Intervention de Olivier Véran

Réunion du mardi 4 mai 2021 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Olivier Véran, ministre :

Pour commencer par des questions d'ordre général sur l'ensemble de la situation et de notre stratégie, il y a trois façons de combattre une épidémie : la stratégie de l'atténuation, celle de la suppression et celle l'éradication. L'atténuation, c'est comme pour la grippe : le virus circule, on protège les plus fragiles par la vaccination et lorsque l'épidémie est particulièrement violente, on prend des mesures de prévention pour éviter des dégâts sanitaires trop importants. La suppression, c'est quand on confine un pays au moment où le virus circule pour ramener ce dernier au plus bas niveau possible – même s'il ne s'agit pas à proprement parler de le supprimer. C'est ce que nous avons fait avec le premier confinement, qui avait porté ses fruits puisqu'on était descendu à quelques centaines de cas par jour. Quant à la stratégie d'éradication, l'humanité l'a connue pour la variole et actuellement pour la poliomyélite – on constate, d'ailleurs, que les deux seules pathologies que nous avons réussi à éradiquer l'ont été au moyen de la vaccination de masse.

Aujourd'hui, nous poursuivons les trois stratégies à la fois : la stratégie d'atténuation, puisque nous vaccinons en priorité les plus vulnérables, pratiquons les gestes barrières et préservons nos hôpitaux ; la stratégie de suppression, que nous corrélons avec des mesures de freinage, notamment le couvre-feu ; la stratégie d'éradication enfin, celle du « zéro covid », puisque nous vaccinons la planète. Nous en sommes à 1,2 milliard d'humains vaccinés et savons que la vaccination, peut-être renouvelée mais en tout cas massive, de toute la planète, est indispensable. C'est pourquoi il faut aider l'Afrique et l'Amérique du Sud à se vacciner : c'est à ce prix que nous pourrons éradiquer définitivement la covid-19 de la surface du globe.

Vouloir mener une stratégie d'éradication à l'échelle française ou européenne n'est même plus une utopie ; c'est un mythe. Les seuls pays qui peuvent le faire sont insulaires. La Nouvelle-Zélande reconfine à chaque nouveau cas – elle a passé beaucoup de temps en confinement. Notre seul territoire ultramarin qui avait été épargné, Wallis-et-Futuna, pourtant très isolé, est désormais touchée depuis l'arrivée d'une personne potentiellement contagieuse.

Nous poursuivons donc ces trois stratégies, sachant que l'apparition de variants encore plus contagieux a rendu la stratégie de pure suppression beaucoup plus difficile à tenir. J'en veux pour preuve l'exemple allemand. Angela Merkel avait annoncé en décembre un confinement généralisé, dur, prolongé, devant permettre de presque stopper la circulation du virus. Les Allemands sont descendus à 5 000 contaminations par jour après trois mois de confinement et sont aujourd'hui à presque 20 000 contaminations par jour, quasiment le même niveau que nous, voire plus puisqu'ils font deux fois et demie moins de tests.

Il est vraiment important de saisir cette stratégie. Mme Karamanli demandait ce qu'est une circulation active du virus : tout dépend du moment. Aujourd'hui, la circulation du virus est active à l'échelle du pays, voire du continent européen. L'été dernier, elle était extrêmement faible sur tout le territoire, mais sont apparus çà et là des foyers épidémiques qui ont éveillé notre vigilance. Nous sommes intervenus en urgence, dans les abattoirs de Mayenne ou dans certaines communes rurales, pour éviter une nouvelle vague épidémique au cœur de l'été. Pendant ce temps, même si l'Europe se portait assez bien, l'hémisphère sud connaissait des vagues épidémiques intenses. Il faut préserver nos territoires ultramarins, y compris par la loi – raison pour laquelle nous vous demandons la possibilité de déclencher un état d'urgence sanitaire localisé –, y compris au cœur de l'été, y compris lorsque le Parlement est au repos. Nous devons pouvoir intervenir en urgence pour protéger les populations, comme nous l'avons fait en Guyane l'été dernier.

S'agissant des mesures qui ont été prises, vous avez parfaitement le droit de considérer, monsieur Coquerel, qu'elles ne sont pas efficaces. Pourtant, cela se voit comme le nez au milieu de la figure. Regardez les courbes de la situation en France à la suite de l'application des mesures contre lesquelles vous avez voté : on n'en est plus à 40 000 cas par jour, mais à 20 000. La concordance de temps est évidente en France, mais aussi en Allemagne, au Royaume-Uni, en Espagne, en Italie, au Japon, ou encore aux États-Unis là où les États ont édicté ces mesures. Nier l'évidence est votre droit, mais je ne crois pas que cela fasse progresser la science.

Pour entrer dans des sujets plus détaillés, il a été question des tests PCR qui sont exigés de nos ressortissants qui rentrent en France. Comme cela a été dit, la France est le seul pays de l'Union européenne dans lequel tous les tests sont gratuits et sans conditions. Faut-il prendre en charge les tests effectués par les Français revenant de voyage ou de vacances ? Cela relève-t-il de la sécurité sociale ? C'est une discussion que nous avons au niveau européen et qui n'a pas encore abouti. J'y suis sensible. Notre système de protection sociale est formidable même pour ceux qui tombent malades à l'étranger, avec un système de conventions de prise en charge des soins. Mais concernant la question que vous évoquez, nous sommes en train d'y travailler.

S'agissant des bureaux de vote et de la vaccination des assesseurs, un certain nombre de propositions ont été faites. Nous sommes en train d'y travailler avec le ministre de l'Intérieur. Une partie non négligeable des assesseurs sont déjà vaccinés parce qu'ils ont plus de 55 ans ; d'autres sont déjà identifiés et pourront être vaccinés de façon prioritaire ; d'autres encore pourront bénéficier du vaccin Janssen, monodose, qui permet d'éviter l'écueil du rappel. Tout cela est en train de s'organiser.

La différence entre l'état d'urgence sanitaire et le régime de sortie ne se trouve pas seulement dans l'impossibilité de confiner, mais aussi dans l'impossibilité de restaurer un couvre-feu – à l'exception de l'amendement que nous déposons pour le mois de juin, qui est une exception et non la règle, et encadré par des conditions très précises – ou encore dans des capacités moindres d'encadrer les rassemblements, déplacements et activités. Dans le texte que nous vous proposons, l'autorisation sous conditions est la règle et l'interdiction devient l'exception, qui doit se justifier plus strictement qu'auparavant.

Les données sur le covid du SNDS sont des données pseudonymisées. Pour le citoyen lambda, cela revient exactement au même que les données anonymisées en termes de sécurité. En termes de recherche, en revanche, c'est très différent. Le SNDS permet d'avancer en matière de données de santé, avec notamment l'espace numérique de santé qui va voir le jour pour tous les Français au 1er janvier 2022. Vous avez voté tout cela. La pseudonymisation permet l'accès à ces données, à des fins de recherche et dans des conditions très encadrées, avec l'accord systématique de la CNIL. Il ne faut pas laisser disparaître ces données fin 2021, c'est capital. D'une part, les textes prévoient la conservation des données du SNDS pour une durée de vingt ans. C'est important pour la recherche. Prévoir de conserver moins longtemps certaines données juste parce qu'elles sont liées au covid serait un peu curieux, et dommage. D'autre part, ces données peuvent être utiles en cas de résurgence du virus. Nous connaîtrons d'autres épidémies, d'autres pandémies, d'autres virus, d'autres germes, même si j'espère que ce sera le plus tard possible. Nous aurons besoin de connaissances affinées sur les relations entre l'environnement et la diffusion des vecteurs infectieux.

Pour répondre à la question du rapporteur, le passe sanitaire ne dispensera pas l'organisateur de l'événement de faire respecter les mesures de prévention, comme le port du masque, la distanciation ou le respect des jauges. Il ne sera donc pas un blanc-seing pour les organisateurs, mais pour les participants.

Si le régime transitoire est prévu pour durer jusqu'au 31 octobre plutôt qu'au 30 septembre, c'est essentiellement pour des raisons pratiques. Même si nous connaissons le même été que l'année dernière, avec une reprise globale des libertés et du vivre ensemble, on ne peut pas exclure, comme cela s'est produit en août, l'émergence de foyers infectieux qui imposent d'intervenir rapidement. L'échéance du 31 octobre ne nous permet pas de faire durer le régime pour le plaisir, mais d'être sûrs de ne pas avoir à convoquer en urgence le Parlement un 25 août pour valider un état d'urgence localisé ou prendre des mesures de gestion de crise sanitaire. Je sais que vous répondriez à l'appel, mais j'ai aussi une pensée pour les fonctionnaires des ministères qui n'ont pas pris de vacances depuis quinze mois. Éviter de les faire revenir s'ils n'ont qu'une semaine de vacances en août, ce sont des considérations pratiques, mais qui me semblent importantes.

Si l'on veut comprendre pourquoi nous allégeons les contraintes sanitaires à un niveau de circulation du virus plus élevé que précédemment, il y a deux données importantes à considérer. D'abord, la dynamique épidémique est baissière. Nous pouvons envisager qu'elle le reste et qu'à la prochaine étape de levée des mesures, dans quinze jours, le niveau soit plus bas. Ensuite, la vaccination a changé la donne : la mortalité est plus faible que ce qu'elle aurait été si nous n'avions pas vacciné. Le nombre d'hospitalisations et de réanimations est aussi moins élevé que ce qu'il aurait été, bien que nous fassions face à un variant plus dangereux et plus nocif.

Enfin à propos du couvre-feu, c'est le Président de la République qui a annoncé le calendrier général du plan de réouverture. Le couvre-feu sera fixé à 21 heures le 19 mai et à 23 heures le 9 juin, et il disparaîtra le 30 juin, sauf situation sanitaire départementale dégradée. Le texte nous donne, pour ce cas, la possibilité d'une approche territorialisée, ce qu'un certain nombre d'entre vous ont salué.

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