Madame Anthoine, je suis très étonné des chiffres que vous avancez. Depuis l'élection du Président de la République, les cambriolages ont diminué de 25 %, les vols de véhicules de 40 % ; s'agissant des violences sur les personnes, les vols avec arme ont baissé de 18 % et les vols sans arme de 26 %. Certes, les violences physiques ont augmenté, mais sur les 39 000 faits supplémentaires, 37 000 sont des violences familiales. Or c'est le Grenelle des violences conjugales qui explique cette évolution : il a permis de mettre des mots sur certaines choses, mais celles-ci existaient déjà. Les statistiques en elles-mêmes n'ont pas beaucoup d'importance, mais puisque vous fondiez votre constat sur des éléments chiffrés, je peux vous dire, madame, que nous n'avons aucun problème à présenter notre bilan en la matière.
Il en va de même s'agissant de l'augmentation des effectifs et des matériels. Lorsque nous sommes arrivés aux responsabilités, les véhicules avaient en moyenne neuf ans, et cela faisait même quarante-deux ans que les véhicules de maintien de l'ordre des compagnies républicaines de sécurité (CRS) et des gendarmes mobiles n'avaient pas été renouvelés. Quant aux commissariats, monsieur Ciotti, par exemple, s'il était encore parmi nous, aurait pu vous dire que cela faisait à peu près vingt ans qu'il attendait la construction d'un nouveau commissariat à Nice. Je constate d'ailleurs que monsieur Ciotti ne s'est pas exprimé ce soir ; son silence vaut sans doute approbation…
Il convient de saluer l'effort sans précédent consenti par le gouvernement de la République, ce que tout le monde a fait, y compris les syndicats de police et de nombreux dirigeants politiques, et c'est tant mieux, car il faut que nous construisions cette politique ensemble, dans tous les territoires. Cet effort ne date pas non plus de cette année, à l'approche des élections : l'augmentation des effectifs et du matériel a commencé en 2017. Entre le moment où les recrutements ont été décidés et celui où les personnels supplémentaires arrivent sur le terrain, il faut former ces derniers. Qui plus est, il n'y a pas assez de centres de formation, de sorte qu'une personne reçue au concours de gardien de la paix attend jusqu'à un an et demi avant d'entrer en école de police.
En ce qui concerne les violences conjugales, personne ne couvrait de tels agissements, bien entendu ; il n'est donc pas question d'instruire quelque procès politique que ce soit. Force est toutefois de constater que, depuis 2017, grâce en soit rendue à Gérard Collomb et à Marlène Schiappa – qui s'occupait de la question dans ses fonctions précédentes, et continue à le faire –, nous avons mené un énorme travail de sensibilisation et de formation dans la police et la gendarmerie, de manière à améliorer l'accueil des personnes qui viennent porter plainte pour des faits de violences conjugales.
On peut encore améliorer les choses, bien entendu. D'abord, il faut continuer à former beaucoup mieux les policiers et les gendarmes. Ensuite, il faut procéder à des travaux qui permettront une amélioration des conditions d'accueil dans les commissariats et les brigades de gendarmerie. Nous prévoyons de débloquer des crédits pour l'année prochaine à cette fin. Il s'agit d'aménager des locaux spécifiques, d'une part, pour éviter que les personnes venant porter plainte pour violences conjugales soient placées dans la même file que tout le monde, et, d'autre part, pour assurer leur accueil par une assistante sociale ou un psychologue. À cet égard, nous avons largement augmenté le nombre d'intervenants sociaux : il y en a désormais 404, contre 270 en 2017. Il faut poursuivre en ce sens. Ils sont payés en partie sur le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) – dont nous augmentons encore la dotation dans le budget que nous vous présentons –, le reste étant parfois assumé par les départements et les communes. Je salue d'ailleurs ce partenariat.
Nous avons, par ailleurs, beaucoup augmenté le nombre de maisons de confiance et de protection des familles – il y en a une cinquantaine, dont certaines sont situées dans des territoires très ruraux – ainsi que celui des brigades spécialisées dans la protection des familles. La consigne est claire : dans toutes les directions départementales de la sécurité publique (DDSP), dans tous les commissariats, il doit exister une brigade spécialisée dans la prise en charge des violences contre les personnes et, lorsque c'est possible, à l'intérieur de celle-ci, une équipe chargée des violences conjugales, lesquelles supposent une technicité particulière.
Lorsque des fautes sont commises par des policiers et des gendarmes, y compris quand il s'agit de défauts de transmission au parquet, le ministère de l'Intérieur doit prendre ses responsabilités. C'est qui s'est passé à la suite du drame de Mérignac. Les violences conjugales sont un sujet beaucoup trop important pour que l'on considère que les fautes commises dans ces affaires entrent dans le pourcentage d'erreurs qu'il est possible d'accepter.
À l'occasion de ce drame, j'ai découvert que la police et la gendarmerie comptaient dans leurs rangs quelques personnes ayant fait l'objet de condamnations définitives pour des faits de violences conjugales. Certes, le nombre en est infime au regard des 250 000 policiers et gendarmes de France, mais il y en a. Ces individus ne sauraient rester en contact avec le public. Ils ne devraient d'ailleurs plus être policiers ou gendarmes. Quand j'ai appris ce qui s'était passé au commissariat de Mérignac, j'en ai tiré toutes les conclusions, aussi bien pour le policier qui avait recueilli la plainte de la victime, qui a été tuée par la suite, que dans l'organisation du service, car les chefs auraient dû voir le dysfonctionnement. Il y a eu une faute d'organisation de la part du ministère de l'Intérieur.
J'ai donné comme consigne au directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN), au directeur général de la police nationale (DGPN) et au préfet de police que les policiers et gendarmes condamnés de façon définitive pour violences conjugales ne soient plus en contact avec le public et même qu'ils ne fassent plus partie de l'institution. Marlène Schiappa a cosigné le document. J'ai précisé aux directeurs généraux que ces instructions devaient être appliquées à la lettre. Si, pour une raison ou une autre, un recours venait à mettre en cause cette décision, en tout état de cause, les personnes en question ne sauraient être à l'avenir en contact avec le public.
Il ne s'agit en aucun cas de jeter l'opprobre sur l'ensemble des policiers et gendarmes, dont je salue le courage, le travail et l'abnégation, y compris dans la prise en charge des affaires de violences conjugales, qui sont particulièrement délicates, mais ils se doivent d'être irréprochables.
L'affaire de Montpellier pose problème, en effet : certaines questions ne sauraient être posées à une femme venue déposer plainte. Du reste, ce n'est pas au policier de dire s'il y a eu véritablement violences conjugales : le procureur engage les poursuites puis le juge se prononce. Monsieur le garde des Sceaux, Marlène Schiappa et moi-même avons d'ailleurs rappelé la règle : dans tous les cas, un signalement doit être fait. Je m'enorgueillis de constater que c'est effectivement ce qui se passe : 100 % des enquêtes font désormais l'objet d'un signalement au procureur et celui-ci engage une procédure, même quand il s'agit d'une femme battue par son mari qui se présente au commissariat mais ne dépose pas plainte, se contentant d'une main courante, ou bien qui retire sa plainte par la suite.
De même, les policiers et les gendarmes remplissent systématiquement une grille d'évaluation du danger ; s'ils ne le font pas, c'est une faute. Ils demandent également si l'auteur des violences détient des armes, et si c'est le cas, une perquisition est organisée pour les saisir. Dans un très grand nombre de cas, les individus soupçonnés sont placés en garde à vue, parfois quelques dizaines de minutes seulement après l'enregistrement de la plainte. Dans l'affaire de Montpellier, Marlène Schiappa et moi-même avons demandé à la nouvelle responsable de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), nommée la semaine dernière en Conseil des ministres, de se rendre sur place pour comprendre ce qui s'est passé. Nous en tirerons toutes les conséquences.
Les consignes sont donc extrêmement claires. Cet enjeu est notre priorité absolue. Avec quasiment 400 000 procédures par an, cela devient un phénomène de masse. C'est un défi pour la police et la gendarmerie, car il faut veiller à ce que les moyens soient en adéquation avec le nombre de cas.
Avec la ministre déléguée, nous lancerons à la fin de l'année une expérimentation consistant à permettre aux policiers et aux gendarmes de recueillir les plaintes ailleurs qu'au commissariat ou à la brigade de gendarmerie : ils pourront se rendre au bureau d'une assistante sociale, à la mairie ou encore chez les amis ou les parents des personnes victimes de violences conjugales. En effet, certaines d'entre elles ont peur d'aller au commissariat, de l'accueil qui pourrait leur être réservé, du regard des autres. Des moyens sont prévus dans le budget pour financer ce dispositif dès 2022.
Le garde des sceaux et la ministre déléguée m'ont signalé des innovations intéressantes en Espagne ; nous nous rendrons sur place pour les étudier.
Nous faisons donc tout ce qui est possible pour progresser. L'accueil des victimes de violences conjugales s'est considérablement amélioré. Tout le monde a bien pris conscience du phénomène, ce qui explique l'augmentation très importante des chiffres, que nous ne dissimulons pas, bien évidemment. Est-il possible de faire encore mieux ? Très certainement, et nous nous y attachons. Chaque erreur dans ce domaine nous touche, car elle peut entraîner la mort d'une femme ou de nouvelles violences, contre elle ou contre ses enfants.
Pour ce qui est des moyens immobiliers, je ne ferai pas le tour de tous les commissariats mais que monsieur le député Poulliat se rassure, 16,4 millions ont été inscrits pour le commissariat de Mérignac. Monsieur le député Kamardine, les études sont lancées pour l'extension du commissariat de Mamoudzou, promise depuis longtemps. Beaucoup de projets immobiliers sont en cours et des efforts sans précédent ont été consentis. Pour ce qui est des rénovations, j'ai souhaité mettre l'accent sur l'accueil dans les commissariats et la sécurisation des logements des brigades de gendarmerie. Les crédits sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2022.
Concernant la réserve opérationnelle, certains la couvrent d'éloges, d'autres de critiques, ce que je comprends mal car ses effectifs s'ajoutent à ceux de la police nationale et de la gendarmerie nationale, en plus des 10 000 créations de postes. Ses crédits, d'ailleurs, sont souvent annulables…