Notre démocratie s'honore à inclure les activités du renseignement dans le champ du droit et du débat parlementaire. À ce propos, je veux saluer le travail de nos prédécesseurs qui, en 2015, ont fait entrer ce domaine dans la loi alors que la France subissait des attaques d'une ampleur inégalée. Avec les excellents Guillaume Larrivé et Jean-Michel Mis, nous avons pu mesurer combien la loi de 2015 est une loi d'équilibre. Qu'ils soient remerciés pour leur contribution essentielle au travail que nous poursuivons aujourd'hui.
La partie relative au renseignement de ce texte, qui n'est pas de circonstance et sur lequel nous sommes nombreux à travailler depuis plus d'un an, vise à préserver cet équilibre tout en s'adaptant aux évolutions du droit, des technologies et de l'état de la menace. S'il s'agit bien d'un projet de loi, ce texte reprend en fait d'ores et déjà de nombreuses propositions parlementaires issues des travaux d'évaluation et de contrôle dont le Parlement s'honore. Il tire notamment les conclusions des décisions de la Cour de justice de l'Union européenne et du Conseil d'État, en conférant à l'avis de la CNCTR un caractère contraignant. Il met à jour les moyens dont disposent les services de renseignement pour faire face à l'arrivée de la 5G et, demain, des communications satellitaires, et préserver ainsi leurs capacités opérationnelles. Il leur donne également les moyens, grâce à un dispositif de conservation des données pour la recherche et développement, de bâtir des outils souverains pour être plus précis, plus efficaces, plus indépendants. Il offre de nouveaux outils automatisés pour aider à détecter précocement une menace aux signaux faibles émanant d'individus non connus, dont le processus de radicalisation et de passage à l'acte est rapide et de plus en plus autonome. Il renforce enfin significativement l'encadrement des services de renseignement en codifiant la façon dont ceux-ci peuvent s'échanger des informations et en consacrant le rôle de la CNCTR et du groupement interministériel de contrôle.
J'ai la conviction que l'équilibre entre préservation des libertés publiques et protection de la sécurité de nos concitoyens n'est pas une faiblesse, mais la condition même de l'efficacité et de la victoire finale dans la lutte que nous menons notamment contre le terrorisme. Rappelons-nous que les régimes autoritaires ne sont pas protégés contre ce phénomène, que l'arbitraire nourrit la violence et sape la légitimité et l'adhésion à la nation et à ses institutions. L'efficacité du renseignement est la condition de la survie de la démocratie. D'abord, parce qu'elle doit résister à ceux – terroristes, narcotrafiquants, États étrangers, organisations criminelles de toutes sortes… – qui veulent l'influencer, la piller, la détruire. Ensuite, parce que la résilience de la population n'est pas infinie et que cette dernière attend, à raison, de l'État qu'il la protège. Une démocratie qui ne se protège pas par l'anticipation s'effondre.
Je ne veux pas conclure sans exprimer la reconnaissance de la représentation nationale aux services de renseignement et à ceux qui concourent à leur mission. Membre de la délégation parlementaire au renseignement, j'ai l'honneur de connaître leurs visages : je les ai vus, sur le territoire national ou à l'étranger. Je sais le poids si particulier que fait peser sur leurs épaules la responsabilité unique de protéger les Françaises et les Français. Je sais également que, lorsqu'ils tombent, c'est dans le même anonymat que celui dans lequel ils ont exercé leur mission, humilité suprême de leur engagement. Alors je leur redis notre reconnaissance, car ils sont le rempart de notre démocratie.