Intervention de Gérard Leseul

Réunion du vendredi 3 septembre 2021 à 14h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGérard Leseul :

Je m'exprime, avec beaucoup d'humilité, sur la base d'informations que j'ai obtenues de nos collègues ultramarins, contraints de rester sur place en raison de la crise sanitaire. Je vous prie donc de bien vouloir excuser leur absence.

Cette crise, particulièrement préoccupante, fragilise les territoires ultramarins, même si elle diffère de l'un à l'autre. À la date du 29 août, le taux d'incidence était de 456 en Guyane, 646 à la Martinique et 1 070 en Guadeloupe, contre 179 à l'échelle nationale ; il a même franchi les 3 000 en Polynésie française. La situation est catastrophique aux Antilles, où le pic épidémique a été atteint il y a quelques semaines et où le plateau est élevé depuis plusieurs jours, ainsi qu'en Polynésie française, où elle continue de se dégrader fortement. La Réunion connaît, en revanche, une amélioration, avec une levée du confinement et le couvre-feu repoussé à 21 heures à partir de lundi. Il y a eu, malheureusement, de trop nombreux décès, et je veux adresser une pensée à toutes les victimes et à leurs familles, à tous les malades ainsi qu'à tous les soignants et médecins qui viennent prêter main-forte pour sauver des vies.

Le projet de loi qui nous est présenté vise à proroger l'état d'urgence sanitaire dans les territoires ultramarins, ce qui nous semble tout à fait justifié compte tenu de la situation. Cependant, il devrait s'insérer dans une démarche de renforcement des efforts de solidarité nationale à destination des territoires concernés, notamment à travers la mise à disposition de nouvelles ressources humaines et matérielles, afin de renforcer autant que possible les capacités de soins dans ces territoires souvent sous-dotés depuis des années et où les moyens tardent à arriver.

J'en donnerai quelques exemples précis : le centre hospitalier universitaire (CHU) de Martinique connaît une situation structurelle très dégradée, avec des difficultés d'accès aux soins, des conditions de travail parfois intolérables pour les agents hospitaliers, des manques d'effectifs chroniques, des difficultés d'approvisionnement en médicaments, des locaux vétustes, des manques en matière d'équipements, etc. Ce n'est que tardivement, en mars 2021, qu'une enveloppe de 500 millions d'euros a été attribuée.

Le CHU de Pointe-à-Pitre, en Guadeloupe, a bien failli disparaître il y a presque trois ans, un incendie de grande ampleur ayant alors détruit l'hôpital. C'est bien sûr de la malchance, mais la situation reste extrêmement tendue et l'île est toujours en attente d'un nouveau CHU, qui devrait être livré en 2023.

Le CHU de La Réunion attend depuis plusieurs années une réévaluation du coefficient géographique. Je rappelle que les bouteilles d'oxygène y coûtent trois fois plus cher que dans l'Hexagone : ce n'est pas acceptable.

Le rapport parlementaire sur les discriminations dans les outre-mer, rédigé par nos collègues Josette Manin, Maud Petit et Cécile Rilhac, avait également mis en lumière l'existence de déserts médicaux dans plusieurs territoires ultramarins, conséquence notamment d'un manque de médecins libéraux et de spécialistes. Les territoires ultramarins sont marqués par des inégalités dans l'accès à la santé et doivent donc faire l'objet d'une attention toute particulière, d'une augmentation massive des moyens dans la durée pour être en capacité de faire face à d'éventuelles reprises épidémiques. Nous ne pouvons pas tolérer le tri des malades, qui a malheureusement été pratiqué pendant le pic épidémique en Guadeloupe et en Martinique.

Il faut intensifier la stratégie de vaccination. La couverture vaccinale est faible dans de nombreux territoires ultramarins : seuls 25 % des Guyanais, 28 % des Guadeloupéens et 30 % des Martiniquais ont reçu au moins une dose de vaccin, selon Santé publique France, contre 76 % en moyenne au niveau national. La Réunion fait figure d'exception avec un taux avoisinant les 60 %. Ces chiffres soulignent une réalité indéniable : la vaccination protège et permet de contenir la contamination mais se heurte à un problème de défiance à l'égard des pouvoirs publics, qui nécessite que nous apportions des réponses concrètes. Dans certains territoires, la catastrophe causée par le chlordécone a marqué les esprits et n'a pas contribué à restaurer un climat de confiance.

Il faudra poursuivre les aides économiques – nous y reviendrons au cours des débats. Notre groupe s'inquiète également, en cette semaine de rentrée scolaire dans l'Hexagone, de la continuité pédagogique et appelle tous les rectorats à anticiper très sérieusement une reprise ordonnée.

Le groupe Socialistes et apparentés votera ce texte permettant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire dans les territoires ultramarins – c'est une nécessité –, mais il nous faudra être très vigilants sur les mesures d'accompagnement économique et sanitaire.

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