Intervention de éric Dupond-Moretti

Réunion du mercredi 17 février 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

éric Dupond-Moretti, garde des Sceaux :

J'espère que si j'avais l'intention de construire une prison pour Nice dans le beau domaine du Mercantour, je serais interdit de le faire ! Je pense d'ailleurs que c'est déjà le cas.

Monsieur le député Gosselin, je sais que vous êtes un fin juriste, j'ai déjà eu à maintes reprises l'occasion de le constater, et ce ne sont pas des propos de circonstance. En réalité, il ne s'agit pas d'une obligation de résultat mais d'une quasi-obligation de résultat, ce qui change un peu la donne. Dans le texte, « elle garantit » désigne la France, sans la moindre ambiguïté : la France garantit non pas l'environnement mais la préservation de l'environnement. On pourra ainsi nous reprocher une loi qui ne respecterait pas cet engagement fort du Président de la République et du Gouvernement, à savoir garantir la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutter contre le dérèglement climatique.

Je prends un exemple simple concernant la responsabilité, parce que ce mot a résonné à plusieurs reprises dans cette enceinte. Le législateur sera tenu d'adopter les garanties suffisantes pour assurer une protection effective de l'environnement. À défaut, le Conseil constitutionnel pourrait juger la loi inconstitutionnelle. Le juge administratif, quant à lui, pourrait juger que l'administration a manqué à son obligation d'agir pour protéger l'environnement. En cas de dommages, il n'y aura rien de systématique car il ne s'agit pas d'une obligation de résultat, mais d'une quasi-obligation de résultat. Un grand pas a été franchi dans la préservation de l'environnement, de la diversité biologique et la lutte contre le dérèglement climatique avec la décision prise par le Président de la République. C'est un choix politique, audacieux, courageux. Je ne dis pas que rien n'a été fait jusque-là, mais le Président de la République a voulu marquer une véritable rupture. Maintenant, la parole est aux actes !

Par ailleurs, je ne vois pas en quoi l'État qui serait exemplaire nous inciterait à en faire moins. Croyez-vous que si, demain, ce texte va au bout, je jetterai mon mégot au sol alors que je ne le fais plus depuis quelques années ? Pensez-vous que les industriels pollueront davantage parce que l'État s'engage fortement ? Je ne comprends pas bien ce raisonnement. Pour ma part, j'ai toujours appris que l'exemple venait d'en haut.

Enfin, et j'espère que c'est la dernière fois qu'on en parle, vous voudriez, monsieur Lambert, que je me dise favorable à un amendement dont je n'ai pas envie : je ne comprends pas bien la mécanique. Je n'aime pas votre amendement, je demande à la représentation nationale de ne pas le voter : c'est comme ça que ça marche ! Si un amendement trouve grâce aux yeux du Gouvernement, il saura le dire, je vous le promets ! Ce ne serait d'ailleurs pas la première fois que je change d'avis, même ici, en commission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.