Intervention de Cécile Untermaier

Réunion du mercredi 10 mars 2021 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Untermaier :

Je citerai une phrase de la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, la CGLPL, qui dit avoir reçu de nombreuses lettres sur la situation des personnes incarcérées ou en détention provisoire : « On vient de m'enlever la table sur laquelle nous pouvions à peine manger à deux pour la poser sur une armoire afin de pouvoir entasser une troisième personne qui pour son malheur est forcée à dormir par terre. » On ne parle donc pas là d'un détenu en situation d'accueil dégradé mais de trois personnes dans une cellule : c'est tout le drame de la surpopulation carcérale. Dans son courrier, la CGLPL nous rappelle qu'il n'y a pas de statistiques sur le nombre de recours introduits à ce sujet : le Conseil d'État en a peut‑être, la Chancellerie, elle, n'en a pas.

Nous n'avons pas de dispositions permettant un recours effectif pour les détenus. Dans ces conditions, je rejoins ma collègue Vichnievsky, il est incroyable qu'au XXIe siècle, on soit encore dans l'obligation de travailler parce qu'on nous met un pistolet dans le dos. Le principe de dignité nous oblige à agir, notamment lorsque c'est du droit d'asile qu'il s'agit, et d'éviter la reconduite à la frontière lorsqu'il y a un risque de dégradation pour la personne concernée.

Après la décision bienvenue de la CEDH de janvier 2020, la Cour de cassation a rendu un arrêt important qui nous fait réagir et mentionne l'urgence, ce que je salue. Désormais, un recours sera ouvert aux individus, le contexte imposant toutefois une action plus générale.

Il ne faut évidemment pas limiter les effets de cette nouvelle disposition aux seuls prévenus mais les élargir aux détenus, et il faut veiller à ce que ces mesures individuelles améliorent les conditions d'incarcération. Il ne faudrait pas que le recours suivi d'une décision positive fasse que la place ainsi libérée soit affectée à un autre détenu, qui y connaîtrait les mêmes conditions indignes. Je n'ai pas vu dans le texte le moyen d'écarter cela, mais nous pourrons y travailler ensemble.

La situation actuelle est aussi dégradante pour les personnels pénitentiaires. Comment valoriser son travail et son action dans des conditions attentatoires à la dignité de la personne humaine ?

Le texte pose d'autres questions, complexes, qu'il s'agisse de la place du juge et de son contrôle sur une décision prise tendant à une incarcération qui ne satisferait pas au principe de dignité ; de la régulation carcérale ; de la décision du juge de mettre en prison si la loi le lui permet – il ne faut pas le brider dans cette action ; du risque d'embolie, parce que le JLD est le couteau suisse de la juridiction judiciaire et qu'il faudra augmenter ses moyens ; des deux ordres juridictionnels – heureusement que le tribunal administratif est là pour condamner l'État, comme il le fait depuis de nombreuses années.

Nous souhaitons faciliter le recours, selon une procédure écrite ou orale, au regard de la gravité de la situation et du principe constitutionnel et conventionnel mis en défaut. Cela a été fait en partie par l'amendement du sénateur Jean-Pierre Sueur.

Nous préconisons par ailleurs que l'on utilise l'expression « faisceau d'indices » plutôt que « commencement de preuve ».

Le recours judiciaire fait suite à un manquement qui tient à des raisons n'engageant pas la responsabilité de l'administration pénitentiaire. Pour remettre le juge au cœur du dispositif, le recours devrait permettre au JLD ou au JAP de décider de mesures selon les propositions de l'administration pénitentiaire, afin d'éviter un aller‑retour qui n'est pas cohérent avec l'urgence de régler la situation.

Le transfèrement ne peut être qu'une proposition et ne saurait remettre en question l'organisation familiale, sociale, ni le parcours d'insertion.

Nous voterons ce texte mais nous souhaitons que des amendements soient adoptés sans attendre, car tel est bien le rôle du législateur, lorsqu'il n'en est pas privé par la révision constitutionnelle.

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