Intervention de Julien Aubert

Réunion du mercredi 17 février 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert :

Qu'est-ce qu'une régression ? Ce mot, en lui-même, a quelque chose de subjectif. Une régression, ce n'est jamais bon, mais ce qui constitue une régression pour quelqu'un peut être considéré par un autre comme, disons, une adaptation pragmatique. Nous n'allons pas rouvrir le débat sur les néonicotinoïdes – même s'il faudra un jour qu'on m'explique comment on fabrique du miel de betterave –, alors prenons plutôt l'exemple de la centrale de Fessenheim. Sa fermeture est une régression puisque, en l'état actuel des technologies, le nucléaire est une industrie décarbonée. Mais je ne suis pas certain que les écologistes qui se sont exprimés avant moi qualifieraient la fermeture de Fessenheim de régression. Un concept juridique qui est fondé sur une évaluation politique me semble très mauvais : il aboutira, soit à politiser la justice, soit à ouvrir des débats sans fin, soit, enfin, à transformer des instances judiciaires en juges techniques. Au lieu d'analyser le droit, les juges devront se pencher sur des débats techniques et se faire experts des insecticides ou des technologies nucléaires, ce qui n'est pas, à l'origine, le rôle du Conseil constitutionnel, ni des juges en général.

Surtout, je trouve que ce principe est une insulte à l'intelligence. Les propos de M. Lambert, comme ceux de Mme Batho, fleurent bon la méfiance vis-à-vis de la démocratie. Mme Batho nous a expliqué que, compte tenu du caractère plébiscitaire des référendums, il était préférable de ne pas poser de questions sur l'environnement au peuple, parce qu'il serait capable de voter contre son propre intérêt. M. Lambert, quant à lui, nous a expliqué qu'il fallait se méfier de la liberté des parlementaires et qu'il serait préférable de les enserrer dans des principes, comme si nous n'étions pas capables, intelligemment, de chercher l'intérêt général. Je doute qu'il y ait, parmi les parlementaires, des gens qui souhaitent une régression environnementale ou qui soient des adversaires de l'environnement.

Je suis contre cette dictature de l'expert qui passe par le gouvernement des juges. Elle consiste à dire qu'il faut se méfier des politiques, qui sont élus, et faire confiance aux juges, qui sont nommés, et qui, sur la base de principes nébuleux, vont décider pour nous. Voilà ce j'appelle une régression démocratique !

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