Intervention de Yaël Braun-Pivet

Réunion du mercredi 16 décembre 2020 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYaël Braun-Pivet, présidente, rapporteure :

Merci beaucoup pour vos interventions et pour la confiance que vous nous témoignez.

Sacha Houlié l'a rappelé, le contrôle parlementaire renforcé avait fait consensus lors de l'adoption de la loi SILT à l'Assemblée nationale et au Sénat. Notre souhait est donc qu'il soit pérennisé parce qu'il nous permet d'accéder à des informations auxquelles nous n'avons malheureusement pas accès dans un contrôle parlementaire classique, notamment la transmission au fur et à mesure des actes intégraux, nous permettant de nous assurer de leur bonne motivation.

Mme Jacquier‑Laforge nous a interrogés sur les difficultés de transmission. Il y en a eu effectivement et, à chaque fois, j'en ai fait part au bureau de la commission des Lois et j'ai écrit au ministre de l'Intérieur pour m'en étonner. C'est néanmoins assez rare : dans la grande majorité des cas, les actes nous sont transmis dans un délai très raisonnable. Ces retards n'étaient pas imputables au ministère de l'Intérieur mais au niveau préfectoral, les préfets n'ayant pas transmis les actes à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques. Le ministre de l'Intérieur a rappelé à ses services la nécessité d'une transmission dans des délais raisonnables ; normalement, le problème est donc réglé. Hormis quelques difficultés résiduelles exceptionnelles, nous soulignons l'extrême diligence du ministère de l'Intérieur pour nous transmettre les actes dans les meilleurs délais.

Ce contrôle a bien fonctionné. Il nous a permis d'agréger les données et de les publier sur le site de la commission des Lois, ce qui a été souvent salué par des ONG appréciant d'y avoir accès. C'est pourquoi, dans nos recommandations, nous demandons au ministre de l'Intérieur de publier également les données agrégées : sur des mesures aussi restrictives, il nous semble essentiel que le contrôle démocratique s'effectue par notre intermédiaire mais aussi par la transparence vis‑à‑vis des citoyens. Quoi de mieux pour l'assurer qu'une publication directe des données agrégées par le ministère ? Nous avons été extrêmement vigilants pour assurer la bonne exécution de ce contrôle.

Concernant les lieux de culte, notre souhait est effectivement d'étendre la possibilité de fermeture aux lieux connexes telle qu'elle est prévue à l'article 44 du projet de loi confortant le respect des principes de la République, de manière à éviter une percussion des dispositions. Nous souscrivons également à la réduction de délai proposée dans ce texte.

Pour les cas nécessitant de se déplacer hors du périmètre de protection, le ministère peut être saisi d'une demande d'aménagement justifiée par une recherche d'emploi, par l'exercice d'une activité professionnelle ou par des raisons personnelles telles que la garde alternée d'un enfant. Lorsque la demande est justifiée et que c'est possible, la MICAS est aménagée. Les refus concernent des demandes dilatoires faites pour contourner la MICAS mais non fondées sur des raisons personnelles ou de recherche d'emploi. Il ne s'agit pas d'empêcher la réinsertion. Au contraire, s'il y a des possibilités d'emploi ou de consolidation d'une vie personnelle permettant une réinsertion, il ne faut pas les freiner par des dispositifs administratifs trop contraignants. Pour en tenir compte, le ministère procède régulièrement à des aménagements des obligations induites par les MICAS.

Le problème des sortants de prison nous préoccupe tous. J'étais récemment avec le garde des Sceaux au tribunal judiciaire de Paris, à la rencontre du procureur national antiterroriste et de l'ensemble des acteurs. La menace existe et il faut y faire face. La question est de trouver le bon dispositif pour le faire rapidement et efficacement. Raphaël Gauvain et moi-même pensons qu'il faut agir à cadre constitutionnel constant ; nous ne sommes pas sur la ligne exposée par Éric Ciotti d'une réforme de la Constitution. Ainsi, nous retravaillons sur un dispositif contradictoire, avec des magistrats de l'ordre judiciaire, la présence d'un avocat, une audience et la possibilité d'un recours juridictionnel. Ce dispositif judiciaire nous semble plus respectueux des droits et libertés de chacun et satisfaire davantage dans la durée les exigences de notre État de droit.

La décision du Conseil constitutionnel nous contraint beaucoup et la question se pose de savoir si nous arriverons à créer un dispositif judiciaire qui tienne entre les bornes qu'il a fixées et qui serait suffisamment opérationnel et contraignant pour avoir une vraie utilité vis‑à‑vis de ces sortants de prison. Nous travaillons évidemment en lien avec la chancellerie, les personnes en charge de la lutte antiterroriste, le ministère de l'Intérieur et les services de renseignement. Nous espérons faire des propositions rapidement mais la voie est très étroite.

Nous pourrions aussi agir à travers les MICAS ou, comme l'évoquait Didier Paris, renforcer les dispositifs existants. Rien n'est à exclure, chaque voie peut être la bonne et elles pourraient se cumuler. Il faut boucher les trous dans la raquette et avoir des dispositifs les plus complets possible, à charge pour les autorités judiciaires et administratives, dont on sait qu'elles coopèrent très bien dans ce domaine de la lutte antiterroriste, de faire les choix les plus adaptés à chaque situation. Plus notre arsenal juridique sera complet, sur la voie tant judiciaire qu'administrative, plus nous aurons rempli notre mission de législateurs et de protection de nos concitoyens face à ce risque terroriste dont on sait combien il est prégnant sur notre territoire. Notre dispositif doit être solide, conforme à notre État de droit et, si possible, rencontrer l'adhésion politique du plus grand nombre. Nous rendrons compte de nos travaux devant la commission des Lois et nous sommes à la disposition des collègues qui souhaitent s'associer à ce travail parce qu'il est important que nous unissions nos efforts.

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