Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mardi 1er décembre 2020 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Je remercie le rapporteur d'avoir rappelé les travaux que nous avons menés ensemble pendant de longs mois, dans la perspective d'un projet ou d'une proposition de loi qui s'est finalement avéré être une ordonnance. Vous n'y êtes pour rien, monsieur le Garde des sceaux, mais nous avons regretté ce choix du Gouvernement, présenté de manière inopinée à l'occasion d'un amendement défendu en séance publique, de traiter cette question de société majeure par voie d'ordonnance. Il faut toutefois reconnaître que la Garde des sceaux a tenu ses promesses d'apaisement en mettant en place un groupe de travail et en permettant le débat que nous avons actuellement avant la ratification du texte. Certes, cela ne remplace pas un réel débat parlementaire, mais il était important, me semble-t-il, de pouvoir au moins agir de cette sorte. J'ajoute que le contexte actuel d'une justice très dégradée, du fait des moyens insuffisants dont elle bénéficie depuis plusieurs années, des grèves et de la covid-19, ne facilite pas les réformes.

Le manque de moyens de la justice pénale des mineurs a été rappelé, s'agissant de la situation de la PJJ, du nombre de magistrats ainsi que de l'aide juridictionnelle défaillante pour les avocats dont la vocation est d'accompagner, tout au long de la procédure, les enfants et adolescents en situation pénale compliquée. La mise en œuvre de solutions alternatives à la prison implique le recrutement et la formation de très nombreux conseillers et éducateurs, ainsi que la mise en place de structures d'accueil. Il faut consacrer à la formation les moyens et le temps nécessaires – vous avez donné, monsieur le Garde des sceaux, quelques indications sur les efforts que le ministère entend réaliser. À cette occasion, je voudrais saluer le travail de ces professionnels, effectué dans des conditions difficiles – nous pensons tous au tribunal de Bobigny –, qui s'apparente à un sacerdoce. C'est grâce à leur engagement que 93 % des mineurs mis en cause se voient apporter une réponse pénale.

Nous sommes nombreux à regretter que le code de la justice civile et pénale des enfants et adolescents n'ait pu voir le jour, car les liens entre l'aide sociale à l'enfance (ASE) et la justice pénale sont très importants. L'ordonnance que nous examinons aujourd'hui ne prend sans doute pas suffisamment en compte ces liens, alors que les juges des enfants sont compétents au civil et au pénal.

Par ailleurs, monsieur le Garde des sceaux, vous avez affirmé le 2 septembre lors d'un déplacement à Dijon que les chiffres étaient clairs et que la délinquance des mineurs n'avait pas augmenté dans notre pays depuis dix ans. C'est effectivement ce que nous avons constaté dans le cadre de la mission d'information : la part des mineurs dans la délinquance générale reste globalement stable, en dessous de 20 % – c'est un chiffre auquel nous renvoyons tous ceux qui voudraient attiser les peurs en matière de délinquance des mineurs. Cependant, il ressort des auditions que nous avons menées que la violence s'est quand même aggravée et que des mineurs de plus en plus jeunes sont mis en cause, souvent utilisés comme petites mains dans les réseaux de criminalité organisée.

La législation française est l'une des plus répressives en Europe : près de la moitié des sanctions prononcées à l'encontre des mineurs sont des peines alors que les mesures éducatives devraient être majoritaires au regard des principes internationaux. Hormis la Grande-Bretagne, la France est le pays qui incarcère le plus les mineurs, ce qui entraîne d'ailleurs un embouteillage des affaires.

La fixation de la responsabilité pénale à 13 ans a été proposée dans notre rapport d'information. Cette mesure fera l'objet d'un amendement du groupe Socialistes et apparentés tendant à en consacrer le caractère irréfragable. Même s'il est compliqué d'admettre que le pouvoir d'appréciation du juge puisse être mis de côté, nous plaidons pour cette disposition, qui a le mérite de la lisibilité.

Derrière le terme de « mineurs » se trouvent des enfants et des adolescents livrés à eux-mêmes, en danger pour certains, qui révèlent les défaillances de leur prise en charge et les fractures de la société. À l'instar de Christiane Taubira, je pense que la justice des mineurs est d'abord une question de parcours, qui implique que l'on se préoccupe des mineurs sous de multiples aspects, en particulier en matière d'éducation et de décrochage scolaire. Aucun enfant ne devrait être exclu d'un établissement. La justice des mineurs ne se réduit pas à un code ; elle doit, pour reprendre les termes de Christiane Taubira, « prononcer des mesures éducatives, y compris dans les sanctions : les sanctions doivent avoir valeur éducative. Nous devons travailler davantage sur le parcours, car l'important est que la société prenne en charge le mineur […]. »

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