Intervention de Olivier Véran

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 18h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Olivier Véran, ministre :

Certes, mais vous voyez bien ce que je veux dire.

La rédaction de l'article 4 reprend à l'identique les dispositions existantes relatives aux systèmes d'information, à savoir Contact Covid et le système d'information national de dépistage (SI-DEP), qui nous permettent de colliger le nombre de cas et sont à l'origine des chiffres publiés tous les soirs, de manière transparente, par Santé publique France. Grâce à SI-DEP, nous réalisons le traitement des données liées aux tests antigéniques et PCR et, ce faisant, nous assurons un suivi épidémiologique. Il est évident que nous avons besoin de ces outils. Nous devrons d'ailleurs les conserver quelques semaines ou quelques mois après la sortie de la pandémie – car nous en sortirons – et faire en sorte de ne pas écraser immédiatement les données disponibles, le temps d'être vraiment sûrs que le virus ne réapparaît pas.

Je suis en désaccord avec deux des choses que vous avez dites, monsieur Schellenberger.

À vous entendre, avec ce texte, le Gouvernement pourrait décider à sa convenance de confiner les Français jusqu'au 31 décembre. C'est factuellement faux. Je ne suis pas juriste, contrairement à vous, mais je me permets d'insister sur le fait que le confinement généralisé n'est possible que lorsque l'état d'urgence sanitaire a été déclaré et pour une durée qui ne peut excéder son terme. Le Gouvernement seul ne peut déclarer l'état d'urgence que pour une durée d'un mois, après quoi nous devons passer à nouveau devant le Parlement et obtenir un vote favorable. Soyons précis.

La seconde imprécision dans vos propos était d'ordre scientifique. Vous avez dit que le couvre-feu paraissait sans effet. Peut-être disposez-vous d'informations scientifiques qui me font défaut. Pour ma part, celles que j'ai, et que je puis vous livrer si cela vous intéresse, sont les suivantes : dans les quinze départements où nous avons mis en place le couvre-feu à 18 heures depuis le 2 janvier, le taux d'incidence, qui révèle l'évolution de l'épidémie, continue certes à progresser, mais beaucoup plus faiblement que dans les autres – 16 % d'augmentation d'un côté, 43 % de l'autre. Il faut donc être prudent avant de dire que cette mesure n'est pas efficace… Il est vrai que nous ne disposons pas encore du recul suffisant pour affirmer qu'il permet de faire baisser la circulation du virus, mais son effet de freinage paraît d'ores et déjà avéré. C'est pourquoi le Conseil scientifique nous enjoint d'utiliser le couvre-feu. Non seulement la mesure présente une certaine efficacité, mais elle me paraît mieux tolérée par les Français que le confinement et permet d'éviter la fermeture les commerces, notamment.

Monsieur Houlié, la coordination européenne existe. Elle a beaucoup porté sur la stratégie d'achat de vaccins, avec à la clé une grande efficacité, d'ailleurs, car nous en sommes à 600 millions de doses du vaccin Pfizer-BioNTech pour la seule Union européenne. Des règles très claires ont été fixées, qui permettent des livraisons tenant compte du ratio de la population de chaque État au sein de la population européenne : des tours ont été instaurés, chacun pouvant choisir de prendre ou pas les doses qui lui sont attribuées – je vous rassure, la France a systématiquement pris sa part.

Nous avons aussi une coordination plus implicite, mais bien réelle, en matière de stratégie vaccinale, qu'il s'agisse des publics prioritaires, des modalités d'organisation ou encore de l'administration de la seconde dose. Cela ne veut pas dire que nous faisons tous les mêmes choix. Par exemple, l'Allemagne a opté pour cinquante grands centres, quand j'ai préféré ouvrir des centres de proximité, développés avec les collectivités. Quoi qu'il en soit, nous nous appelons ou tenons des réunions au niveau européen plusieurs fois par semaine, ce qui nous permet de nous enrichir collectivement. J'ajoute que nous avons la même attitude vis-à-vis des Britanniques, même s'ils ne font plus partie de l'Union européenne : pas plus tard qu'il y a trois jours, je me suis entretenu en visioconférence avec mon homologue britannique pour qu'il partage avec moi les données dont il disposait s'agissant du fameux VOC-202012/01 – contagiosité, informations relatives aux différents publics, rythme de diffusion du virus, niveau des charges virales dans les eaux usées, etc. Nous nous coordonnons donc de façon systématique.

S'agissant de l'article 3, vous m'avez demandé en substance s'il était nécessaire de conserver les mesures dérogatoires de sortie de l'état d'urgence sanitaire jusqu'à la fin de l'été. L'expérience a montré que nous en avions besoin. Ainsi, l'été dernier, nous avons décidé en urgence d'instaurer un couvre-feu dans les Bouches-du-Rhône en raison d'une reprise épidémique importante à Marseille, alors même que le Parlement ne siégeait pas. Les dispositions en question ont permis d'asseoir la sécurité juridique de cette décision. En leur absence, j'aurais dû passer par un arrêté pris sur le fondement de l'article L. 3131-1 du code de la santé publique, mais celui-ci aurait été plus fragile sur le plan juridique et aurait pu être attaqué. Du reste, le recours à un arrêté n'aurait pas davantage supposé de faire appel au Parlement.

J'entends néanmoins qu'il y a des interrogations quant à l'utilité de l'article 3 ou du maintien pour une telle durée des dispositions visées. Je suis tout à fait ouvert sur ce point : si vous considérez que le 30 septembre est une date trop éloignée et que vous voulez une clause de revoyure fin juillet, peu importe. L'essentiel est de retenir le principe selon lequel une sortie sèche de l'état d'urgence sanitaire pendant l'été n'est pas envisageable – je le dis en particulier à l'intention de Mme la présidente de la commission des Lois, qui, je le sais, est sensible à ce sujet, ce en quoi elle a parfaitement raison. J'aimerais qu'il soit possible de s'en passer, mais j'en doute très fortement, même avec la vaccination. Si vous décidiez de raccourcir la durée pendant laquelle s'appliquent les mesures dérogatoires de sortie de l'état d'urgence sanitaire, nous serions amenés à nous revoir avant l'été ; c'est possible – c'est toujours un plaisir…

Monsieur Gosselin, vous me demandez ce qui se passera après le 31 décembre 2021. Eh bien, je ne sais pas ! Je ne suis absolument pas en mesure de vous dire ce qui se passera dans un an. Au début de l'année 2020, nous ne pouvions pas savoir que tant de choses arriveraient. Entre-temps, les trois quarts des humains ont été confinés pendant des semaines, 2 millions de personnes sont mortes à cause d'un virus jusqu'alors inconnu et le monde a changé. Je ne sais donc pas vous répondre.

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