Intervention de Olivier Véran

Réunion du mardi 4 mai 2021 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Olivier Véran, ministre des Solidarités et de la Santé :

Si j'étais optimiste, je vous dirais que l'espoir renaît enfin. Si j'étais pessimiste, je vous dirais qu'il est trop tôt pour se réjouir. Mon rôle de ministre des Solidarités et de la Santé est d'être pragmatique, lucide et responsable, évidemment. Le projet de loi de sortie de l'état d'urgence sanitaire n'est pas un point de bascule. Il ne marque pas une rupture nette entre les contraintes qu'impose l'épidémie et le retour à la vie d'avant ; il fixe une destination à laquelle il nous tarde d'arriver depuis longtemps. Ce projet de loi dessine des perspectives sur le long terme. Il installe de manière progressive et pérenne les conditions d'un retour à la normale sûr, efficace et durable. Ce projet de loi n'est pas celui des incantations, des prophéties et des spéculations. Il est guidé par notre volonté collective de sortir une bonne fois pour toutes de la crise sanitaire.

Nous avons tous conscience de la lassitude des Français, si légitime après plus d'un an d'une crise sanitaire qui a exigé de chacun tant de sacrifices. Cette lassitude, vous la partagez, je la partage, parce que ce n'est pas de gaieté de cœur que l'on renonce à toutes ces choses qui font le charme de notre mode de vie. Dans cette assemblée, nous n'avons cessé, depuis le début de l'épidémie, de chercher le juste équilibre pour qu'elle ne balaie pas nos valeurs les plus fondamentales. Le juste équilibre, ce n'est pas un équilibre parfait, ce n'est pas la décision unanime – qui n'existe pas ou si rarement en démocratie –, mais celui de l'intérêt général, que vous définissez ici comme nulle part ailleurs. L'état d'urgence sanitaire n'a pas été une fantaisie. Il n'a pas été un excès de zèle ou de prudence. Il a permis de donner un cadre juridique et démocratique à des décisions sans précédent, qui se sont toujours appuyées sur les données de la science, sur notre connaissance du virus et sur nos moyens de lutter contre celui-ci avec une seule boussole : protéger la santé des Français.

L'état d'urgence sanitaire a surtout permis de contenir autant que possible la propagation d'un virus qui a déjà tué plus de 105 000 de nos concitoyens. Qu'en est-il aujourd'hui et que devons-nous faire ? Le virus est toujours présent : plus de 23 000 contaminations aujourd'hui, ce qui est certes bien mieux qu'il y a quelques semaines où nous avions atteint 40 000 cas par jour, mais est encore beaucoup. La semaine dernière, le nombre de patients en soins critiques sur l'ensemble du territoire a diminué de plus de 6 % et le volume total de patients covid en soins critiques a entamé une diminution depuis le 27 avril – il y a ce soir 5 520 patients en soins critiques, quand il y en avait plus de 5 600 hier, et 28 500 malades covid hospitalisés.

Les départements ayant fait l'objet de mesures renforcées dès la fin du mois de mars connaissent une amélioration nette de l'évolution épidémique, avec des baisses très dynamiques, à Paris, en Seine-Saint-Denis, dans le Val-d'Oise, dans les Yvelines, de même que dans l'Oise et dans les Alpes-Maritimes. C'est une tendance favorable, mais à l'heure où je vous parle, tous les leviers restent mobilisés pour permettre de répondre dans chaque région aux besoins des établissements de santé, notamment face au risque de maintien d'un plateau haut.

Le projet de loi tient compte de cette réalité, et s'il crée un régime de sortie de crise sanitaire, c'est pour que le retour à la vie normale ne soit pas un slogan mais un projet sérieux, raisonnable et réaliste. Le texte consacre des changements substantiels par rapport à ce que nous avons connu jusqu'à présent, des changements majeurs même dans le quotidien. C'est d'abord la fin de l'état d'urgence sanitaire, déclaré le 14 octobre dernier et que le Gouvernement a été contraint de demander au Parlement de proroger. La fin de cette période marquera des évolutions juridiques concrètes pour nos concitoyens. Le projet de loi consacre ainsi dès le 2 juin l'impossibilité de prendre des mesures de confinement. Nous estimons cependant nécessaire de conserver à titre très temporaire l'outil du couvre-feu, pour éviter de proroger d'un mois supplémentaire l'état d'urgence sanitaire, compte tenu de la situation. Un amendement du Gouvernement permettra le couvre‑feu, et lui seul, en encadrant très précisément ses bornes horaires : au plus entre 21 heures et 6 heures du matin, en limitant son application à quatre semaines, du 2 au 30 juin, et en garantissant la possibilité des déplacements indispensables aux besoins familiaux ou de santé. La rédaction qui vous sera proposée encadre et limite ainsi très strictement ce dispositif.

Cette mesure montre le caractère progressif de notre démarche, qui ne se traduira pas par une bascule immédiate de l'état d'urgence sanitaire vers le régime de sortie, mais par une période transitoire de quatre semaines, avant d'aboutir au régime de sortie lui-même, sans couvre-feu, à compter du 1er juillet. Faire passer le couvre-feu de 19 heures à 21 heures, ce n'est évidemment pas une victoire et nous avons déjà connu des bonheurs plus grands, mais c'est un changement qui va dans le bon sens. Comme le Président de la République l'a annoncé, cette heure sera encore retardée dans la soirée, dès lors que la situation sanitaire se sera suffisamment améliorée. Aller dans le bon sens, c'est choisir la bonne direction, éviter les accélérations trop brutales et les sorties de route. C'est la seule ambition du projet de loi.

Le texte tire également les leçons des expériences vécues. Nous savons que la circulation du virus n'est pas la même d'un territoire à l'autre, ce qui a d'ailleurs justifié des mesures territorialisées à de nombreuses reprises. Si une nouvelle flambée épidémique devait survenir en un point très circonscrit du territoire, la possibilité serait alors laissée ouverte, pendant la période estivale, de renforcer les mesures sanitaires sur une fraction du territoire, pour une durée initiale de deux mois, avant d'avoir à solliciter une prorogation par la loi. Je vous rappelle que l'été dernier, alors que la situation sanitaire s'était considérablement améliorée sur le territoire métropolitain, une flambée épidémique était apparue en Guyane – je m'y étais déplacé avec le Premier ministre et le ministre des Outre-mer – et nous avions dû prononcer des mesures de confinement qui avaient permis de sauver de nombreuses vies.

Par ailleurs, et beaucoup de députés y tenaient, ce texte permet de verser les données pseudonymisées des systèmes d'information covid au sein du système national des données de santé (SNDS), afin de pouvoir les conserver après la crise sanitaire, uniquement à des fins de recherche, ce qui sera indispensable pour l'avenir, alors que le monde sera très certainement confronté à de nouvelles épidémies.

La campagne vaccinale progresse, et avec elle nos espoirs grandissent. Nous avons vacciné, dans les dernières vingt-quatre heures, 546 000 personnes, un record pour un mardi qui laisse présager d'une semaine qui marquera des records dans la campagne vaccinale. J'ai une pensée particulière pour les 150 000 de nos concitoyens qui sont mobilisés dans tous les centres, les pharmacies, les cabinets médicaux et au domicile des patients. De nouvelles questions se posent. Je n'esquive pas celle du passe sanitaire, mais je laisserai la parole sur ce sujet à mon collègue Cédric O.

Dans la liste des outils dont nous disposons pour lutter contre l'épidémie, il y a bien entendu le vaccin et les preuves d'immunité, mais l'épidémie ne se réduit pas à sa seule dimension sanitaire. Le projet de loi tient compte de la situation économique du pays. Depuis plus d'un an, l'État a prouvé qu'il était capable d'accompagner nos entreprises. Des aides et des accompagnements ont été mis en œuvre parmi les plus favorables d'Europe et des plans spécifiques ont été amplifiés dans certains secteurs. Il convient désormais d'adapter plusieurs mesures d'accompagnement économique et social prises lors des étapes précédentes de l'épidémie, afin de limiter les conséquences de la crise sanitaire et de soutenir la reprise progressive de l'activité.

S'il est une chose qui ne s'est pas arrêtée pendant l'épidémie, c'est notre vie démocratique, et le débat de ce soir l'illustre une fois encore. Cette vie démocratique est indissociable des rendez-vous électoraux. Au mois de juin doivent se tenir les élections régionales et départementales, que ce projet de loi permet de sécuriser, tant pour la campagne que pour le scrutin.

Le texte, applicable à compter du 2 juin jusqu'au 31 octobre 2021, est la condition d'un optimisme raisonnable. Chacune de ses lignes tient compte de la persistance du virus, du rapport de force, toujours évolutif, dans le combat que nous menons contre lui. Avant d'être ministre, j'ai siégé dans l'hémicycle et j'ai une très haute idée de la mission qui vous est confiée comme représentants de la nation. Face à la crise sanitaire, votre responsabilité n'est pas grande, elle est immense. Je mesure l'amertume provoquée par le régime de l'état d'urgence sanitaire, mais je sais aussi que sans vous, sans la force de la démocratie, notre combat perd son sens et notre avenir est plus qu'incertain. Dans le projet de sortir une bonne fois pour toutes de la crise sanitaire, nous devons poser des jalons et trouver ensemble les conditions dans lesquelles la vie pourra redevenir ce qu'elle était. Je suis sûr que vous serez au rendez-vous.

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