Intervention de Arnaud Viala

Réunion du mercredi 10 février 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaArnaud Viala :

Madame la rapporteure, nous partageons vos constats. Vous les avez d'ailleurs inscrits dans le contexte de la crise sanitaire. Il est vrai qu'elle est particulièrement révélatrice d'une forme d'affaissement des prérogatives et des pouvoirs du Parlement. Ainsi, notre agenda est embouteillé par divers textes que les parlementaires – y compris probablement ceux de la majorité – n'auraient certainement pas choisi de présenter dans cet ordre.

Nos missions de contrôle de l'exécutif sont également malmenées. Hier encore, la prorogation de l'état d'urgence sanitaire a été soumise à l'Assemblée pour une durée exorbitante de six mois, auxquels s'ajoutent six mois de période transitoire, alors que le fonctionnement de nos institutions commanderait que le Parlement, et donc les Français, soit consulté de manière beaucoup plus fréquente sur des sujets d'une telle importance.

En revanche, les remèdes que vous préconisez pour redonner des prérogatives aux parlementaires, et donc de la tonicité à notre démocratie, ne sont pas les bons. La Ve République est construite sur l'équilibre entre le pouvoir présidentiel, issu du suffrage universel direct et dont le mandat a été réduit à cinq ans afin d'assurer une forme de vitalité à la démocratie, et le pouvoir parlementaire. Certes, le Gouvernement est nommé par le Président de la République, mais il est responsable devant le Parlement. Nous ne pensons donc pas qu'il faille priver le Président de la République de son pouvoir de dissolution, ni l'empêcher de présider le Conseil des ministres, et encore moins faire en sorte que le Premier ministre puisse lui confier cette mission de temps en temps, quand il est retenu !

Il faut explorer d'autres solutions : mieux encadrer la fonction de contrôle du Gouvernement par le Parlement – notamment à l'Assemblée nationale ; renforcer les pouvoirs des parlementaires, par exemple grâce au droit d'initiative pour la fixation de l'ordre du jour. Certes, quelques petites modifications du règlement intérieur concernant les niches parlementaires à l'Assemblée nationale ont permis d'avancer, mais cela reste très timide, et très largement insuffisant.

Il faudrait également songer urgemment à moderniser l'organisation du travail parlementaire. Nous passons près de six mois sur l'élaboration des lois de finances ! Or la crise sanitaire a démontré, tragiquement, que les textes étaient obsolètes au moment même où nous les votions, la situation appelant des mesures exceptionnelles et dérogatoires – les nombreuses lois de finances rectificatives l'ont bien montré… C'est cela qu'il faut toiletter si nous voulons redonner aux Français confiance dans leurs institutions et le sentiment que nous servons à quelque chose et, surtout, que nous représentons utilement l'intérêt général.

L'équilibre actuel de nos institutions est précieux. Il repose sur l'élection d'un homme, et demain peut-être d'une femme, par le peuple français pour une durée de cinq ans. Le président ainsi élu fixe des orientations qu'il charge ensuite d'autres autour de lui, et avec lui, d'exécuter. Vos références aux exemples européens me conduisent à penser que notre Constitution a encore de beaux jours devant elle, même si cela déplaît à certains.

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