Je salue, moi aussi, le travail transpartisan mené depuis trois ans sur ce sujet difficile. Parmi nos propositions, la plus importante est de pérenniser les dispositifs des articles 1er à 4 de la loi SILT. Selon le bilan que nous dressons, l'autorité administrative fait une utilisation proportionnée et adaptée de ces quatre instruments, et nos auditions ont révélé une véritable demande des acteurs de la lutte contre le terrorisme – les services de renseignement, les procureurs – que ces outils utiles soient pérennisés. Quand des attentats sont déjoués, le grand public n'en a pas toujours connaissance. Le Monde a fait état d'un attentat majeur déjoué il y a dix-huit mois grâce à l'utilisation par les services de lutte contre le terrorisme d'un instrument majeur de la loi SILT, la visite domiciliaire. Je crois qu'il s'agissait de personnes d'origine égyptienne, se trouvant dans le 9e arrondissement de Paris, qui projetaient un attentat de masse dans un bus. Nous proposons donc de pérenniser les articles 1er à 4, tout en recommandant des améliorations paramétriques du dispositif.
Faudrait‑il revenir à l'état d'urgence qui offrirait un meilleur niveau de protection ? La question vient d'être posée par Éric Ciotti et c'est un débat que la commission des Lois a eu en 2017 et au cours de ce contrôle. En toute franchise, je pense qu'il est aujourd'hui dépassé.
Je ne polémiquerai pas sur les chiffres, mais on ne peut comparer les 200 ou 300 visites domiciliaires sous le régime de la loi SILT aux 4 000 perquisitions administratives qui ont eu lieu pendant l'état d'urgence, dont 80 % sont intervenues dans les deux mois suivant l'attentat du Bataclan. Le nombre des visites domiciliaires est similaire à celui des perquisitions administratives de la fin de l'état d'urgence, qui était davantage maîtrisé lorsqu'on a basculé vers la loi SILT. D'ailleurs, à aucun moment, au cours de nos auditions, les acteurs de la lutte contre le terrorisme n'ont émis l'idée qu'il fallait revenir à l'état d'urgence ni que ses instruments étaient adaptés à la menace. En tout cas, ils ne l'auraient aucunement été lors des derniers attentats, celui contre Samuel Paty ou celui de Nice.
Notre proposition n° 9 concernant les sortants de prison porte sur une question majeure et d'actualité, dont nous allons sans doute débattre à nouveau dans les prochains mois pour essayer de trouver une solution. Je rejoins Éric Ciotti à ce sujet. Au cours de nos auditions, le procureur antiterroriste et les acteurs de la lutte antiterroriste ont souligné la nécessité d'améliorer le dispositif.
Nous avions essayé de boucher ce trou dans la raquette avec la proposition de loi de notre présidente. J'ai été extrêmement surpris par la décision du Conseil constitutionnel d'août 2020 à l'encontre d'un texte voté par l'ensemble des groupes politiques et adopté en commission mixte paritaire, l'Assemblée nationale et le Sénat, ayant conscience de la difficulté d'instaurer des mesures de sûreté, s'étant montrés soucieux de trouver un équilibre. Nous avions sollicité l'avis du Conseil d'État, dont nous avions intégré les recommandations dans la proposition de loi. Nous étions même allés plus loin dans ce fameux équilibre, en ayant conscience du risque d'une censure – elle est intervenue.
Sans parler du véhicule législatif, nous avons désormais trois solutions. La première consiste à réitérer ce que nous avions mis dans la proposition de loi, c'est‑à‑dire confier le prononcé de la mesure de sûreté à l'autorité judiciaire, sachant que le débat sera compliqué : certes, le Conseil constitutionnel n'exclut pas la possibilité d'instaurer des mesures de sûreté, mais il pose des conditions dont on peut se demander, en analysant sa décision, si elles n'empêchent pas leur instauration. Cette voie a ma préférence parce qu'elle permet, dans un domaine délicat, un débat judiciaire contradictoire avant l'application de la mesure – c'était donc une avancée considérable. On pourrait éventuellement emprunter la voie administrative, mais on serait encore sur une corde raide au regard de la décision du Conseil constitutionnel. On pourrait aussi rechercher un équilibre entre ces deux voies.
Je rejoins Éric Ciotti : les sortants de prison sont des personnes extrêmement dangereuses qui, de toute façon, seront suivies par les services de renseignement à leur sortie. Je voudrais éviter qu'au nom de la défense des droits individuels, on refuse des mesures de sûreté, pour se retrouver dans un système où les services de renseignement procéderaient au suivi, sans aucun contrôle du juge. Le débat se déroulera dans les mois à venir, dans le cadre d'une nouvelle proposition de loi ou d'un nouveau projet de loi, dont le dépôt doit intervenir avant juillet 2021.
Nous pourrons revenir dans la suite de la discussion sur nos quatorze propositions complémentaires.