Intervention de Laurence Vanceunebrock

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurence Vanceunebrock, rapporteure :

Mes chers collègues, la proposition de loi que nous allons examiner ce matin vise à interdire les pratiques prétendant pouvoir modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne, autrement dit les « thérapies de conversion ». Ces pratiques moyenâgeuses ont encore cours dans notre pays et ont même tendance à se développer. Avec mes collègues du groupe La République en Marche, nous vous proposons de mettre fin à ce phénomène.

Les personnes qui réalisent ces « thérapies de conversion » se fondent sur le postulat que l'homosexualité et la transidentité seraient des maladies qu'il faudrait guérir, alors qu'il n'y a rien à guérir. La France ayant retiré l'homosexualité et les troubles de l'identité de genre de la liste des affections psychiatriques, ces « thérapies » ne reposent sur aucun fondement médical ou thérapeutique.

Les « thérapies de conversion » sont menées discrètement par des thérapeutes qui s'autoproclament experts de cette question, ou bien par certains représentants ou fidèles de cultes ou de croyances qui se proposent de « guérir » les homosexuels ou les personnes dont l'identité de genre ne correspond pas au genre qui leur a été assigné à la naissance, sous couvert d'une lecture dévoyée de leurs religions ou de leurs croyances. Elles peuvent prendre la forme d'entretiens, de stages ou encore de traitements par électrochocs et d'injections d'hormones. Ces pratiques indignes peuvent altérer le jugement de la victime en lui faisant croire qu'une modification de son orientation sexuelle ou de son identité de genre est possible.

Généralement à destination d'un jeune public, les effets de ces pratiques – qualifiées de tortures par les Nations unies – sur la santé physique et mentale des personnes qui les subissent sont régulièrement mis en avant par les associations au contact des LGBTQ+ : dépression, isolement ou encore suicides.

Par ce texte, nous cherchons à condamner fermement ceux qui veulent contraindre une personne à renier son identité et qui utilisent pour cela des moyens souvent sournois qui se basent sur leur homophobie ou sur leur transphobie.

Il n'est évidemment pas question de remettre en cause le travail de ceux qui, au contraire, œuvrent de façon bienveillante au soutien des jeunes concernés. Aussi, je tiens à remercier le travail de ces accompagnants, qu'ils soient religieux, médecins, parents ou proches qui savent se montrer à l'écoute et cherchent à accompagner la personne concernée lorsqu'elle doute de son orientation sexuelle ou de son identité de genre.

En revanche, nous ne pouvons supporter qu'une personne, quelle qu'elle soit, propose une « thérapie de conversion ». Le Parlement européen a d'ailleurs adopté le 1er mars 2018 une motion condamnant ces pratiques et appelant les États membres de l'Union européenne à légiférer pour les interdire.

Certains États ont depuis engagé des réformes en ce sens, comme Malte, l'Allemagne, la Belgique ou les Pays-Bas. La France doit désormais prendre sa place dans ce combat et je suis certaine que nos concitoyens, particulièrement ceux qui sont victimes de ces horreurs et qui suivent nos débats, seront soulagés d'avoir enfin une réponse ferme de notre assemblée.

En France, au cours de la mission menée par la commission il y a deux ans avec mon collègue Bastien Lachaud, nous avions relevé trois types de « thérapies de conversion » : celles dites religieuses, les médicales et les sociétales : la proposition de loi vise à les condamner toutes.

Je tiens à préciser que mes échanges de ces derniers mois avec les autorités religieuses ont été particulièrement enrichissants. Elles ont compris qu'il n'était pas question pour nous de rejeter les croyances, la foi ou même les textes sacrés et elles nous soutiennent dans notre volonté d'agir fermement contre ceux qui utilisent de façon malveillante la religion pour nier l'autre dans son identité, porter un jugement et utiliser des ressorts psychologiques, spirituels ou idéologiques pour placer leurs victimes sous emprise mentale et leur faire perdre pied. Les témoignages entendus au cours des auditions sont à cet égard glaçants.

Pour les thérapeutes, les médecins, les psychologues et les psychiatres, il ne s'agit évidemment pas de remettre en question le travail d'accompagnement du patient : celui-ci est bien souvent nécessaire. Mais un professionnel de santé, ou toute personne considérée comme « sachant », ne doit jamais rien imposer ni contraindre son patient en lui faisant penser qu'il peut modifier son orientation sexuelle ou son identité de genre. Ici aussi, le soutien apporté par le Conseil de l'Ordre des médecins à notre action est clair car les « thérapies de conversion » ne respectent en rien les règles déontologiques en matière de respect de la dignité de la personne.

Enfin, je remercie les parents, qui, même s'ils peuvent être surpris et peut-être décontenancés à l'annonce de l'orientation sexuelle de leur enfant ou des doutes de celui-ci sur son identité de genre, cherchent à l'accompagner et à lui apporter un soutien indéfectible dans la construction de son identité.

Ce texte doit aussi permettre, en lien avec les travaux du Gouvernement, et notamment du plan LGBT de Mme Élisabeth Moreno, que je remercie pour son soutien, d'informer les parents sur ces « thérapies de conversion ». Il faut qu'ils soient attentifs à ne pas amener, naïvement et malencontreusement, leur enfant à un bourreau pour enfin mettre un terme à ces pratiques abjectes.

Concrètement, la proposition de loi comprend quatre articles : l'article 1er crée un nouveau délit visant le fait de chercher à modifier ou à réprimer l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Il prévoit des sanctions aggravées lorsque cette personne est mineure.

L'article 2 prévoit une aggravation des peines encourues lorsqu'une infraction est commise en vue de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne. Il assimile aux infractions commises en raison de l'orientation sexuelle ou de l'identité de genre les infractions ayant pour finalité de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre.

L'article 3 crée un article dans le code de la santé publique pour sanctionner les personnes qui procèdent à des consultations ou à des traitements médicaux ou prétendument médicaux pour modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre revendiquée d'une personne.

Enfin, l'article 4 prévoit la remise au Parlement d'un rapport présentant un état des lieux des « thérapies de conversion » et les moyens mis en œuvre pour lutter contre celles-ci.

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