Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du mardi 2 mars 2021 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales :

Je suis très heureuse d'être avec vous aujourd'hui pour examiner ce texte qui vise à assouplir les expérimentations.

Le projet de loi organique répond concrètement aux deux principaux besoins exprimés par les élus, ainsi que par nos concitoyens, s'agissant de l'action publique : il faut faire preuve de proximité et d'efficacité. Désormais, nous sommes tous ou presque tous d'accord, me semble-t-il, sur la nécessité de faire en sorte que la décentralisation permette d'adapter les politiques publiques à la diversité des territoires.

La solution, c'est la différenciation. Le projet de loi organique renforcera l'un des outils visant à la mettre en œuvre concrètement : il permettra d'adapter les règles applicables, dans certains domaines, aux particularités des territoires, qu'elles tiennent à leur géographie, à leur démographie ou à leur situation économique et sociale.

Le présent texte sera complété par d'autres outils dans le cadre du projet de loi dit « 4D ». Nous proposerons, par exemple, des transferts de compétences aux seules collectivités volontaires, un renforcement du pouvoir réglementaire local et des mesures de déconcentration spécifiques.

Chacun a compris que le temps des transferts en bloc est révolu : ce n'est plus pertinent. Les territoires ont besoin de cousu main pour être plus agiles. Toutefois, la cohésion des territoires, dont j'ai la charge, impose de marcher sur une ligne de crête, si je puis dire, entre la pente naturelle vers une liberté accrue et l'impératif de cohésion nationale, d'unité de la République et d'équité entre les territoires. Ce débat est essentiel. Les amendements qui ont été déposés, notamment par le groupe La France insoumise, soulèvent d'ailleurs cette question.

Le projet de loi organique vise à faciliter les expérimentations menées par les collectivités territoriales, afin d'ouvrir la voie à une différenciation durable. Les blocages sont encore trop nombreux : seulement quatre expérimentations ont eu lieu sur le fondement du quatrième alinéa de l'article 72 de la Constitution depuis que cette disposition a vu le jour, en 2003.

Le présent texte, issu en grande partie des conclusions d'une étude confiée au Conseil d'État, assouplira les conditions des expérimentations territoriales. Il s'agit de les rendre plus simples d'accès, plus rapides à mettre en œuvre et plus attractives pour les collectivités.

Le premier objectif est de simplifier la procédure d'entrée dans l'expérimentation.

Tout d'abord, les collectivités répondant aux conditions prévues par la loi qui permet l'expérimentation pourront désormais décider d'elles-mêmes d'y participer. À l'heure actuelle, elles ne peuvent qu'en faire la demande : la décision finale relève du Gouvernement, qui fixe par décret la liste des collectivités admises à participer. L'entrée dans l'expérimentation sera considérablement facilitée : les collectivités y entreront, au fur et à mesure, par une simple délibération de leur assemblée délibérante. Cette procédure réduira le délai moyen d'entrée dans l'expérimentation, qui devrait passer d'un an à deux mois.

Par ailleurs, les actes pris dans le cadre des expérimentations seront uniquement publiés au Journal officiel à titre d'information. Actuellement, cette publication conditionne leur entrée en vigueur.

Enfin, le contrôle de légalité sera allégé. Tous les actes pris dans le cadre des expérimentations sont jusqu'à présent soumis à un contrôle de légalité renforcé et dérogatoire, comprenant un déféré suspensif. Le projet de loi organique restreint ce régime spécial à la décision d'entrer dans l'expérimentation – il s'agit d'éviter que des collectivités ne répondant pas aux conditions prévues commencent à la mettre en œuvre.

Le deuxième objectif est d'assurer une évaluation plus pertinente des expérimentations.

Le rapport sur l'évaluation finale de chaque expérimentation transmis au Parlement sera naturellement maintenu. Il constitue un préalable indispensable aux décisions concernant le devenir des mesures prises à titre expérimental.

Le Sénat a demandé un rapport d'évaluation à mi-parcours de chaque expérimentation. J'y suis favorable, et je sais que plusieurs députés sont également sensibles à la question de l'évaluation. Un tel document me semble utile pour les collectivités participant à une expérimentation et pour celles qui hésiteraient à les rejoindre.

Par ailleurs, le Sénat a rétabli le rapport annuel qui recense les propositions et les demandes d'expérimentation. Nous avions initialement estimé qu'un tel rapport deviendrait superflu dès lors que chaque expérimentation ferait l'objet d'une évaluation. Toutefois, il est vrai que plus on communiquera sur les expérimentations, plus on pourra espérer que les collectivités se saisiront de ce nouvel outil.

Troisième objectif – et c'est un point décisif –, nous sortirons de l'alternative, binaire, entre la généralisation et l'abandon de l'expérimentation.

Le législateur aura désormais le choix entre quatre options à l'issue de la période d'expérimentation : la prolongation de cette dernière, qui peut être demandée, au-delà de cinq ans, pour une durée ne pouvant excéder trois ans ; une pérennisation et une généralisation à l'ensemble du territoire national, issue qui, sans être obligatoire, n'est évidemment pas interdite ; une pérennisation pour les collectivités participantes, pour certaines d'entre elles seulement ou pour d'autres collectivités où la mesure expérimentée serait pertinente ; enfin, l'abandon de l'expérimentation.

Compte tenu du bilan réalisé, la loi pourra aussi – il est important de le souligner – modifier les dispositions régissant l'exercice de la compétence ayant fait l'objet de l'expérimentation. Il s'agit de laisser au législateur une marge d'adaptation pour effectuer les ajustements nécessaires.

Je précise aussi que la pérennisation de mesures prises à titre expérimental dans certaines parties du territoire national devra naturellement s'inscrire dans le respect du principe constitutionnel d'égalité.

Enfin, je tiens à dire que simplifier ne suffit pas. Il faut aussi accompagner. Pour assurer l'effectivité des futures expérimentations, nous renforcerons notre organisation institutionnelle en vue de mieux accompagner les collectivités territoriales. Nous suivrons la recommandation du Conseil d'État portant sur la création de guichets permanents : ils seront placés auprès des préfets afin de favoriser les initiatives et de recueillir les propositions des collectivités. C'est une disposition de nature réglementaire, qui ne figure donc pas dans le projet de loi organique mais que je m'engage à prendre.

Ce texte, dont je rappelle qu'il a été très peu modifié et très largement adopté par les sénateurs, est équilibré et répond à une véritable attente des élus locaux. Si j'en crois les amendements que vous avez déposés, vous êtes nombreux à partager cette analyse.

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