Intervention de Pierre Morel-À-L'Huissier

Réunion du mardi 15 juin 2021 à 17h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Morel-À-L'Huissier :

Nous sommes à nouveau réunis pour examiner un projet de loi de révision constitutionnelle issu de la Convention citoyenne pour le climat, laquelle fut avant tout une réponse politique à un mouvement social hybride, dans la foulée du Grand débat national.

Le groupe UDI et Indépendants n'a pas d'opposition de principe à l'ajout d'une mention environnementale à l'article 1er de la Constitution. Le changement climatique est en effet le défi de notre temps face à l'épuisement des énergies non renouvelables, des ressources naturelles, et à l'augmentation de la population mondiale. Nous devons répondre aux enjeux environnementaux et sociétaux en continuant de limiter l'influence de nos modes de vie sur le climat et l'environnement.

Le Gouvernement n'est toutefois pas très clair sur les conséquences concrètes de cette modification de la Constitution. Pour nombre d'acteurs de la société civile, notamment, des juristes et des universitaires, celle-ci ne changera rien. Selon le rapporteur, ce projet de loi fera œuvre normative mais nous restons sceptiques : nous craignons que l'inscription de cette phrase à l'article 1er de la Constitution n'apporte rien, la Charte de l'environnement ayant déjà valeur constitutionnelle. Le Conseil d'État relève en effet que si « l'inscription de la préoccupation environnementale à l'article 1er de la Constitution revêt une portée symbolique qui ne peut être ignorée, elle ne lui confère, par elle-même, aucune prééminence d'ordre juridique sur les autres normes constitutionnelles. »

De plus, dans sa décision du 31 janvier 2020, le Conseil constitutionnel a renforcé la préservation de l'environnement – jusqu'alors un simple motif d'intérêt général – en en faisant un objectif à valeur constitutionnelle, ce qui lui confère un plus grand poids eu égard aux droits et aux libertés publiques.

Par ailleurs, le Conseil d'État avait appelé l'attention du Gouvernement sur les conséquences que pouvait entraîner l'emploi du verbe « garantir » et avait demandé des précisions que nous attendons toujours, les débats de l'Assemblée ne nous ayant malheureusement pas éclairés. En effet, cette révision constitutionnelle, effectuée sans étude d'impact détaillée, emporterait des conséquences sur tout l'arsenal législatif à travers les questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Est-il souhaitable que les lois des années 1950, 1960 et 1970 puissent être ainsi revisitées ? C'est pourquoi le Sénat a intégralement réécrit cet article unique dans un sens plus respectueux de notre bloc de constitutionnalité et des autres grands objectifs de notre Constitution.

Malgré votre tentative de conciliation – quelque peu forcée puisqu'elle s'impose – nous considérons qu'un accord ne pourra pas être trouvé entre les deux chambres. Efforçons-nous donc d'appliquer le droit existant et d'améliorer les contrôles ! Des mesures concrètes, des investissements massifs, en lien avec les collectivités, auront bien plus de portée contre le changement climatique qu'une modification de la Constitution, d'autant plus que l'avenir de cette révision nous paraît très incertain ! Le Président de la République s'est engagé sur l'organisation d'un référendum, que la proximité des élections présidentielles rend improbable. Nous avons un peu l'impression de perdre notre temps…

Enfin, le Gouvernement a jugé que cette modification de l'article 1er était prioritaire mais nous regrettons que, depuis 2017, des tentatives de réformes institutionnelles ou constitutionnelles sur des sujets tout aussi importants comme la reconnaissance du vote blanc, l'introduction d'une dose de proportionnelle ou de la différenciation territoriale n'aient pas abouti.

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