Intervention de Bastien Lachaud

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBastien Lachaud :

L'élection présidentielle est la clé de voûte de notre système institutionnel. Depuis les différentes révisions de la Constitution – élection au suffrage universel direct, instauration du quinquennat, inversion du calendrier électoral –, ce scrutin est devenu la seule véritable décision politique dans notre pays. Il a pris beaucoup trop de place dans notre démocratie, reléguant les élections intermédiaires au rang de pseudo-référendums pour ou contre le Président. Les pouvoirs et le rôle de ce dernier ont à ce point enflé que nous avons affaire à un véritable monarque républicain, dont la seule véritable différence avec un monarque tout court va finir par être le fait qu'il soit élu tous les cinq ans – mais dans quelles conditions !

Le groupe La France insoumise n'est pas favorable à un système institutionnel aussi gravement déséquilibré, manquant cruellement de contre-pouvoirs et concentrant ainsi toutes les décisions dans les mains d'une seule personne qui n'a jamais aucun compte à rendre à quiconque, et surtout pas au peuple souverain.

Le projet de loi qui nous est présenté vise à actualiser la loi organique et à améliorer les règles encadrant l'élection présidentielle. Je commence par ce qui n'est pas dans le texte : le report de l'ouverture des comptes de campagne à juillet, qui avait été annoncé, mais auquel le Gouvernement a finalement renoncé. Je salue cette décision. Toutefois, je maintiens ma question : que se passera-t-il pour les comptes de campagne d'un candidat à l'élection régionale qui déciderait ultérieurement d'être également candidat à l'élection présidentielle ? Comment les dépenses concernant l'élection régionale seront-elles prises en compte dans le cadre de l'élection présidentielle ? En outre, les élections régionales seront-elles, oui ou non, reportées, et si oui, à quelle date ? Nous allons discuter prochainement d'un prolongement de l'état d'urgence sanitaire, mais on ne sait rien des modalités de ces élections. Toutes ces questions demandent des réponses parfaitement claires pour les futurs candidats.

Si nous sommes globalement favorables au texte, il y manque cependant des éléments qui permettraient de renforcer le caractère démocratique de l'élection. Mais nous n'en débattrons pas, car le groupe La République en Marche ne le veut pas : les amendements gênants ont été déclarés irrecevables en vertu d'une lecture arbitraire de l'article 45 de la Constitution. Celui-ci dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte », mais on m'a fait savoir que les modalités de l'élection présidentielle n'avaient pas de lien, même indirect, avec les modalités de l'élection présidentielle… Allez comprendre ! Nous ne pouvons même pas débattre de ce qui permettrait de rendre cette élection un tant soit peu plus démocratique : c'est un déni de démocratie et cela donne l'impression que le groupe La République en marche veut seul fixer les règles de l'élection présidentielle.

Nous ne reviendrons donc pas sur les conditions antidémocratiques d'accès à la candidature à cette élection : alors qu'il s'agit de l'élection la plus importante, la possibilité d'être candidat dépend du bon vouloir de 500 élus. Cela contribue à éloigner la décision du peuple souverain. Nous avions proposé un parrainage populaire, par 150 000 citoyens – une proposition raisonnable, issue des travaux de la « commission Jospin » de rénovation et de déontologie de la vie publique de 2012, ce qui rend inutile une nouvelle mission d'information sur le sujet.

Nous ne débattrons pas non plus des conditions antidémocratiques de financement de la campagne électorale, qui dépendent non pas du peuple, mais du bon vouloir des banques. À la différence des dons par des personnes physiques, les prêts ne sont pas autorisés. La majorité les a rendus possibles pour les autres élections, mais pas pour l'élection présidentielle. Pourquoi ? Macron préfère-t-il, comme en 2017, financer sa campagne par les dons de gros donateurs qui ouvrent droit à déduction fiscale, donc sont payés par nos impôts ? À l'heure actuelle, les banques privées peuvent filtrer par l'argent ceux qui pourront faire campagne. Nous pensons que les citoyens eux-mêmes doivent pouvoir financer la campagne de candidats. Mais La République en marche ne veut pas en entendre parler !

Conclusion : il restera interdit au peuple de parrainer ou de financer un candidat à l'élection présidentielle. Beaucoup de collègues ont qualifié le texte de technique : non, tous les textes que nous étudions sont politiques, et le tri auquel sont soumises les questions dont nous pouvons débattre s'agissant des modalités d'organisation de l'élection présidentielle, sujet central dans notre vie démocratique, résulte d'une décision politique. J'espère qu'elle ne sera pas la même en séance publique, afin que nous puissions aborder toutes les propositions visant à rendre cette élection plus démocratique ; ainsi pourrions-nous convaincre nos concitoyens que leur voix est entendue, lutter contre l'abstention systémique, expression de la colère froide du peuple, et éviter que celui-ci ne boude l'élection présidentielle de 2022.

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