Ce texte s'inscrit dans un contexte délicat où la défiance quant à notre capacité à intercepter et punir les auteurs d'actes terroristes atteint des dimensions inquiétantes. Nos concitoyens ont confiance dans l'investissement des femmes et des hommes chargés de neutraliser et de condamner ces individus – certains le paient d'ailleurs de leur vie – mais ils doutent aussi que ces professionnels disposent des moyens juridiques et logistiques pour accomplir leurs missions, constat qui est aussi à l'origine du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, en cours d'examen.
Chacun en sera d'accord, le manque d'efficacité des moyens conférés aux forces de l'ordre et aux services de renseignement, à quoi s'ajoute la lourdeur des procédures, est de nature à altérer la confiance de la société dans les capacités de l'État à la protéger. Négliger toute actualisation législative de ces éléments conduirait à une rupture de notre pacte social à moyen terme.
Chacun conviendra également que le risque zéro n'existe pas. Néanmoins, comme le rappelle à juste titre régulièrement le ministre de l'Intérieur, il ne faut pas occulter les trente-six attaques terroristes qui ont été déjouées depuis 2017, la dernière étant celle de Béziers, au début du mois d'avril. Cela prouve que notre capacité à lutter contre cette menace est réelle et qu'il ne faut en rien parler d'attentisme ou de laxisme.
Ce texte, que notre groupe soutient pleinement, comprend deux volets : l'un consacré aux mesures de luttes antiterroristes, l'autre, au renseignement.
Le premier prévoit une mesure judiciaire de réinsertion sociale antiterroriste pour les condamnés à des peines de prison lourdes. Elle sera prononcée par le tribunal d'application des peines et durera au maximum un an, renouvelable dans la limite de cinq ans. Ce nouveau dispositif concernera donc des individus particulièrement dangereux et pourra être décidé en l'absence de mesures de suivi judiciaire et sera cumulable avec les mesures de surveillance. Il a vocation à remplacer les mesures de sûreté incluses dans la proposition de loi du 10 août 2020 déposée par la présidente de notre Commission et qui ont été malheureusement censurées par le Conseil constitutionnel. Nous le soutenons. Comme le garde des Sceaux l'a rappelé, ce nouvel outil de notre arsenal de surveillance s'impose, car il concerne une centaine de détenus dont la dangerosité mérite un suivi très poussé et spécifique.
Les services de renseignement, quant à eux, pourront analyser massivement les adresses URL des sites internet consultés par nos concitoyens. Je rappelle qu'en 2015, le gouvernement de Manuel Valls avait imaginé un cadre juridique leur permettant de placer ce que l'on pourrait appeler trivialement des « boîtes noires » chez les opérateurs téléphoniques ou chez les hébergeurs français afin de récolter les métadonnées des internautes français et, grâce à des algorithmes, de créer une alerte en cas d'activités pouvant être jugées suspectes. À ce jour, ces métadonnées ne concernent que des informations techniques comme l'heure de la connexion à un site web ou l'adresse IP d'un internaute. Avec ce texte, les URL pourront être analysées, comme le préconisait le rapport d'information de Loïc Kervran, Jean-Michel Mis et Guillaume Larrivé, publié en juin dernier.
À ceux qui affirment que cette disposition porte atteinte aux libertés individuelles, je souhaite opposer trois arguments.
Tout d'abord, les allers-retours entre le Conseil d'État et le ministère ont été nombreux puisque l'on dénombre pas moins de six saisines, ce qui prouve que le Gouvernement s'est attaché à concilier le renforcement de la lutte contre le terrorisme et l'adaptation des techniques de renseignement avec la préservation des droits et des libertés garantis par la Constitution, portés par une jurisprudence constitutionnelle et administrative particulièrement évolutive, restrictive et dense.
Par ailleurs, le ministère de l'Intérieur l'a relevé, les grandes entreprises utilisent les algorithmes à des fins commerciales. Il serait donc ubuesque d'interdire à l'État de recourir au même procédé pour assurer la sécurité nationale.
Enfin, Laurent Nuñez, coordonnateur national du renseignement et de la lutte contre le terrorisme, a lui-même souligné que cette technique était indispensable, car elle vise des individus de plus en plus isolés, qui ne laissent que des traces numériques, comme ce fut le cas pour l'auteur de l'attaque terroriste de Rambouillet.
J'en viens, enfin, à l'article 12 qui prévoit les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut recourir, sur le territoire national, à des opérations de brouillage des drones dans des cas précis. Ces engins peuvent être utilisés pour cartographier un établissement pénitentiaire afin d'organiser une évasion. L'on suppose, d'ailleurs, que c'est par ce moyen que Rédoine Faïd a réussi à s'évader. Des drones sont aussi utilisés pour faire passer en contrebande des téléphones portables, des drogues, des contenus pornographiques, voire des armes. Est-il envisagé de permettre aux agents pénitentiaires d'utiliser les outils créés par cet article ? Des dispositions spécifiques au milieu carcéral seront-elles prévues ?