Je souhaiterais d'abord préciser que le Défenseur des droits n'est pas compétent en matière de violence en général, mais uniquement sur celles commises envers les enfants. Il ne l'est pas davantage en matière de violences faites aux femmes, mais l'est en revanche lorsque les femmes sont victimes de discriminations.
De nombreux avis ont été rendus depuis mon arrivée concernant le harcèlement en ligne à l'encontre des enfants. La plupart de ces situations commencent à l'école et se poursuivent sur les réseaux sociaux. Il est compliqué pour les enseignants et, plus largement, pour l'école, de répondre efficacement aux difficultés soulevées par ce sujet. Ils ont parfois le sentiment qu'une problématique en ligne n'est plus de leur ressort, alors même qu'elle commence pourtant à l'école. Je m'inquiète surtout du long délai s'écoulant avant que les enfants soient écoutés, qui laisse à penser que ces enfants craignent de s'exprimer. Il convient donc de travailler à les mettre en confiance, parallèlement à la question du renfort de la surveillance des réseaux sociaux, dont les enfants ne sont d'ailleurs pas les seules victimes.
S'agissant des jeunes faisant l'objet de poursuites pénales, le travail éducatif est indispensable. Le juge doit par ailleurs disposer de tous les éléments éducatifs et sociaux, afin d'éviter une justice trop expéditive. C'est le sens de notre position concernant la réforme de la justice pénale des mineurs
Le Défenseur des droits s'intéresse nécessairement à toutes les questions ayant trait aux discriminations. Un rapport rédigé avec l'Organisation internationale du travail (OIT) concernant les discriminations dans l'emploi, publié en décembre 2020, montre qu'il existe un continuum dans ce domaine. Seules 0,1 % des victimes de discriminations disent ne pas avoir subi auparavant des propos discriminatoires, sexistes ou racistes, ou une forme de harcèlement. De plus, ces discriminations au travail n'ont pas uniquement de conséquences sur la vie professionnelle, mais aussi sur tous les autres aspects de la vie de la victime, dont sa santé et sa famille.
Concernant les difficultés d'accès au logement, notamment au logement social, elles sont en effet remontées au Défenseur des droits. Certains demandeurs sont considérés trop pauvres pour pouvoir y prétendre : c'est un comble. La question de la précarité et de l'interdépendance des droits fait partie des priorités que je me suis fixées pour mon mandat, une thématique dont relève le droit au logement. Une construction massive de logements sociaux sera néanmoins indispensable pour résoudre ce problème.
Quant à la mise à l'abri des SDF durant le confinement, il s'agit en effet d'une démarche positive. Leur seul hébergement ne suffit néanmoins pas : ces personnes ont besoin d'un véritable logement. Cette question devra donc être travaillée.
S'agissant du réseau des délégués en milieu rural, 80 de nos bénévoles interviennent déjà dans des maisons France Service ou dans des maisons de service au public. Notre objectif est d'accroître leur présence auprès des populations les plus éloignées. En dépit de la communication massive réalisée par le Défenseur des droits durant le mandat de Jacques Toubon, l'institution reste insuffisamment connue, en particulier des citoyens les plus éloignés du droit. Il sera donc important de poursuivre ces efforts.
Sur les contrôles d'identité, je répète que je n'ai jamais proposé de zone sans contrôle. La présence préventive de la police de proximité est absolument essentielle, mais les contrôles d'identité ne devraient pas être son seul recours. Il est d'ailleurs intéressant d'étudier les pratiques des pays voisins. Je regrette que certains nient encore l'existence d'un problème dans ce domaine, pourtant évident en France.
Derrière l'apparente neutralité des algorithmes, ils sont ou deviennent discriminatoires. Il convient de former et sensibiliser les professionnels des métiers techniques et d'ingénierie informatique, et de soutenir la recherche pour développer des études afin de prévenir les biais. L'obligation légale en matière de transparence et d'explication des algorithmes devra également être renforcée. Des études d'impact anticipant les effets discriminatoires de ces algorithmes seront enfin nécessaires.
Le numéro « 3928 » a reçu 11 000 contacts durant son premier mois de fonctionnement : 3 000 au téléphone et 1 000 sur le chat. Les demandeurs sont plus jeunes qu'auparavant. La question des discriminations à l'origine y est le plus souvent évoquée, alors que le handicap était jusqu'à présent la première source de réclamations relatives aux discriminations.
À date, 20 % des contacts ont abouti à une saisine. Lorsqu'ils concernent des propos racistes et des violences, les demandeurs sont renvoyés vers les interlocuteurs compétents. D'autres personnes apprécient l'écoute qu'elles reçoivent, mais préfèrent ne pas engager des poursuites. Les équipes de juristes consacrent en moyenne 15 minutes par contact.
Le site internet, qui a été adapté aux smartphones, sera encore développé. Il renverra vers un centre de ressources. Il conviendra en outre d'y afficher une carte de France des délégués, mais aussi des associations compétentes, car les populations les plus en difficulté ont besoin d'un contact physique, y compris en milieu rural. Nous pouvons, ensemble, couvrir une grande partie du territoire.
Enfin s'agissant de l'état d'urgence, je terminerai en insistant sur l'importance des espaces de dialogue et sur le rôle capital que le Parlement a à jouer. Je recommande également d'intégrer un juriste au sein du Conseil scientifique.