Depuis 2017, les gouvernements ont beaucoup fait pour l'écologie et nombre des mesures qu'ils ont prises sont à inscrire à leur actif. J'aurai sans doute l'occasion de le rappeler au banc car j'entends bien les regrets de certains députés : les actions seraient insuffisantes, il aurait fallu créer un poste de vice-Premier ministre – ce poste serait d'ailleurs peut-être vacant. Nous en reparlerons le moment venu.
Dans ce domaine, le débat parlementaire est essentiel et je n'entends pas substituer la réflexion de 150 de nos concitoyens à la vôtre. Cependant, gardons-nous d'opposer les uns aux autres. Le mot « urgence » est fréquemment revenu. Nombre d'entre vous avez aussi évoqué, à juste titre, l'exemplarité de la France dans ce domaine. La France, en effet, a un rôle à jouer au plan international et elle a déjà démontré à quel point elle pouvait être à la pointe sur ces sujets.
Monsieur Julien Aubert, vous dites que la Convention citoyenne pour le climat ne représente pas le peuple. Rappelons qu'elle rassemble 150 de nos concitoyens, aussi pardonnez-moi de penser qu'elle le représente tout de même un peu. Certes, ils ont été tirés au sort, mais ils ont beaucoup travaillé, ils ont été entourés d'experts et ils ont consulté toutes les associations. Pour avoir vécu ce débat à propos du Conseil économique, social et environnemental (CESE), je pense qu'on ne peut pas opposer 150 de nos concitoyens de bonne volonté à la représentation nationale. Ce serait même légèrement condescendant. Dans le registre de la saillie drolatique, vous avez ajouté, Monsieur Aubert, qu'on n'allait pas réformer la Constitution pour tout, sinon pourquoi ne pas y inscrire les baleines. Je suis bien d'accord avec vous, il serait difficile de réserver un article aux baleines dans la Constitution, mais surtout ce serait inutile car, si cette réforme aboutit, la garantie de la diversité biologique permettra de lutter contre la disparition de certaines espèces, en particulier des baleines. J'espère vous avoir ainsi rassuré…
Plus sérieusement, la préservation de l'environnement ne sera plus un objectif à valeur constitutionnelle mais un principe à valeur constitutionnelle à part entière. Vous semblez le craindre. Moi, pas du tout. Vous avez rappelé que les lois en faveur de l'environnement n'avaient pas manqué depuis cinquante ans. Le résultat est-il satisfaisant ? Avons-nous remarqué une amélioration pour l'environnement ? Sûrement pas. Il faut donc aller plus loin et c'est à ce défi que le Gouvernement entend répondre en donnant une force nouvelle à la protection de l'environnement dans la Constitution. Voilà en quoi réside l'utilité de cette réforme : l'obligation d'agir.
Quant au mot « garantir », que vous craignez tant, je rappelle qu'il figure déjà à quatre reprises dans la Constitution. En rendrait-il les dispositions concernées inutiles ? Dangereuses ? L'enjeu de l'urgence écologique nous impose de dépasser les positions politiciennes.
Merci, Monsieur Anglade, pour la qualité de votre travail et de votre réflexion. On ne peut pas opposer le travail de 150 citoyens et celui de la représentation nationale. Vous n'allez pas prendre pour argent comptant ce qu'a dit la Convention citoyenne : vous allez examiner les mots choisis. Vous avez, bien sûr, un véritable rôle à jouer.
Il y a eu récemment une condamnation de l'État, c'est vrai. Je ne vais pas la commenter, puisque je suis le garde des Sceaux. L'environnement est l'affaire de tout le monde – de ces 150 concitoyens et de chacun d'entre nous. Ne plus jeter les mégots de cigarette par terre, ne pas polluer quand on est un industriel, aller de l'avant avec ce texte, c'est notre responsabilité compte tenu du constat que l'environnement se dégrade. Nos enfants, nos adolescents le savent parfaitement. Ils ont très souvent fait leur ce combat.
La Charte de l'environnement, qui date en réalité de 2004, a donné à la protection de l'environnement une valeur constitutionnelle. Cela permet au législateur de prendre des mesures importantes. Dans la Charte, la protection de l'environnement est un objectif vers lequel nous devons tendre. Par le présent texte, nous vous proposons d'en faire une obligation constitutionnelle, à la charge des pouvoirs publics. C'est ce que signifie l'emploi des termes « garantir » et « lutter » que nous voulons introduire à l'article 1er de la Constitution.
Je me déplace d'habitude avec un code pénal et un code de procédure pénale ; j'irai en séance publique avec un dictionnaire. Je rappellerai à ceux qui l'ont oublié, ou qui feignent de ne plus le savoir, que « garantir » revient à assurer sous responsabilité l'exécution de quelque chose dans des conditions parfaitement définies. C'est le mot juste et cela ne doit pas susciter je ne sais quels fantasmes ou je ne sais quelles peurs.
Je voudrais simplement vous remercier, Messieurs Arend, Krabal et Pahun, pour votre enthousiasme et votre envie d'aller de l'avant – vos interventions ne comportaient pas de questions. Vous avez parfaitement compris l'importance de cette réforme, pourquoi et comment elle doit être menée. Il a été question à plusieurs reprises de l'urgence et de l'exemplarité de la France : je reprends ces termes à mon compte. Ce texte – ce qu'il est actuellement et ce que vous en ferez – nous honorera. Il résulte de l'engagement du Président de la République et du choix de citoyens français. La représentation nationale existe, mais il y a aussi le peuple et on ne peut pas le négliger.
Il y a une toute petite modification, il faut le souligner, par rapport aux propositions de la Convention citoyenne : il est question de préservation non pas de la « biodiversité » mais de la « diversité biologique », car c'est le terme le plus adéquat. Le reste est inchangé : il s'agit, par ailleurs, de garantir la préservation de l'environnement et de lutter contre le dérèglement climatique, ce qui n'est prévu, jusqu'à présent, nulle part – certains d'entre vous m'ont interrogé sur l'apport du texte. Nous savons à quel point c'est essentiel : il suffit de regarder les dernières inondations pour comprendre qu'il y a un dérèglement. On ne peut plus être climatosceptique. Les preuves, cela a été dit, ont été apportées sur le plan scientifique.
La question que vous avez posée, Madame Jacquier-Laforge, est extrêmement importante. La Charte de l'environnement énumère précisément les principes constitutionnels en la matière, en particulier le droit de vivre dans un environnement sain, l'obligation de participer à la préservation et à l'amélioration de l'environnement, ainsi que les principes de responsabilité environnementale, de précaution et de participation à l'élaboration des décisions publiques. Le projet de révision constitutionnelle n'ajoute pas d'autres principes à cette liste. En revanche, il donnera une force plus grande à la préservation de l'environnement dans la Constitution. Le contenu des exigences constitutionnelles en matière environnementale ne sera pas modifié : c'est leur portée qui le sera.
Selon vous, Monsieur Leseul, ce texte n'irait pas assez loin. Il ne placera pas la protection de l'environnement au-dessus des autres principes constitutionnels mais il lui donnera une force nouvelle dont le Conseil constitutionnel tiendra compte dans sa jurisprudence. Il ne s'agit pas davantage, je le confirme, de créer un principe constitutionnel de non-régression des lois en matière environnementale. Un tel principe existe dans la loi mais il n'a pas sa place dans la Constitution : il est indispensable de laisser au législateur le pouvoir de préserver efficacement d'autres principes constitutionnels, comme celui de la protection de la santé, par exemple dans un contexte de crise sanitaire.
Monsieur Zumkeller, ce projet de loi constitutionnelle n'a pas vocation à se substituer à toutes les mesures concrètes en matière environnementale. Je rappelle qu'un projet de loi a été préparé en parallèle pour reprendre les propositions de la Convention citoyenne pour le climat. Le présent texte a pour vocation de créer un principe d'action positive des pouvoirs publics : ils seront appelés à intégrer la préservation de l'environnement dans les politiques qui sont menées. À défaut, la quasi-obligation de résultat que nous proposons de créer pourra avoir des conséquences sur le plan de leur responsabilité.
Monsieur Lambert, vous m'avez questionné sur les économies qui seront réalisées en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Dois-je vous rappeler qu'il s'agit d'une réforme constitutionnelle ? Ses effets ne se mesurent en kilos de CO2… Une révision constitutionnelle impose des obligations générales – ce qui ne signifie pas qu'elles n'ont pas d'effet.
Vous dites que le référendum prévu est une manœuvre politique et qu'il n'y a pas d'engagement du Gouvernement dans la lutte contre le dérèglement climatique. Vous oubliez tout ce que ce gouvernement et le précédent ont fait depuis 2017. J'aurai l'honneur de rappeler, grâce aux débats qui auront lieu, le bilan de l'action engagée par le Président de la République en la matière.
Enfin, le principe de non-régression figure déjà à l'article L. 110-1 du code de l'environnement mais il n'y a pas lieu de le constitutionnaliser, je l'ai dit.