Intervention de Éric Coquerel

Réunion du lundi 28 juin 2021 à 17h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Coquerel :

À mon tour, j'applaudis la publication de ce rapport d'information. J'y retrouve de nombreux éléments sur lesquels j'ai travaillé, avec plusieurs membres de la commission des affaires sociales, lors de l'élaboration de la proposition de loi relative à la lutte contre le commerce illégal de drogues. J'en conclus que la question, s'agissant de la légalisation du cannabis, n'est plus de savoir si, mais quand elle aura lieu. Je salue le travail des membres de la mission d'information. Tous n'avaient pas la même position initiale, mais tous ont constaté, après avoir réellement étudié la question, sans préjugés, et interrogé les spécialistes de la sécurité comme des addictions, la même nécessité.

Contrairement à ce que craint notre collègue du groupe Les Républicains, il ne s'agit pas de favoriser la consommation de cannabis, mais de mettre un terme, à tout le moins de juguler, la situation absolument insupportable dans laquelle nous sommes depuis plus de trente ans : plus la répression s'intensifie, plus la consommation de cannabis augmente, plus le cannabis lui-même est dangereux, avec un taux de THC toujours croissant, et plus les conséquences de sa consommation sont néfastes pour la société. Sur ce point, il n'y a pas débat entre nous : le cannabis peut tuer. Il peut tuer des consommateurs, en raison de sa dangerosité ; il tue socialement les habitants des quartiers qui subissent le trafic ; il tue des policiers, comme nous l'avons constaté récemment ; il tue aussi, ne l'oublions pas, des petites mains de la drogue, qui cumulent des conditions de travail dantesques avec les dangers de ce trafic, pour la plus grande sécurité des gros trafiquants. Voilà ce à quoi il faut mettre un terme.

On peut faire un parallèle avec la prohibition de l'alcool aux États-Unis, dans les années 1920 et 1930. L'alcool en circulation était de plus en plus frelaté, développé par une mafia de plus en plus puissante, et sa consommation ne diminuait pas, loin s'en faut. Nous en sommes là. De nombreuses expériences de légalisation du cannabis ont été menées dans le monde. S'il n'y a pas davantage débat entre nous sur la nécessité d'un strict contrôle de l'État, je constate que pas un seul des pays concernés ne revient en arrière. Nous devrions en tirer les conclusions qui s'imposent sur la nécessité de légaliser le cannabis, notamment sous l'angle de la santé publique.

Une légalisation encadrée doit permettre, comme celle de l'alcool et des cigarettes, de mener une politique de prévention systématique à l'école, ainsi qu'une politique de réduction des risques et de contrôle des usages, qu'il faut accompagner en consacrant des moyens à la prévention. Par ailleurs, il ne faut pas se désintéresser – je me félicite que le rapport aborde la question – de la manne économique que représente le trafic de cannabis pour les quartiers, notamment pour les jeunes. Il faut déterminer comment les petites mains du cannabis – j'exclus bien entendu les délinquants et criminels de haut vol – pourraient être intégrées dans son commerce, une fois celui-ci placé sous le contrôle de l'État.

Enfin, une telle politique permettrait de libérer le million d'heures de travail consacrées par la police à la répression du trafic et de l'usage de cannabis. J'ai interrogé un syndicaliste policier qui, sans être favorable à sa légalisation, avouait avoir l'impression de vider l'océan à la cuiller. Ce million d'heures travaillées pourrait être consacré à la lutte contre d'autres trafics, avec des moyens accrus, et au rétablissement de la police de proximité.

Il s'agit donc d'une politique globale, dont le premier objet est de réduire le trafic de drogue. Je ne doute pas que le travail mené par la mission d'information, si ce n'est sous cette législature mais au moins dans la suivante, arrivera à bon port pour lutter contre le trafic de drogue et la dangerosité de la consommation de cannabis illégal.

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