Je salue tous ceux qui ont pris leur part dans le travail qui a été effectué en amont sur le sujet, tant au sein de la Commission Ambition volontariat voulue par le ministère de l'Intérieur que dans le groupe d'études sur les sapeurs-pompiers volontaires de l'Assemblée nationale, sans oublier la direction générale de la sécurité civile, toujours très efficace, et bien sûr Fabien Matras, qui nous propose un texte consistant sur la sécurité civile. Auteur pour ma part de la loi de 2011 relative à l'engagement des sapeurs-pompiers volontaires et à son cadre juridique, je mesure la tâche et ne peux que plaider pour une concorde la plus large possible sur cette proposition de loi, qui vient couronner non seulement un travail transpartisan à l'Assemblée nationale – merci en particulier à André Chassaigne pour son implication de longue date – mais également un travail collaboratif, avec la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), les services du ministère de l'Intérieur et les syndicats. Je remercie par ailleurs la Commission des Lois de m'avoir confié la mission de suivi de l'application de ce texte.
Permettez-moi néanmoins d'exprimer trois regrets. D'abord, je pense qu'il aurait dû être soumis à l'avis du Conseil d'État, compte tenu de la diversité des champs juridiques qu'il aborde. Ensuite, une étude d'impact aurait été utile pour appréhender le cadre budgétaire dans lequel il s'inscrit, avec une évaluation des mesures susceptibles d'encourager les employeurs de volontaires, et en particulier de celles de la loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations. Enfin, il faudrait un état des lieux du réseau de télécommunications ANTARES (Adaptation nationale des transmissions aux risques et aux secours) qui ne semble pas avoir été une grande réussite.
Deux points me paraissent mériter une attention soutenue pour que notre modèle résiste, subsiste et se consolide tout en évitant les « pratiques minoritaires » évoquées par la ministre déléguée, voire les passe-droits.
Le premier est le sujet délicat des « pro-vo » : il s'agit du double statut, autrement dit de la possibilité actuellement offerte aux professionnels de servir également en qualité de sapeur-pompier volontaire. Je souhaite que les services du ministère de l'Intérieur trouvent, en parfaite concertation avec la fédération et les syndicats, des solutions adaptées et qui répondent à l'exigence de rigueur et de clarification qui se pose. Je conçois qu'il ne puisse y avoir de position unique, mais il serait opportun de lisser certaines pratiques.
Il est également essentiel de mieux encadrer – mais toutefois de façon adaptée aux réalités du terrain – le recours aux vacations horaires des sapeurs-pompiers volontaires dans un cadre éloigné de l'opérationnel, qui est parfois quelque peu systématique. Leur mode de dévolution tend à s'écarter largement de l'usage auquel elles sont destinées. Les efforts d'optimisation et de rationalisation des vacations horaires qui sont en cours dans certains SDIS doivent être accompagnés. Je ne saurais trop recommander que vos services, madame la ministre déléguée, rappellent à tous les SDIS les conditions générales de mise en œuvre de ce dispositif financier.
J'ai par ailleurs déposé un certain nombre d'amendements qui suivent la voie tracée par cette proposition de loi pour reconnaître le monde sapeur-pompier dans sa plénitude. Je note toutefois à regret l'absence de dispositif relatif aux équipements matériels, notamment en matière de flotte aéroportée, à la veille de la saison des feux de forêts. Après le retrait des Tracker, de quels moyens aériens la sécurité civile disposera-t-elle pour apporter son soutien opérationnel ? On me dit que seront mis en ligne 12 Canadair, 5 Dash et 3 Beechcraft.
Il était pourtant question de la constitution d'une flotte européenne de bombardiers d'eau, annoncée maintenant depuis quelques années. L'Union européenne semblait prête à financer 95 % du coût unitaire des appareils, à raison de deux avions CL-515 pour chacun des pays les plus exposés aux risques de feux de forêt. Nous pouvons espérer que la prochaine présidence française de l'Union européenne fera émerger une solution qui échappera aux limbes de la bureaucratie bruxelloise.
La même question se pose à propos de la flotte d'hélicoptères, qui semble non seulement réduite mais obsolète. Peut-on espérer une réponse efficiente, au-delà de l'achat de deux hélicoptères prévu dans la loi de finance de l'année dernière ?
Par ailleurs, je souhaite rejoindre le formidable courant qui s'est développé au sein du monde des sapeurs-pompiers à propos de l'application de la directive européenne sur le temps de travail, dont les conséquences seraient incalculables sur le plan budgétaire et opérationnel. Une fois encore, la présidence française à venir doit permettre de définitivement régler la question, sans quoi l'ensemble du système du volontariat sera mis en péril et tout le travail accompli jusqu'à aujourd'hui réduit à néant.
Je mets toutefois en garde contre la tendance galopante qui peut conduire les institutions européennes et surtout la Cour de justice de l'Union européenne, comme elle l'a déjà fait, à considérer que le sapeur-pompier volontaire est un travailleur. Le Conseil d'État, saisi à l'époque, avait surfé sur la jurisprudence européenne mais il n'est pas sûr que l'on puisse continuer très longtemps.
Enfin, je pense que ce texte aurait dû aborder la question du statut de l'École nationale supérieure des officiers de sapeurs‑pompiers et de la création d'un corps d'officiers supérieurs, celle du recours à la dotation d'équipement des territoires ruraux pour les équipements des SDIS, et enfin celle de la gouvernance et du financement des SDIS.