Madame la présidente, chers collègues, M. Gabriel Serville et plusieurs des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane.
La grande majorité des exploitations d'or en Guyane est illégale : on estime que l'orpaillage illégal, qui emploie 6 000 à 10 000 personnes, représente une production de dix à douze tonnes par an, alors que la production annuelle déclarée oscille entre une et deux tonnes.
L'orpaillage illégal a des conséquences graves dans un grand nombre de domaines. Outre le manque à gagner considérable sur le plan économique et fiscal, il a d'importantes répercussions écologiques et pose de nombreuses questions de sécurité publique.
Lors de la Conférence des présidents du mardi 12 janvier 2021, le président du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, M. André Chassaigne, a fait usage, pour cette proposition de résolution, du « droit de tirage » que le deuxième alinéa de l'article 141 du Règlement de l'Assemblée nationale reconnaît à chaque président de groupe d'opposition ou de groupe minoritaire, une fois par session ordinaire.
Par conséquent, et conformément au second alinéa de l'article 140 du Règlement, il revient à notre commission, à laquelle a été renvoyée la proposition de résolution, de vérifier si les conditions requises sont réunies. En revanche, il n'appartient pas à notre commission de se prononcer sur l'opportunité d'une telle création.
Les trois conditions sont les suivantes.
En premier lieu, pour être recevables, les propositions de résolution tendant à la création de commissions d'enquête doivent « déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion », en application de l'article 137 du Règlement. En l'occurrence, les faits sur lesquels la commission d'enquête devra se pencher semblent définis avec une précision suffisante puisque, selon l'article unique de la proposition de résolution, elle serait chargée d'évaluer « les opérations de lutte contre l'orpaillage illégal », d'effectuer « un examen de notre législation en la matière » et de faire « des propositions pour répondre aux dysfonctionnements dont elle aura connaissance ».
L'exposé des motifs de la proposition de résolution précise que cette commission d'enquête devra notamment « approfondir la connaissance par la représentation nationale des impacts sanitaires, environnementaux, économiques et sociaux des activités d'orpaillage illégal en Guyane », « identifier les responsabilités liées à l'empoisonnement des populations », « évaluer l'efficacité des politiques publiques de lutte contre ce phénomène […] et contre ses conséquences sanitaires et environnementales » et, enfin, « poser la question de la pertinence de l'indemnisation des victimes empoisonnées au mercure ».
En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sont recevables sauf si, dans l'année qui précède leur discussion, a eu lieu une mission d'information ayant fait usage des pouvoirs dévolus aux rapporteurs des commissions d'enquête demandés dans le cadre de l'article 145-1 du Règlement ou une commission d'enquête ayant le même objet. Or ce n'est pas le cas ici. La proposition de résolution remplit donc le deuxième critère de recevabilité.
Pour votre parfaite information, je précise toutefois que la question de l'orpaillage en Guyane a été récemment évoquée dans un rapport d'information déposé par notre présidente, Mme Yaël Braun-Pivet, et par M. Philippe Gosselin, vice-président, en conclusion d'une mission effectuée en Guyane en octobre 2019.
Enfin, en application de l'article 139 du Règlement, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». L'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit, quant à lui, que la mission d'une commission d'enquête déjà créée « prend fin dès l'ouverture d'une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d'enquêter ».
Interrogé par le Président de l'Assemblée nationale, M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice, lui a fait savoir, dans un courrier du 22 janvier 2021, que le périmètre de la commission d'enquête envisagée était « susceptible de recouvrir pour partie une ou plusieurs procédures judiciaires en cours ». La commission devra donc veiller, tout au long de ses travaux, à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire.
Sous cette réserve, il apparaît que la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la lutte contre l'orpaillage illégal en Guyane est recevable. Je vous invite donc à l'adopter, en espérant que les travaux de la commission d'enquête nourriront notre réflexion sur les réformes à apporter au code minier dans cette partie de notre territoire.