Intervention de Antoine Savignat

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAntoine Savignat :

Le 30 janvier 2020, la CEDH a condamné la France à indemniser trente‑deux personnes incarcérées dans divers établissements – à Fresnes, Nîmes, Nice, en Martinique, en Guadeloupe et en Polynésie française –, car elle considérait que leurs conditions indignes de détention étaient constitutives d'un mauvais traitement au sens de l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'Homme. Elle a aussi recommandé à l'État de prendre des mesures visant à résorber la surpopulation carcérale. Dans la même décision, elle a jugé que les requérants ne disposaient pas d'une voie de recours effective pour faire cesser ces conditions de détention indignes, en violation de l'article 13 de la Convention qui reconnaît à toute personne dont les droits et libertés ont été violés, le droit à un recours effectif devant une instance nationale. La Cour a estimé que les voies de recours offertes par la procédure du référé-liberté ou du référé­mesures utiles devant le juge administratif n'étaient pas entièrement satisfaisantes.

Le Conseil constitutionnel a quant à lui décidé le 2 octobre 2020 qu'il incombait au législateur de garantir aux personnes placées en détention la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine, afin qu'il y soit mis fin.

Pour se mettre en conformité avec cette exigence, le président de la commission des lois du Sénat, M. François-Noël Buffet, a donc déposé le 11 février 2021 la proposition de loi que nous examinons.

En moins de vingt ans, les prisons sont passées de 48 000 à 72 000 personnes détenues. Si ce chiffre a ponctuellement, et de manière significative, baissé à la faveur de la crise sanitaire, le nombre de personnes incarcérées est reparti à la hausse depuis plusieurs mois. La surpopulation carcérale demeure un mal chronique des prisons françaises.

Il avait pourtant été prévu, dans la loi de programmation et de réforme pour la justice votée en 2019, d'augmenter le budget de la justice afin de construire 15 000 places de prison, de nouveaux types d'établissement et de créer des emplois pénitentiaires, mais également de réviser l'échelle des peines : peines d'emprisonnement d'un mois supprimées, travaux d'intérêt général et bracelets électroniques privilégiés pour les peines comprises entre un et six mois.

Au 1er janvier 2021, 21 664 personnes sont détenues dans des établissements dont le taux d'occupation est supérieur à 120 %, alors que la construction des 15 000 places de prison n'est plus qu'une promesse à l'horizon 2027 – si tant est que ce soit possible.

Cette proposition de loi entend tirer les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel en prévoyant un dispositif de nature à garantir le droit à des conditions dignes de détention. Toute personne détenue se plaignant de conditions indignes de détention aurait le choix de saisir soit le juge des référés qui dispose d'un pouvoir d'injonction, soit le juge judiciaire qui n'a pas un tel pouvoir mais qui peut ordonner la remise en liberté.

Les députés du groupe LR voteront cette proposition de loi répondant à un engagement international et constitutionnel, même si, et nous le regrettons, elle ne résoudra pas à elle seule le problème des conditions de détention.

Si l'on veut qu'il ne soit pas un pansement sur une jambe de bois, ce nouveau dispositif ne saurait donc dispenser la France de poursuivre son programme de construction et de rénovation de places de prison.

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