Intervention de Marie-George Buffet

Réunion du mardi 1er décembre 2020 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-George Buffet :

Depuis l'ordonnance fondatrice de 1945, les textes législatifs et réglementaires autour de la justice des enfants se sont multipliés, rendant incontournable leur codification. S'il y avait bien nécessité d'un code, la méthode qui a été utilisée – une ordonnance introduite par un amendement lors du projet de loi de programmation et de réforme pour la justice – est inappropriée compte tenu du caractère essentiel de la question que nous examinons. Cette procédure a empêché l'organisation d'un véritable débat parlementaire, même si un groupe de travail s'est réuni ; reconnaissez toutefois que ce n'est pas la même chose.

Une codification se fait habituellement à droit constant. Or la lecture attentive de l'ordonnance, en dehors des grands principes rappelés au début, nous amène à constater des modifications importantes pouvant toucher à la philosophie même de l'ordonnance de 1945. Nous aurions pu aller vers un véritable code de l'enfance, unissant au projet pénal le volet protection de l'enfance, car il s'agit d'un tout. Ces deux sujets sont liés et l'enfant doit être vu et considéré dans sa globalité.

Le glissement sémantique du mot « enfant » vers le mot « mineur » n'est pas non plus anodin. L'enfant délinquant est aussi un enfant en danger – c'est l'esprit de l'ordonnance de 1945 ; la primauté de l'éducatif sur le répressif est la clef. Or l'ordonnance qui nous est proposée, quand bien même l'énonce-t-elle, affaiblit ce principe.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine font part de leur attachement au temps entre l'audience de culpabilité et l'audience de sanction. Ce temps doit réellement permettre la mise en place des mesures éducatives, à même de produire leurs effets sur l'enfant. Nous savons qu'en raison notamment du manque de moyens, les mesures éducatives sont longues et difficiles à mettre en place. Mais nous ne devons pas renoncer à ce temps long, indispensable pour que l'enfant revienne sur ses actes, leur signification, et puisse évoluer. Une justice rapide dans le domaine de la justice des enfants n'est pas forcément gage d'efficacité. Nous doutons aussi de la généralisation de l'audience à juge unique, la collégialité devant être la règle.

Nous alertons également sur le glissement progressif de la majorité pénale à 16 ans à plusieurs endroits du texte, avec des procédures différentes selon que l'enfant est âgé de 16 à 18 ans ou de moins de 16 ans : excuses de minorité, médecin en garde à vue. On tend à ne plus considérer le jeune de 16 ans comme un enfant, or il en est un – c'est d'ailleurs les raisons de ma grande réserve sur le droit de vote à 16 ans qui nous avait été proposé.

Nous alertons encore sur la suppression du délai entre le prononcé d'une mesure éducative et le rendez-vous à la PJJ. Nous devons nous assurer que ce délai existe bien. Enfin, nous rappelons que la détention préventive des mineurs doit rester l'exception et être limitée drastiquement, l'enfermement étant généralement la pire des solutions.

Monsieur le ministre, nous vous invitons à tenir compte de la parole et des propositions des acteurs de la justice des mineurs qui manifestaient aujourd'hui à Bobigny. Nous pouvons encore travailler la copie. Prenons le temps de construire un code de l'enfance qui ferait primer l'éducatif sur le répressif de façon claire. C'est à cette seule condition que nous lutterons efficacement contre la délinquance des mineurs. C'est pourquoi nous proposerons, dans une démarche constructive, une série d'amendements tendant vers ces objectifs.

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