Cette proposition de loi constitutionnelle nous invite à nous interroger sur l'essence de notre Constitution, sur la puissance des pouvoirs exécutif et législatif, sur leurs relations et donc sur l'équilibre entre les pouvoirs. Je vous en remercie.
Personne ne doute des problématiques qui découlent du parlementarisme rationalisé et nul, surtout dans ces murs, ne remet en cause les propositions destinées à renforcer l'autonomie du Parlement. Cependant, les modifications constitutionnelles pour y parvenir et les temporalités pour y aboutir ne doivent pas être minimisées.
Nous sommes tous attachés aux niches parlementaires. C'est un député qui a fait adopter une loi sur la justice de proximité à l'occasion de la niche de son groupe qui vous le dit. Mais nous connaissons leurs limites : la durée d'examen. Dans cette logique, nous doutons que ce véhicule législatif soit le plus adapté pour examiner et débattre de mesures destinées à transformer les interactions constitutionnelles de nos institutions. Cette proposition de loi part d'un constat légitime et partagé, mais elle ne peut être adoptée en quelques heures.
En outre, sans remettre en cause les objectifs visés et l'esprit de ce texte, nous ne soutenons pas ses dispositions. Vous proposez que le Président de la République ne préside plus le Conseil des ministres et qu'il ne dispose plus de la capacité de dissoudre l'Assemblée nationale, ces deux compétences revenant au Premier ministre. Nous ne pouvons soutenir ces mesures car elles tendent à nous rapprocher des régimes anglais, allemand, italien ou encore espagnol. À terme, le Premier ministre deviendrait, comme dans ces pays, le chef du parti politique au pouvoir, mais aussi celui du groupe parlementaire. Une accumulation de casquettes et de responsabilités malvenues dans la mesure où le Premier ministre n'est pas élu mais nommé, même si vous proposez qu'il soit, a minima, élu indirectement par une investiture parlementaire. À l'inverse, le Président de la République ne peut se voir retirer de telles compétences alors qu'il est élu au suffrage universel direct. Les Français pourraient s'émouvoir qu'une personne nommée puisse dissoudre l'assemblée de leurs représentants.
S'agissant de la présidence du Conseil des ministres, la pratique constitutionnelle nous a démontré que nos institutions se sont acclimatées aux lignes rigides du texte de 1958, notamment en période de cohabitation. Notons, à titre d'exemple, que le Premier ministre tenait à cette époque des conseils de cabinet, qu'il présidait, pour concurrencer le Conseil des ministres.
Ensuite, à propos du premier article relatif à l'investiture du Gouvernement par un vote de confiance de l'Assemblée nationale, notons que cette pratique devient coutumière et que la présente législature et les précédentes nous démontrent que notre institution n'hésite pas à actionner les leviers constitutionnels pour engager la responsabilité du Gouvernement avec la motion de censure.
Cette pratique doit-elle devenir une obligation constitutionnelle ? Elle doit surtout s'accompagner de dispositifs complémentaires de contrôle du Gouvernement.
Enfin, adopter de telles modifications constitutionnelles nous obligerait à nous réinterroger sur certains modes de scrutins. Il ne serait pas concevable, nous le répétons, qu'une personne nommée – et non directement élue – puisse dissoudre l'Assemblée nationale.
Le groupe Agir ensemble votera donc contre votre proposition de loi constitutionnelle.