Intervention de Éric Coquerel

Réunion du mardi 4 mai 2021 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

J'ai un peu peur que ce projet de loi soit moins relatif à la gestion de la sortie de la crise sanitaire qu'à la gestion de la prolongation de celle-ci, au prix de restrictions de libertés telles que celles qu'on connaît depuis un an et avec une efficacité sanitaire que, pour ma part, je conteste.

Avec ce texte, on ne sort pas réellement de l'état d'urgence sanitaire, on passe à un état d'exception, calqué sur le régime transitoire prévu par la loi de juillet 2020. Entre le 2 juin et le 31 octobre donc, la seule différence avec le véritable régime d'état d'urgence sanitaire sera l'impossibilité de décréter un confinement strict. Tout le reste sera possible. Il s'agit donc bien d'un système d'exception, avec des curseurs : plus ou moins de confinement, de couvre-feu, de restrictions, de contrôles.

Il n'est pas possible de continuer ainsi, avec un système qui n'a pas montré son efficacité en un an. Vous ne comptez manifestement que sur le vaccin pour nous sortir de la situation – je reste étonné, au passage, que la France ait voté en octobre 2020 à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) contre la proposition de l'Afrique du Sud et de l'Inde pour une licence publique du vaccin : c'est tout de même gros. Mais si le vaccin doit être renouvelé régulièrement, comme celui contre la grippe, ou alors s'avère moins efficace en matière de transmission qu'on ne l'espère – car pour l'instant on n'est sûr de rien –, nous aurons encore des mois et des années de restriction des libertés, faute d'avoir examiné les alternatives au confinement. Toutes les oppositions vous ont pourtant proposé d'autres solutions, que vous n'avez pas voulu retenir.

Nous sommes donc partis pour un confinement des libertés jusqu'au 31 octobre 2021. Votre stratégie n'est pas d'éradiquer le virus mais de vivre avec, de le gérer, moyennant plus ou moins de restriction des libertés. La différence se voit sur le passe sanitaire. On pourrait s'entendre sur l'efficacité sanitaire d'un passeport aux frontières – encore faudrait-il fixer des conditions d'application humaines, pas comme à Roissy où des gens en provenance d'Inde vivent à même le sol dans une salle d'embarquement depuis des jours. Mais j'ai entendu M. Castex et M. Macron dire que le passe pourrait servir à autre chose, et que le Parlement allait débattre de son élargissement à des événements sportifs ou culturels par exemple ! Si le passe ne sert en fait qu'à des activités de loisirs et sociales, jamais pour le travail et l'école, cela va poser problème : le passe sanitaire n'est pas une fin en soi, d'un point de vue sanitaire. Je préfère nettement qu'on décide de tester de manière systématique les gens qui vont à l'école et au travail et qu'on leur fasse des propositions concrètes pour s'isoler s'ils sont contaminés, sans parler de contrainte. Tout cela, vous ne l'avez pas fait depuis un an. Je reste donc dubitatif.

Vous n'avez pas non plus réuni les conditions matérielles permettant l'isolement des gens qui vivent dans des logements exigus, par exemple. En un an, cinquante propositions ont été faites en Seine-Saint-Denis ! Vous envisagez pourtant de contraindre des gens à aller passer leur quarantaine ailleurs que là où ils le veulent. La contrainte est possible, mais pas l'organisation qui permettrait aux personnes qui le souhaitent de s'isoler quand leur logement n'est pas adéquat. Belle contradiction !

Enfin, je suis contre la possibilité d'imposer sur une période prolongée des mesures différenciées selon les territoires, notamment un couvre-feu, lequel n'a jamais fait ses preuves sur le plan sanitaire et compromet les libertés. Les territoires où le virus circule, on les connaît : ce sont les plus défavorisés, comme la Seine-Saint-Denis – parce que les gens travaillent en première ligne, parce que l'offre de santé est insuffisante, parce que les logements sont exigus. Si la seule solution est un couvre-feu plus strict, ce n'est pas acceptable : ce n'est pas une stratégie de punition qu'il faut, mais une stratégie de solution. Cette stratégie passe par la vaccination, avec une priorité pour les travailleurs en première ligne, par des possibilités d'isolement, par des purificateurs d'air dans les classes, par des ouvertures de lits d'hôpital et des embauches de personnel soignant dès maintenant, en prévision de la prochaine vague – ce que vous n'avez pas fait en mars dernier. Bref cela passe par des solutions alternatives au confinement.

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