Intervention de Jacqueline Gourault

Réunion du mardi 2 mars 2021 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Jacqueline Gourault, ministre :

Le projet de loi organique va au bout des possibilités constitutionnelles qu'offre l'article 72 en matière d'expérimentation. Nous n'avons pas pu mener à bien la réforme constitutionnelle, qui prévoyait une révision de l'article 72 pour intégrer le principe de différenciation. Nous avons choisi la possibilité qu'offrait le rapport du Conseil d'État, commandé par le Premier ministre, d'élargir la capacité d'expérimenter. Chacun doit donc considérer que nous sommes là à droit constitutionnel constant.

Sur l'article 6 et le risque que l'expérimentation ou la différenciation ne crée une inégalité dans les territoires, je partage l'avis qu'a exprimé M. Molac. En France, les inégalités étant criantes, l'expérimentation, qui, avec d'autres voies, mène à une différenciation, est une manière d'y répondre efficacement. De la même façon, quand le Gouvernement contractualise avec un territoire, chacun admet que la Creuse puisse recevoir davantage d'argent que les Hauts-de-Seine. Je crois profondément que la contractualisation est une forme moderne de décentralisation et une façon de traiter les inégalités territoriales.

Alors que nous sommes en train de signer des contrats de relance et discutons des prémices des contrats de plan État-région, nous constatons que toutes les régions ne demandent pas un accompagnement de leurs politiques publiques dans les mêmes secteurs. Certaines doivent construire des centres hospitaliers universitaires (CHU) ; d'autres, des universités. Le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales est une manière de répondre aux inégalités dans le territoire.

S'agissant de la remarque de M. Saulignac, je n'ai jamais dit que je menais une très grande réforme de décentralisation : j'ai parlé de « petites pierres ». J'en profite pour préciser que ces dispositions étant organiques, nous ne pouvions pas les inscrire dans la loi « 4D ». C'est pourquoi nous présentons un projet de loi organique.

Les élus que j'ai rencontrés sont plus en demande d'expérimentations et de différenciation que d'une décentralisation prenant la forme d'un transfert des compétences de l'État aux collectivités territoriales. Ils plaident pour une plus grande adaptation en fonction des territoires.

S'agissant de l'ingénierie, la DGCL sera la référence pour l'accompagnement juridique. Quant à l'ANCT, elle est plutôt du côté de l'ingénierie des projets. Les collectivités territoriales ont souvent besoin d'ingénierie, mais ne la trouvent pas toujours dans leur territoire. Certaines intercommunalités l'ont développée et, parfois, des agences départementales peuvent accompagner les élus. Les services de l'État – les directions départementales des territoires (DDT) –, sont aussi présents. L'ANCT complète le dispositif, et propose un accompagnement des projets.

Les fameux guichets, qui seront ouverts dans les préfectures, seront chargés de l'accompagnement juridique des expérimentations et permettront aux préfets de faire remonter les informations. L'ANCT fera ensuite aussi son travail d'accompagnement.

M. Euzet a évoqué la possibilité pour une collectivité territoriale de se retirer en cours d'expérimentation. L'expérimentation est prévue pour une durée maximale de cinq ans. Elle peut être reconduite une fois, pour une durée de trois ans. Si, au terme des cinq ans, la collectivité souhaite se retirer de l'expérimentation dont la prolongation est envisagée, ou ne pas bénéficier de sa pérennisation, elle pourra l'exprimer. En revanche, il ne me paraît pas souhaitable qu'une collectivité puisse s'engager dans une expérimentation, puis en sortir avant la fin de la période prévue, qui est relativement brève. Une telle possibilité risquerait de générer un certain désordre dans l'organisation des administrations locales.

Monsieur Brindeau, je ne reviens pas sur les dispositions du projet de loi « 4D » en ce qui concerne le logement et les dispositifs d'insertion pour le RSA. Le projet de loi « 4D » prévoit une réforme pérenne, novatrice, non une expérimentation. Pour les ARS, il prévoit de transformer leur conseil de surveillance en conseil d'administration, afin de renforcer le rôle de cette instance et de conforter le poids des élus en son sein, avec la nomination de trois vice-présidents, dont deux vice-présidents délégués parmi les représentants des collectivités territoriales. Mener en parallèle une expérimentation concernant les ARS, différente selon les régions, me semble donc difficile. Les agences ne relevant pas d'une collectivité territoriale, cela n'entre pas dans le cadre de l'article 72.

L'expérimentation sur les routes nationales sera menée selon le principe du volontariat, qui est aussi une forme de différenciation. On n'obligera pas les départements : ils choisiront ou non l'expérimentation. Une expérimentation traitera également des routes qui pourraient être de la compétence des régions. Cela n'empêchera pas les régions de travailler avec les départements, puisqu'il ne s'agit pas de recréer au niveau des régions des services qui existent déjà dans les départements.

Quand je vois M. Molac, je pense également à un autre point ! Un article du projet de loi « 4D » entend revenir sur les conférences territoriales de l'action publique (CTAP). Le dispositif, qui fonctionne très bien en Bretagne, et moins en région Centre, permet d'évoquer les relations entre différents niveaux de collectivités sur un même territoire. On parle très souvent des relations verticales, entre l'État et les collectivités territoriales, mais il serait bon que les régions parlent davantage aux départements, et vice versa. En l'espèce, l'exemple des routes est très parlant.

Le projet de loi « 4D » comprend également une boîte à outils intéressante en matière d'urbanisme, pour faciliter l'action des collectivités territoriales, notamment s'agissant des biens sans maître. Il institutionnalise également les opérations de revitalisation du territoire (ORT). Un article porte aussi sur la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU) et j'espère qu'en l'espèce, on prendra en compte la différenciation. Les documents d'urbanisme, je le rappelle, sont déjà aux mains des collectivités territoriales.

Je confirme à M. Letchimy que le dispositif d'expérimentation est fixé par la loi, mais que l'initiative revient aux collectivités. Le pouvoir réglementaire local existe déjà, mais il faut le renforcer s'agissant des compétences des collectivités et passer du décret à la délibération. Le dispositif du projet de loi organique est applicable dans les départements d'outre-mer (DOM) et les régions d'outre-mer (ROM). Les exécutifs locaux pourront faire des propositions.

L'article 73 de la Constitution prévoit en outre un dispositif spécifique permettant à aux collectivités qu'il régit de fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi, sur habilitation du législateur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.