C'est pour moi un grand plaisir d'intervenir devant votre commission sur la proposition de loi de Fabien Matras visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers. Le ministère de l'Intérieur étant celui de la protection, de l'urgence et du quotidien, il est aussi celui de la sécurité civile, des 253 000 sapeurs-pompiers professionnels et volontaires, et des 100 000 membres d'associations agréées de sécurité civile qui constituent sa force opérationnelle. Je tiens à saluer l'action de ces femmes et de ces hommes qui, tous les jours, portent secours à nos concitoyens et protègent les Françaises et les Français. Nous pouvons collectivement en être fiers, tout comme nous pouvons être fiers d'un modèle de sécurité civile qui suscite des demandes toujours plus nombreuses de coopération de la part de nos partenaires internationaux, fiers d'une organisation solide, qui a toujours su s'adapter et faire face aux nouvelles menaces – preuve en est la formidable mobilisation de la sécurité civile dans la gestion de la crise sanitaire. Ce sont plus de 15 000 pompiers et personnels des associations de sécurité civile qui interviennent tous les jours, en première ligne, pour tester, vacciner, accompagner des personnes en quarantaine – faire reculer l'épidémie. J'ai pu le constater lors de nombreux déplacements auprès des pompiers à Bayonne ou, plus récemment, porte de Versailles à Paris, avec le Président de la République et le ministre des Solidarités et de la santé ; j'étais, dernièrement encore, en immersion avec les pompiers de Paris. Je tiens d'ailleurs à saluer l'engagement de Marion, une jeune sapeure-pompière réserviste de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) à qui j'ai eu le plaisir de remettre une médaille, et, à travers elle, le courage, le dévouement, l'humilité et le grand professionnalisme de l'ensemble des sapeurs-pompiers.
C'est avant tout parce qu'il vise à conforter ce modèle de sécurité civile que je tiens à saluer le travail effectué par Fabien Matras. C'est un travail de terrain, proche des réalités et des préoccupations des acteurs des territoires, des élus, des conseils d'administration des SDIS, des collectivités départementales et municipales, des associations, et qui contient des propositions proches des attentes de nos concitoyennes et concitoyens. C'est aussi un travail consensuel ; preuve en est que la proposition de loi a été signée par plus de 500 députés et qu'il est fait recours, pour la deuxième fois seulement depuis 2017, à la procédure de législation en commission. Bien que certains points fassent encore débat, je suis certaine que nous parviendrons à un consensus. S'agissant de la protection de nos concitoyens et de l'intérêt général, les opinions divergent peu, en réalité. Nous visons tous le même objectif, largement transpartisan : celui d'offrir le meilleur service de secours aux Français. À cet égard, la proposition de loi de Fabien Matras apporte des avancées attendues par l'ensemble de la sécurité civile, et que le Gouvernement soutient.
Voilà dix-sept ans qu'une grande loi n'avait pas modernisé le droit de la sécurité civile. Il était temps de le faire et d'apporter les modifications nécessaires pour consolider notre modèle et l'adapter aux enjeux et défis actuels. Consolider notre modèle de sécurité civile, cela signifie d'abord conforter le volontariat, cette précieuse spécificité française qui permet de porter secours à l'ensemble de nos concitoyens en tout temps, en toute circonstance et en tout point du territoire. Ce modèle repose sur les 190 000 femmes et hommes qui, en parallèle de leur travail ou de leurs études, donnent volontairement de leur temps et s'engagent pour secourir les autres. Ces 190 000 femmes et hommes constituent le pilier de notre organisation de secours ; ils doivent le demeurer.
Pour conforter le volontariat, il faut l'encourager et le valoriser, car si l'engagement est beau, il doit aussi être reconnu. La gratitude de la nation doit toujours s'exprimer quand les citoyens s'engagent pour la servir et la rendre plus forte et plus unie. Nous soutiendrons donc l'ensemble des mesures visant à aller plus loin dans cette direction ; je pense notamment à l'élargissement de l'accès à la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance, au bénéfice notamment des sapeurs-pompiers volontaires, ou encore aux dispositions concernant l'attribution de la qualité de pupille de la nation, que le Gouvernement souhaite enrichir. Nous débattrons des moyens de favoriser et de faciliter le volontariat dans la vie professionnelle ou en périphérie. Notre position sera toujours la même : tout faire pour soutenir et reconnaître l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires, sans pour autant accorder de passe-droits ou des avantages non justifiés. C'est ce que cette proposition de loi prévoit, de même que d'autres textes à venir. Nous sommes, Gérald Darmanin et moi, d'ardents défenseurs du volontariat, et non du bénévolat ni du salariat ou tout ce qui s'en approcherait. Il faut à la fois le faciliter, en permettant de mieux le concilier avec une activité professionnelle, l'encadrer, afin d'éviter que certaines pratiques minoritaires ne le déstabilisent, surtout, le conforter dans sa spécificité au regard des règles européennes. Après l'arrêt « Matzak », la réponse obtenue par le Gouvernement français à la suite de sa saisine de la Commission européenne confirme notre système de volontariat. De nombreux amendements ayant été déposés sur le sujet, nous aurons l'occasion d'y revenir, mais il me paraissait important de réaffirmer dans ce propos liminaire l'attachement du Gouvernement et du ministère de l'Intérieur à notre modèle de volontariat ainsi que leur volonté d'en renforcer les bases et d'en assurer la pérennité, y compris sur le plan juridique.
Au-delà du volontariat, la proposition de loi consolide l'ensemble de notre modèle de sécurité civile. Elle conforte d'abord les missions des sapeurs-pompiers, qui ont profondément changé de nature au cours des quinze dernières années. Le secours d'urgence aux personnes est devenu en quelques décennies l'activité principale des services d'incendie et de secours, au point de représenter plus de 80 % de leurs interventions ; dans 40 % des cas, les sapeurs-pompiers procurent des soins. Il paraît donc justifié de leur reconnaître cette mission, tout en l'encadrant. Dans la très grande majorité des cas, les sapeurs-pompiers interviennent en collaboration avec les acteurs de santé, à commencer par le SAMU ; tous travaillent en étroite complémentarité et avec un grand professionnalisme pour offrir le secours le plus rapide et le plus adapté aux victimes. Il est nécessaire de tirer les leçons de cette évolution en adaptant la loi et la doctrine opérationnelle aux réalités du terrain et en reconnaissant l'ensemble des missions effectuées par les sapeurs-pompiers, soins d'urgence inclus. Cela implique de définir les actes que les sapeurs-pompiers peuvent réaliser seuls ou en liaison avec un médecin régulateur – des amendements ont été déposés dans ce sens. L'intention du Gouvernement est de reconnaître la plénitude des missions des sapeurs-pompiers sans pour autant remettre en cause l'unicité de la régulation médicale.
Se pose également la question des carences ambulancières, dont beaucoup d'élus locaux et de chefs de centre nous ont parlé. C'est un des enjeux majeurs du fonctionnement actuel des services d'incendie et de secours. Il nous semble indispensable de donner une définition claire de la carence et de prévoir la possibilité de différer une mission de ce type quand une autre plus urgente demande l'intervention des services de secours. Ces deux dispositions aideront les services d'incendie et de secours à retrouver la maîtrise de leurs moyens opérationnels, sans pour autant dégrader le service apporté à nos concitoyens.
Nous ne croyons pas à la prétendue guerre des « rouges » contre les « blancs » – d'ailleurs je sais que monsieur le rapporteur a eu des échanges constructifs avec le ministère des Solidarités et de la santé. De tels affrontements n'existent pas sur le terrain, quand il s'agit de porter secours aux victimes, de protéger coûte que coûte et de sauver des vies. Je sais que nous aurons sur ce point un débat ouvert et apaisé, qui nous permettra de trouver des solutions consensuelles.
Si le Gouvernement apporte son soutien à l'ensemble des dispositions modernisant l'organisation et le fonctionnement des services de secours, il n'entend pas revenir sur le partage des compétences entre l'État et les collectivités locales. Cette organisation a fait la démonstration de son efficacité. Néanmoins, cette politique publique doit être conduite suivant une logique plus partenariale et de manière plus déconcentrée, avec une plus grande convergence des énergies et des volontés. Gérald Darmanin et moi sommes convaincus de la nécessité de confier plus de responsabilités aux acteurs locaux, en veillant à préciser ce qui relève de chacun. À cette fin, il convient d'achever la départementalisation en structurant les services d'incendie et de secours selon un modèle assurant une plus grande convergence et en renforçant l'organisation nationale de la sécurité civile. C'est dans cette optique que le Gouvernement présentera des amendements relatifs aux pactes capacitaires et aux contrats territoriaux de réponses aux risques et aux effets de menace, les fameux COTTRIM. Il s'agit d'une démarche assumée consistant à faire le pari des territoires, ce qui permettra d'optimiser les moyens d'intervention, matériels et humains, des services d'incendie et de secours. Cela viendra renforcer les efforts budgétaires consentis au profit de la sécurité civile dans le cadre du plan de relance et des financements européens.
C'est aussi pour accroître les capacités opérationnelles des SDIS dans tous les territoires que le Gouvernement soutiendra les propositions visant à développer les mécanismes de réserve, tels qu'ils existent déjà dans la police ou la gendarmerie nationale.
Afin de consolider la logique partenariale entre l'État et les collectivités territoriales, nous souhaitons clarifier le cadre de la gestion opérationnelle, en précisant le rôle du représentant de l'État, notamment dans sa fonction de directeur des opérations de secours.
Je suis convaincue que le service public de secours doit avant tout répondre aux attentes de nos concitoyens. Nous leur devons réactivité, efficacité et simplicité. À cet égard, les plateformes d'appels mutualisées m'apparaissent comme un outil complémentaire qui permettra un traitement plus rationnel et plus serein des demandes de secours, et je suis très favorable à leur développement, ainsi qu'à l'expérimentation d'un numéro unique de secours à l'échelle du département, dans le droit fil de l'engagement du Président de la République. Le Gouvernement sera donc favorable aux amendements allant dans ce sens.
De même, nous considérons qu'il est impératif de compléter notre dispositif de prévention et d'alerte avec des outils modernisés. Le déploiement d'ici à 2022 du cell broadcast, annoncé par le ministre de l'Intérieur à Rouen, un an après l'incendie de l'usine Lubrizol, nous permettra d'améliorer l'alerte et l'information en temps réel des populations en cas de survenance d'un événement majeur, en assurant aux populations exposées à un risque la diffusion massive, prioritaire et rapide des informations essentielles à leur protection. La sécurité civile est d'abord et avant tout un service apporté à nos concitoyens, et ce service doit être le plus performant possible.
C'est aussi un service rendu aux citoyens par les citoyens eux-mêmes ; les 252 000 héros du quotidien que sont les sapeurs-pompiers mettent en pratique dans chaque territoire l'engagement citoyen, à travers la volonté de secourir son prochain, parfois en mettant en danger sa propre vie. Ce faisant, ils incarnent les valeurs de la République.
Au-delà de la loi, il y a les actes, les interventions de jour comme de nuit, la semaine comme le week-end, et un engagement partagé par l'ensemble des acteurs de la sécurité civile : secourir. Cet engagement est un modèle, notamment pour notre jeunesse. Il doit être reconnu et, face à la multiplication des risques auxquels nous sommes exposés, il doit perdurer. Tel est l'objectif de la présente proposition de loi. Dix-sept ans après la dernière loi de modernisation de la sécurité civile, ce texte va incontestablement permettre de grandes avancées et consolider notre modèle. Je me réjouis du large consensus dont il fait l'objet et me félicite par avance des riches débats auxquels il donnera lieu. Le Gouvernement lui apporte son soutien.