Intervention de Marietta Karamanli

Réunion du mardi 4 mai 2021 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarietta Karamanli :

La France doit donc sortir de l'état d'urgence le 2 juin mais le Gouvernement entend encore conserver des prérogatives importantes jusqu'en octobre. Le Premier ministre pourrait ainsi prendre des mesures par décret « dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19 » et, ainsi, « Réglementer ou, dans certaines parties du territoire dans lesquelles est constatée une circulation active du virus, interdire la circulation des personnes et des véhicules, etc. ». Comment définir cette circulation active du virus ?

Il pourra également « interdire ou restreindre les déplacements de personnes et la circulation des moyens de transport, sous réserve des déplacements strictement indispensables aux besoins familiaux, professionnels et de santé ». Il pourra aussi « réglementer les rassemblements de personnes, les réunions et les activités sur la voie publique et dans les lieux ouverts au public. » Nous avons besoin de précisions !

Pour « répondre à des dégradations localisées de la situation sanitaire », le texte précise que l'état d'urgence pourrait être déclaré jusqu'au 31 octobre « dans une ou plusieurs circonscriptions territoriales déterminées », « le délai pour l'intervention du législateur aux fins d'une prorogation de l'état d'urgence sanitaire » pouvant être porté à deux mois, ce qui est très long.

L'exécutif limite donc les libertés publiques et individuelles et habilite les préfets à prendre des mesures dans le cadre d'une gestion territorialisée. Certes, le projet de loi prévoit l'information du Parlement mais il aurait été heureux de préciser qu'elle doit se faire « sans délai ».

En mars, mai, juillet, novembre 2020 puis en février 2021, le Parlement a accepté d'accorder au Gouvernement des pouvoirs exceptionnels face à la crise. Pendant ces quinze mois, nous avons espéré que des mesures d'encadrement général des pouvoirs ainsi accordés seraient examinées. Or, une fois de plus depuis le texte de sortie précédent, en juin 2020, ce projet de loi confie au Premier ministre l'application de toutes les mesures induites par l'état d'urgence et certaines restrictions des libertés fondamentales, en l'état, pourraient être maintenues plusieurs mois sans aucune intervention de notre assemblée.

La limitation des libertés publiques et individuelles, cependant, doit être temporaire, le Parlement doit pouvoir se prononcer régulièrement et les juges doivent pouvoir s'assurer de la proportionnalité de telles mesures. Nos amendements sont fondés sur ces principes, tant en ce qui concerne la définition de ce qu'est la « circulation active du virus » – en lien avec les restrictions portées à la liberté d'aller et de venir –, que la limitation à trente jours de la durée de validité des mesures prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire allégé en l'absence de durée et de référence à la circulation du virus, ou l'information du Parlement sur les décisions prises par l'autorité administrative au plan territorial.

Plus généralement, nous avons besoin d'en savoir un peu plus sur le bilan des derniers mois, la campagne de vaccination, ses priorités, sa logistique, les différents scénarios alternatifs et l'estimation de leurs effets et, enfin, sur les avis scientifiques, bien souvent contradictoires, quant à la poursuite ou à l'évolution de la pandémie. Nous avons tous besoin de transparence, y compris afin de convaincre les plus réticents que les mesures prises sont toujours proportionnées, efficaces en l'état des connaissances disponibles, et répondent seulement aux nécessités de la situation sanitaire. Cela suppose également de placer l'expertise publique, collégiale, transparente et contradictoire au cœur de la décision.

À propos du passe sanitaire, le nombre de personnes arrivant dans notre pays – y compris en provenance de zones à risque – et devant être testées sera de plus en plus important avec l'été. Or le temps d'attente est déjà parfois assez long. Qu'en sera-t-il, plus précisément, des voyageurs en provenance d'Inde ? Plus globalement, quelle est la stratégie déployée à nos frontières, en liaison avec les États membres de l'Union européenne ? Enfin, quel sera le prix des tests obligatoires dans le cadre du passe ?

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