Intervention de Émilie Guerel

Réunion du mercredi 29 septembre 2021 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Guerel, rapporteure :

La présente proposition de loi vise à corriger des malfaçons législatives risquant d'entraver le bon fonctionnement des tribunaux de commerce, institution multiséculaire d'une importance capitale en cette période de difficultés économiques.

Initialement élus directement par les commerçants, les juges consulaires l'étaient, depuis 1961, par un collège électoral comprenant des délégués consulaires élus par les commerçants, des juges consulaires en exercice ainsi que d'anciens juges du tribunal concerné. La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a modifié la composition du collège électoral. Désormais, celui-ci comprend non plus des délégués consulaires, dont l'institution est supprimée, mais des membres des chambres de commerce et d'industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l'artisanat (CMA).

Cette réforme répondait en partie à l'appel formulé cinq ans plus tôt par les députés Cécile Untermaier et Marcel Bonnot. Dans un rapport d'information sur le rôle de la justice en matière commerciale, ceux-ci avaient souligné la nécessité d'une réforme du système électoral pour restaurer les fondements d'une légitimité devenue fragile. Le taux d'abstention des délégués consulaires atteignait alors un niveau très élevé – autour de 80 % – et inversement proportionnel au nombre de candidats à l'élection. Dans les faits, les présidents des tribunaux de commerce se voyaient dans l'obligation d'activer les réseaux professionnels et syndicaux afin de pourvoir les postes ouverts aux élections.

Si la loi PACTE a réformé de manière bienvenue le système électoral des juges consulaires, la rédaction hâtive des dispositions concernées, adoptées par un législateur qui pouvait difficilement mesurer pleinement les effets de chacune d'entre elles, celles-ci étant noyées dans la masse des 221 articles du texte final, a comporté plusieurs malfaçons, aux conséquences préoccupantes pour le bon fonctionnement des tribunaux de commerce.

D'abord, la loi PACTE n'a pas retranscrit dans le code de commerce le principe de l'éligibilité des juges en exercice dans le tribunal concerné ou dans un tribunal de commerce limitrophe. Cet oubli aboutirait à ce que 450 à 500 des 793 juges consulaires dont le mandat s'achève en 2021 deviennent inéligibles. Outre les difficultés de recrutement de nouveaux juges que cela susciterait, cela entraînerait une perte d'expérience et de compétence déplorable pour les tribunaux de commerce, qui se verraient priver de leurs membres les plus anciens. C'est pour éviter ce risque de tarissement du vivier des juges que la proposition de loi a été déposée par la sénatrice Nathalie Goulet, de manière à rétablir l'éligibilité des juges en exercice dans le tribunal concerné ou dans un tribunal limitrophe. La commission des lois du Sénat, sur l'initiative de son rapporteur, M. François Bonhomme, est allée plus loin en rétablissant également, sous certaines conditions, l'éligibilité des anciens juges, ramenant dans le vivier électoral une cinquantaine de personnes.

Autre omission de la loi PACTE : le principe de l'inéligibilité des personnes ayant commis des faits pénalement condamnés pour agissements contraires à l'honneur, à la probité ou aux bonnes mœurs n'avait pas été retranscrit. La commission des lois du Sénat a donc rétabli cette importante condition, dont l'effectivité a été renforcée en séance par l'adoption d'un amendement permettant aux préfectures, pour contrôler l'absence d'une telle condamnation, de se voir délivrer un bulletin n°2 du casier judiciaire.

Enfin, la commission des lois du Sénat a élevé au rang législatif des dispositions précisant les conditions d'éligibilité des membres en exercice des tribunaux de commerce, et qui sont actuellement prévues dans le règlement, alors qu'elles relèvent du domaine de la loi, tel qu'il est défini à l'article 34 de la Constitution.

La proposition de loi a en outre été complétée utilement par le Sénat, qui y a ajouté trois articles.

L'article 2 permet de mettre un terme à une difficulté d'interprétation de l'article L. 723-7 du code de commerce, qui impose une limitation du nombre de mandats qu'un juge consulaire peut accomplir dans un même tribunal. Cette limite, fixée à quatre mandats successifs par la loi de modernisation de la justice du XXIe siècle, a été portée à cinq par la loi PACTE. Le Conseil d'État déduit de cette disposition que l'inéligibilité ne s'applique que si les cinq mandats sont effectués de manière consécutive. Or telle n'était pas l'intention initiale du législateur, qui visait à encourager le renouvellement des juges. La proposition de loi supprime donc la référence au caractère « successif » des mandats pour ôter toute équivoque quant à la manière d'appliquer la limitation des mandats dans le temps.

L'article 3 élève au rang législatif les conditions d'appartenance des anciens membres au collège électoral participant à l'élection des juges consulaires. Il renforce ainsi la sécurité juridique de diverses règles actuellement de nature réglementaire, par exemple celle prévoyant l'exclusion du collège électoral des membres réputés démissionnaires ou celle fixant la condition d'ancienneté à six années afin de s'assurer que l'ancien membre, qui intègre le collège électoral en raison de son expérience, a exercé ses fonctions durant un temps suffisant.

Enfin, l'article 4 proroge le mandat des délégués consulaires élus en 2016 jusqu'au 31 décembre 2021. Il s'agit là d'une nécessité pour que les élections prévues en novembre et décembre 2021 puissent être organisées sur la base du collège électoral antérieur à la loi PACTE.

Mes chers collègues, il y a urgence. Si la date des élections a été reportée afin de permettre à cette proposition de loi d'être adoptée à temps, il est indispensable que celle-ci entre en vigueur avant le 22 octobre, date du début des opérations préélectorales. Il s'agit d'un texte de consensus, enrichi par le Sénat de diverses dispositions ayant reçu l'adhésion du Conseil national des tribunaux de commerce et de la Conférence générale des juges consulaires de France, et dont l'utilité immédiate est démontrée. C'est pourquoi je ne peux que vous inviter à voter en sa faveur.

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