Intervention de Julien Aubert

Réunion du mardi 15 juin 2021 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJulien Aubert :

Initialement, ce projet de loi constitutionnelle visait à modifier le premier alinéa de l'article 1er de la Constitution pour y ajouter l'idée que la France « garantit la préservation de l'environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Nous voici de nouveau réunis, après que la chambre haute et la droite sénatoriale ont fait un travail de clarification nécessaire, que nous préconisions déjà ici face à une majorité entêtée. Le référendum, c'est comme le tango : il faut être deux pour le pratiquer !

Comme je vous le rappelais en première lecture, du premier ministère de l'environnement de Georges Pompidou à la Charte de l'environnement de Jacques Chirac, puis au Grenelle de l'environnement de Nicolas Sarkozy – qui fut précédé de plusieurs lois sur le sujet –, Les Républicains et la droite n'ont pas à rougir de leurs efforts pour verdir la France. Voilà pourquoi, au lieu de nous caricaturer en faisant de nous des adversaires de la lutte climatique ou du référendum, vous feriez mieux de vous inspirer de notre méthodologie si vous voulez, comme nous l'avons fait lorsque notre famille politique était au gouvernement, faire franchir à la France une nouvelle étape dans sa démarche écologique. Mieux vaut toucher à la Constitution d'une main tremblante qu'au terme d'un bras de fer politique ; mieux vaut une main tendue que des fiers-à-bras !

Nous avons déjà souligné les nombreuses faiblesses de ce texte et rappelé notre attachement au travail de fond du Parlement. Et pour cause ! Le Gouvernement s'est plutôt attardé à la récitation poétique de quelques vers pour acheter la paix sociale, au prix d'une insécurité juridique, en tentant d'enjamber les deux chambres et le Conseil d'État. Le résultat est décevant. Je ne reviendrai pas sur les attentes déçues des membres de la Convention citoyenne pour le climat et des militants écologistes. Je ne parlerai pas non plus de l'opposition, qui tourne elle aussi le dos au Gouvernement sur un texte qui suscitait beaucoup d'attentes et qui n'apporte pas grand-chose.

Le Sénat, comme prévu – même si le ministre de la Justice nous disait à l'époque qu'on ne pouvait pas présager de ce qu'il ferait –, a appuyé nos amendements et propose un texte beaucoup plus équilibré et de bon sens, qui ne se borne pas à plaire à quelques citoyens tirés au sort. Je ne reviens pas sur les discussions autour des mots « garantir » et « préserver », « lutter » et « agir ». Alors que la chambre haute a gommé les incertitudes de ce texte, la majorité, à l'Assemblée nationale, se met désormais en marche arrière. En effet, elle persiste et signe en réécrivant que la France « garantit » la préservation de la biodiversité et de l'environnement, alors que le Conseil d'État avait retoqué cette disposition, tant ses effets juridiques sont imprévisibles. Pour être vraiment ambitieux, il faudrait garantir la baisse des émissions de CO2 : je ne comprends pas pourquoi vous ne le faites pas.

Nous vous avons expliqué que le verbe « garantir » allait ouvrir la voie à une vague massive de contentieux, portés par des groupes de pression qui pourront jouer sur l'ambiguïté. Je ne reviens pas sur la quasi obligation de résultat qu'il introduit. Comme l'a indiqué le Conseil d'État, il aurait été plus protecteur d'utiliser le verbe « préserver » : c'est un avis dont le Sénat a tenu compte dans cette nouvelle mouture.

Au-delà de la grande instabilité juridique qu'elle a introduite, la première version du texte est un mirage écologique et ne renforce en rien la protection de l'environnement. La rétablir n'aurait finalement qu'une portée symbolique, comme je l'affirmais dès la première lecture. Vous avez désormais le choix entre deux options : agir avec l'opposition ou lutter contre le Sénat ; garantir un référendum sur un texte consensuel ou rester dans l'inaction.

Depuis le début de l'examen de ce texte, le Gouvernement a perdu le contrôle de son élaboration, obstiné qu'il était à conquérir l'électorat jeune et vert pour préparer les élections présidentielles de 2022. Il est désormais pris en étau entre la représentation des citoyens et la Convention citoyenne. Quoi qu'il en soit, le groupe Les Républicains approuve la nouvelle mouture du texte. Nous considérons que la demi-proposition qui nous est faite ne change rien, parce que la substitution du verbe « agir » au verbe « lutter » a une portée juridique assez symbolique. Nous vous invitons à un vrai dialogue pour cette nouvelle lecture.

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