Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mardi 1er décembre 2020 à 21h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

éric Dupond-Moretti, Garde des sceaux :

C'est effectivement le point névralgique du débat.

D'abord, il ne faut pas se tromper sur les mots : ce dont il est ici question, ce n'est pas l'irresponsabilité pénale, c'est la capacité de discernement.

Comment fixer un âge en la matière ? C'est extrêmement compliqué. Le seuil retenu varie suivant les pays. Nous proposons 13 ans, mais j'entends qu'on puisse préférer 12 ou 14 ans. Ce que prévoit la Convention internationale des droits de l'enfant, dans son article 40 que Mme Untermaier a déjà cité tout à l'heure, c'est l'obligation « d'établir un âge minimum au-dessous duquel les enfants seront présumés n'avoir pas la capacité d'enfreindre la loi pénale ». Il s'agit donc, non pas d'une présomption irréfragable, mais d'une présomption simple.

On présente, encore une fois, les choses de façon un peu manichéenne en disant : « En dessous de 13 ans, il ne doit rien y avoir ; dans le cas contraire, ce serait un texte répressif. » Nous envisageons pourtant, les uns et les autres, cette loi comme s'inscrivant dans le principe essentiel de la protection de l'enfant, et non de la sanction ou de la répression.

Pour ma part, je pense qu'il peut ne pas être inutile de rappeler sa responsabilité pénale à un gamin de 12 ans dès lors qu'il est doté d'une capacité de discernement. Il ne s'agit pas de le réprimer ou de le sanctionner ; c'est pour lui-même que c'est utile. Si la présomption est irréfragable, alors il n'y a plus de responsabilité pénale et on ne peut prendre que des mesures éducatives. Je suis contre cette idée, car il est parfois nécessaire de mettre un gamin face à sa responsabilité pénale. Il est nécessaire, dans son cheminement, de lui rappeler un certain nombre de règles sous une forme pénale. Si on ne le fait pas, on ne lui fait pas du bien – si vous me passez l'expression.

Sur ces questions, il ne faut pas être dogmatique ou avoir une approche idéologique. Je le répète : il ne s'agit pas ici de répression. Le juge agira à l'aune de la protection de l'enfant – on peut lui faire confiance pour cela. Il faut lui laisser une certaine latitude. Tout cela est une question d'appréciation, d'analyse. Un gamin de 12 ans peut avoir besoin qu'on lui rappelle, dans le cadre pénal, un certain nombre de choses. Certains sont, à cet âge, plus mûrs que d'autres à 15 ans. Personnellement, je ne serais pas choqué qu'une mesure pénale soit adressée à un gamin de 12 ans si l'on estime qu'il est capable de la recevoir et, surtout, si elle est indispensable pour lui. C'est pourquoi je suis défavorable à ces amendements : il serait quand même dommage qu'on ne puisse pas le faire en raison d'une rigidité idéologique – car j'entends bien la petite musique qui court : « La répression, encore la répression, toujours la répression ». Je le répète, le principe fondamental qui sous-tend ce texte, c'est la protection de l'enfance, grâce à l'intervention d'un juge spécialisé dont c'est le cœur de métier. On peut difficilement considérer que les juges des enfants sont ultra-répressifs ; j'en ai souvent rencontré dans mon parcours professionnel, et je crois qu'on peut leur accorder le bénéfice de l'expérience et de l'humanité. Laissons un peu de souplesse aux acteurs de terrain !

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