Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mardi 12 octobre 2021 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Le budget de la mission « Sécurités » appelle de nombreuses remarques. J'évoquerai tout d'abord la formation. Dans son discours, le Président de la République a clairement souhaité que tous les policiers suivent la formation d'OPJ. Tous ne réussiront peut-être pas l'examen, a-t-il précisé, mais tous auront suivi la formation. Or, à ma connaissance, les policiers sont déjà formés à la procédure pénale, même s'ils n'ont pas tous la qualification d'OPJ. Surtout, avec cette formation supplémentaire de quatre mois, vous allez porter la formation initiale à douze mois, mais sans construire de nouvelles structures – il n'en est toujours pas question dans ce budget ; la formation continuera à se faire dans les mêmes écoles de police. Dès lors, vous serez peut-être amenés à moins recruter, ce qui n'est guère opportun au regard de la pyramide des âges dans la police.

Qui plus est, vous nous avez fait voter, tout au moins en première lecture, la création d'une réserve opérationnelle. Selon l'étude d'impact, il y a aura dès l'année prochaine un effectif de 2 000 à 3 000 réservistes. Mais où donc allez-vous les former ? Et à quel moment ? Entre deux promotions de gardiens de la paix en formation initiale ? J'appelle votre attention sur une incohérence : vous tenez un discours très ambitieux sur la formation initiale et continue, mais cela ne se traduira pas par une hausse sensible des crédits consacrés à la formation, ni par la construction de nouvelles structures. Autrement dit, vous voulez recruter davantage de personnes, mais il n'y a pas assez de moyens pour assurer leur formation – on retombe sur le problème que vous avez évoqué : trop de titre 2, pas assez de hors titre 2. Nous déposerons des amendements à ce sujet pour la séance publique, n'ayant pas eu le temps de le faire pour l'examen en commission.

J'en viens aux dépenses de fonctionnement. Vous allez consacrer 20 à 30 millions d'euros à l'équipement des policiers et des gendarmes en caméras-piétons. En la matière, il n'est pas évident de s'y retrouver : nous ne disposons pas de chiffre précis en ce qui concerne la police ; une partie des crédits proviendra du budget de la mission, une autre du plan de relance. En tout cas, il s'agira d'un coût substantiel, d'autant qu'il faudra racheter régulièrement des caméras. Lorsque l'on compare ce montant avec le million d'euros prévu pour la prévention des suicides, on se dit que l'allocation des crédits pourrait être meilleure. Il y a toujours des policiers et des gendarmes qui mettent fin à leurs jours, et la prévention des suicides devrait être une politique publique prioritaire. Elle serait d'ailleurs plus efficace si l'on mettait un terme à la politique du chiffre – ce qui ne se fera que si nous prenons votre place en 2022 !

Plusieurs collègues ont dénoncé, parfois publiquement, l'idée de rendre les billets de train gratuits pour les policiers. Selon vous, un policier est policier vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Par conséquent, il doit pouvoir garder son arme hors service – on ne sait jamais, s'il arrive quelque chose… Dès lors, quand il prend le train, il est un peu en service ; il vaudrait donc mieux que le train soit gratuit pour lui. C'est une fuite en avant : les policiers finiront effectivement par être policiers vingt-quatre heures sur vingt-quatre, mais sans être payés vingt-quatre heures sur vingt-quatre, bien évidemment.

À des sujétions correspondent en principe des contreparties. Ainsi en est-il pour les militaires, qui ont une carrière particulière : ils peuvent notamment partir en retraite plus tôt que les policiers. La contrepartie prévue ici, à savoir la gratuité des billets de train, est assez démagogique. Si un policier prend le train avec sa famille et veut bénéficier de la gratuité – car les billets ne sont pas donnés ! –, il devra donc voyager en famille tout en gardant son arme de service ? On va créer des situations un peu étranges…

S'agissant de la sécurité civile, nous relevons une stagnation des crédits affectés à la prévention des feux de forêt et une baisse des moyens alloués à l'achat de produits retardants. Or, nous en avons eu la démonstration en 2021, les feux de forêt se multiplient et touchent des zones de plus en plus vastes, sachant que les choses ne vont pas s'améliorer, compte tenu du changement climatique. Ne faudrait-il pas faire un effort budgétaire en matière de prévention, plutôt que de subir la situation ?

Concernant la lutte contre le trafic de stupéfiants, je partage l'analyse de notre collègue Acquaviva : vous dépensez beaucoup, pour des résultats assez médiocres au regard des objectifs que vous avez vous-mêmes fixés. Peut-être serait-il temps d'allouer les moyens de manière différente.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.