un véritable code des mineurs regroupant l'ensemble des règles civiles, pénales et administratives applicables aux enfants et aux adolescents – je rejoins en ce sens les propos d'Antoine Savignat. C'est en effet sous le prisme d'une approche transversale que nous pourrons accorder aux mineurs une protection plus efficace, individualisée et prenant en compte les différents aspects de leur vie.

Nous devons également renforcer les synergies entre les différents acteurs de l'enfance. Par exemple, les situations de violence scolaire qui dégénèrent sont davantage liées à un manque de coordination entre les différents acteurs de l'éducation nationale, des services sociaux et de la justice qu'à un déficit de dispositifs de prise en charge. Nous défendrons plusieurs amendements visant à encourager cette coopération, issus de la réflexion sur le harcèlement scolaire que j'ai menée au début de l'année.

Monsieur le Garde des sceaux, le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés adhère largement à cette réforme de la justice des mineurs et vous remercie pour votre engagement sur ce sujet. Je souhaiterais vous interroger sur les mesures concrètes que vous envisagez d'adopter pour développer de manière systématique ces coopérations entre les différents acteurs de l'enfance, notamment entre les magistrats, les services sociaux, les médecins et l'éducation nationale.

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