Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mardi 1er décembre 2020 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Je n'y ai pas participé parce que je considère que c'est ici que se passe la fabrique de la loi et nulle part ailleurs.

D'ailleurs, étant donné les délais, on se demande pourquoi cette réforme ne nous est pas présentée sous la forme d'un projet de loi ? C'eût été mieux. Qu'est-ce qui l'empêchait ? Rien, si ce n'est la volonté de raccourcir le temps du débat et de forcer la main aux parlementaires et aux acteurs du droit en la matière.

De surcroît, les juridictions ne sont pas prêtes. J'ai été étonné, lors des travaux de la commission d'enquête que j'ai présidée sur les obstacles à l'indépendance du pouvoir judiciaire, que des chefs de juridiction viennent me dire, de leur propre initiative, qu'ils n'étaient pas prêts pour l'application d'une telle réforme et que cela allait poser des problèmes en matière de gestion des tribunaux, d'effectifs, etc. Je constate qu'eux non plus ne sont pas entendus, alors que, sur le fond, je ne suis pas sûr d'être toujours d'accord avec eux.

En outre, la discussion est déjà engagée sur le volet réglementaire. Quelle anticipation ! Nous n'avons même pas encore commencé les travaux en commission que vous travaillez déjà sur la déclinaison réglementaire, en lien avec les organisations professionnelles. Or la grande majorité d'entre elles sont opposées à ce texte. Elles se sont réunies en collectif, ont signé une tribune il y a plus d'un an, ont participé à un colloque salle Colbert à l'Assemblée nationale et ont redit leur opposition dans une tribune publiée aujourd'hui, que je partage.

Oui, monsieur le Garde des sceaux, il est encore temps de retirer ce texte qui, de toute façon, ne pourra pas s'appliquer. Je ne suis pas sûr du reste que ce soit la priorité alors qu'un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, soit 3 millions d'enfants, que 52 000 sont victimes de violences physiques ou de sévices à la maison chaque année – sans compter les 130 000 filles et 35 000 garçons qui sont victimes de viol ou de tentative de viol –, que 3 000 enfants sont enfermés dans les centres de rétention administrative à Mayotte, que 300 000 bénéficient à ce jour de mesures de protection de l'enfance. Oui, il y a des priorités sur l'enfance. Oui, il y a fort à faire. Oui, c'est un enjeu et la crise sanitaire l'a révélé, aggravant encore la situation. Dans ces conditions, faire un code de justice pénale des mineurs était-il la priorité ? Non. Faire un code de l'enfance en est une, en revanche.

Il ne faut pas confondre mineurs et enfants : le premier étant une qualification juridique, un peu désincarnée, contrairement à l'enfant. L'enfant délinquant est une vision des choses. Dans d'autres pays, on parle d'enfants en conflit avec la loi, ce qui ne traduit pas le même objectif politique et philosophique. Alors qu'on évoque une réponse rapide et une gestion des flux, il devrait être question de réponse individualisée et de gestion des enfants.

Finalement, le point majeur, celui de la présomption d'irresponsabilité, n'en est pas un puisque la présomption est simple et non pas irréfragable. Le collectif des professionnels du droit propose une présomption irréfragable à 14 ans. C'est la moyenne de ce qui se pratique en Europe ; dans certains pays, le seuil est même fixé à 16 ans. Les délinquants de moins de 16 ans pullulent-ils pour autant ? Je ne le crois pas. Je rejoins le ministre Dupond-Moretti lorsqu'il dit qu'il n'y a pas de laxisme de la justice dans ce pays et c'est particulièrement vrai envers les enfants, puisque le taux de réponse pénale les concernant est de 92 %.

Dominique Attias a raison, la France n'aime pas ses enfants ! Le groupe La France insoumise estime qu'il est encore temps de retirer ce projet de ratification d'ordonnance et de préparer un vrai projet de loi relatif à un code de l'enfance.

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