Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mardi 12 octobre 2021 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Gérald Darmanin, ministre :

Nous allons changer cela ! Le ministère de l'Intérieur doit gérer son budget plus sérieusement. S'il nous arrive d'annuler des crédits, c'est pour répondre à la solidarité ministérielle suite à la survenue d'un événement exceptionnel, ou en cas de gel budgétaire. Je suis favorable à ce que, dans la future loi de programmation, figure un montant de crédits non annulables des réserves opérationnelles car elles participent à l'amélioration du lien entre la police et la gendarmerie d'une part, la population de l'autre. La proposition de loi relative à la sécurité globale des députés Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot prévoyait déjà de doter la police nationale d'une réserve opérationnelle mais cette disposition avait été censurée par le Conseil constitutionnel qui l'avait considérée comme un cavalier. Elle est reprise aujourd'hui. Cette réserve s'inspire du modèle de celle de la gendarmerie nationale mais elle s'adresse aussi à tous ceux qui souhaitent s'investir dans une cause défendue par la police nationale ou la gendarmerie, comme la lutte contre les violences conjugales, parce qu'ils sont avocats, président d'association ou concernés à un autre titre. Ces personnes peuvent trouver leur place dans la réserve de la police nationale même si elles n'ont pas envie de s'occuper de la sécurité routière. Et inversement. En tout cas, les crédits sont prévus et il ne manquera plus que la validation du Conseil constitutionnel si le Sénat vote conformément à l'Assemblée nationale. Par ailleurs, nous avons conservé leur qualité d'officier de police judiciaire à ceux qui l'étaient déjà avant de prendre leur retraite, ce qui nous aidera dans l'attente du plan concernant les OPJ.

Je n'ai pas le temps de détailler tous les moyens matériels prévus mais j'insisterai sur trois points. Tout d'abord, on achète français, par l'intermédiaire de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP), notamment les véhicules. Les crédits sont élevés mais nous aurons du mal à les dépenser car les usines accumulent les retards de production à la suite de la pénurie de semi-conducteurs. Je préfère pourtant que nous continuions à acheter chez Renault et Peugeot plutôt qu'à l'extérieur. J'ai donc écrit à leurs dirigeants mais, je vous le dis tout de go, si nous devons nous passer des semi-conducteurs, nous le ferons et les véhicules seront équipés de compteurs à aiguilles classiques au lieu de l'affichage digital. L'essentiel est que la gendarmerie nationale et la police nationale disposent de véhicules en nombre suffisant.

Bien évidemment, certains problèmes sont spécifiques à l'outre-mer et je me rendrai dans les Antilles après Mayotte. Le ministère de l'Intérieur a deux défauts : il achète de manière globale et il ne négocie pas directement le prix des véhicules avec les constructeurs – ce que font les armées. Nous devrons profiter de la réforme du secrétariat général pour l'administration du ministère de l'Intérieur (SGAMI) pour améliorer le matériel et la maintenance. Le secrétariat général du ministère, à ma demande, a engagé la réflexion. La LOPPSI que nous vous présenterons témoignera de notre volonté de négocier directement avec les constructeurs des véhicules spécifiques, adaptés à nos besoins. Bien sûr, cela coûte cher de demander à un constructeur un véhicule qu'il ne fabrique pas en masse mais nous y gagnerons sur le long terme.

Pour ce qui est des effectifs, je vous confirme que nous aurons recruté 10 000 policiers et gendarmes d'ici à 2022. Le ministère de l'Intérieur a respecté l'objectif de maîtrise des effectifs de la fonction publique, comme l'avait prescrit la loi de programmation des finances publiques dès 2017, mais le chiffre que je vous donne est le bon.

Madame Karamanli m'a demandé le détail des mesures. Je peux lui donner le nombre des postes déjà créés dans la police nationale mais je m'engage à lui écrire : 800 postes pour lutter contre l'immigration irrégulière, 1 300 pour la sécurité du quotidien, 2 700 de plus à la sécurité publique, ce qui fait un total de 4 000, 303 dans l'ordre public, plus de 300 en personnels de soutien. Les policiers dont les postes ont été créés par la loi de finances pour 2021 ne sont pas encore sur le terrain puisque leur formation n'est pas terminée et il manque ceux prévus par le projet de loi de finances pour 2022. Si l'on prend l'exemple de la gendarmerie nationale, 87 % des effectifs supplémentaires sont directement affectés dans les brigades de gendarmerie.

J'en viens au drame des suicides dans la police nationale. Il y en a toujours trop, bien évidemment, mais en 2019, nous en avons déploré cinquante-neuf contre trente-deux en 2021 – je laisse de côté l'année 2020, qui fut très particulière. Cette baisse a plusieurs causes qu'il s'agisse de l'amélioration des conditions de travail, de l'augmentation des effectifs ou du travail de la direction générale de la police nationale pour accompagner les policiers en souffrance. Beaucoup reste à faire, cependant, et la direction des ressources humaines de la police nationale tient réellement à cette tâche.

Concernant la formation continue, elle sera proposée aux fonctionnaires au moment où s'appliqueront les nouveaux cycles horaires, pour qu'ils puissent en profiter plus largement plutôt que de réaliser leurs trois tirs administratifs en décembre. Cela suppose d'ouvrir davantage de centres de tir, de renforcer la mutualisation des formations de policiers, de gendarmes et de douaniers. Nous avons lancé un centre de formation régional pour l'ordre public à Paris et des centres de formation régionaux. Quant à la formation initiale, nous reverrons une partie du concours des officiers de police judiciaire.

Pour ce qui est de la fidélisation, je ne suis pas convaincu que la prime soit la meilleure solution. Imaginons une agglomération où la vie est chère et la violence, forte. Offrir une prime aux policiers pour qu'ils restent présenterait trois inconvénients. Tout d'abord, la prime ne compense jamais l'augmentation des loyers ou le prix de l'immobilier – surtout, les policiers habitent rarement dans la circonscription où ils exercent. Par ailleurs, les effets de bord seraient considérables. Ainsi, les policiers qui habitent dans l'Eure mais travaillent dans les Yvelines recevraient la prime tandis que ceux qui habitent dans les Yvelines mais travaillent dans l'Eure n'en profiteraient pas. Or, je vous mets au défi de distinguer la frontière des circonscriptions de police entre les Yvelines et l'Eure. Enfin, ce dispositif pourrait créer des disparités entre les agglomérations de police en fonction du montant de la prime.

Je n'exclus pas la possibilité de l'instaurer mais l'expérience, déjà menée à Nice, n'a pas résolu les problèmes d'effectifs.

On peut conserver les policiers dans un territoire par des mesures contraignantes et des mesures d'accompagnement ou de progression sociale. Le dispositif du contrat figure parmi les mesures contraignantes. C'est ce qui a été instauré en région parisienne : les policiers s'engageaient à y rester huit ans. Cette mesure permet d'augmenter les effectifs mais une grande partie cherche à partir et surtout, des jeunes, souvent provinciaux, sont envoyés dès leur sortie d'école, dans des sites extrêmement violents, ce qui pose de nombreux problèmes. C'est comme envoyer des professeurs de 22 ans dans les zones d'éducation prioritaire.

Il est également possible de limiter les plafonds de mutation. Lorsqu'on ouvre des postes aujourd'hui, on ne prend pas garde au nombre de départs alors qu'on pourrait les limiter, en les conditionnant à l'ancienneté, aux résultats, à l'avancement. Ce n'est cependant pas facile à organiser.

L'avancement est un autre moyen d'inciter les policiers à s'installer dans des circonscriptions difficiles. L'on peut aussi envisager de signer un contrat avec le policier, aux termes duquel, à l'issue d'une certaine période d'exercice dans une circonscription difficile, il peut être le premier à choisir le service dans lequel il se rendra, un service de sécurité publique ou spécialisé. L'attribution d'une rémunération ou d'une prime supplémentaires sont d'autres pistes.

On peut encore signer un contrat gagnant-gagnant avec le policier, dans le cadre d'une véritable politique sociale menée par le ministère de l'Intérieur, par exemple en réservant des logements à ces policiers dans les logements sociaux. Les concours régionalisés sont une idée également. Bref, il n'y a pas une solution pour conserver les policiers sur place mais beaucoup de voies possibles. Nous en discuterons avec les syndicats de police. Je ne souhaite pas contraindre exagérément les policiers à se rendre dans les territoires difficiles. On risque d'y envoyer des jeunes inexpérimentés, sans espoir de partir s'ils veulent fonder leur famille ailleurs, et beaucoup démissionneront.

Pour ce qui est de l'encadrement, les effectifs manquaient au sein de la police nationale aussi avons-nous ouvert depuis deux ans de nombreux postes d'officiers. Il ne s'agit pas seulement de commissaires mais de brigadiers. Parfois, il vaut mieux de nombreux brigadiers-chefs qui encadrent les policiers sur le terrain que trop d'officiers qui n'ont pas la même vocation. Nous devons également réfléchir à ce que représente l'encadrement au sein de la police nationale. Ce fut le sujet d'une table ronde lors du Beauvau de la sécurité.

Concernant la sécurité civile outre-mer, les moyens de communication satellitaire sont prévus pour la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, La Réunion et Mayotte.

Pour ce qui est des 500 millions d'euros prévus pour la mise en œuvre des premières mesures du Beauvau de la sécurité, ils se sont ajoutés aux crédits que j'avais déjà négociés avec le ministre délégué chargé des comptes publics. Ainsi, 44 millions d'euros sont consacrés à la formation, ce qui permet de passer de huit à douze mois celle destinée aux gardiens de la paix. Nous augmenterons également le nombre de centres de formation et recruterons de nouveaux formateurs, pour 2 millions d'euros. Par ailleurs, 200 millions d'euros permettront d'assurer le renouvellement des moyens mobiles, 78 millions d'euros de crédits de paiement seront affectés à la construction et à la rénovation immobilière – l'hôtel des polices de Nice, l'école nationale de police de Oissel, en Seine-Maritime, le commissariat de Valenciennes, la caserne de Balma, les travaux d'amélioration de la sécurité des commissariats et des brigades.

Pas moins de 114 millions d'euros seront conscarés aux projets stratégiques et numériques, qu'il s'agisse de la procédure pénale, des caméras-piétons, des équipes NEO, du réseau radio du futur, ou du gendarme ou policier à domicile – 5 millions d'euros ont été prévus pour mener les expérimentations. Je peux citer encore les 27 millions d'euros affectés aux réserves et à la modernisation des tenues, le lien entre la police et la population, 9 millions d'euros de plus pour le maintien de l'ordre, 6 millions d'euros pour l'augmentation des pelotons de surveillance et d'intervention de la gendarmerie (SPIG), 3 millions d'euros pour les nouveaux dispositifs de projection rapide et 28 millions d'euros pour les mesures catégorielles, qui incluent l'augmentation des indemnités pour les policiers et gendarmes de haute montagne.

Pour la réserve opérationnelle et la captation d'images, sont prévus 30 000 réservistes de premier niveau (RO1), 28 000 en deuxième niveau (RO2) et 120 spécialisés.

S'agissant de la sécurité civile, les moyens miliaires sont mobilisables à tout moment, notamment dans les territoires ultramarins pour faire face aux risques volcaniques.

Concernant les états généraux de la sécurité routière, j'y suis favorable mais il est difficile de les mettre en place immédiatement. L'année 2019-2020 fut particulière et ne se prête pas aux comparaisons. On peut se féliciter de la baisse du nombre de morts sur les routes, mais ce bilan positif est à porter au crédit du confinement et les restrictions de circulation font qu'il est difficile de tirer un bilan de cette année, tant au niveau des recettes des radars que du fonctionnement de la sécurité routière. Je vous propose de laisser s'écouler l'année 2021 et d'en tirer les conclusions, avant l'élection présidentielle ou juste après. Pour l'heure, constatons simplement que le bilan de la limitation de vitesse à 80 kilomètres par heure sur les routes à double sens sans séparateur central est positif.

Le site « moncommissariat.fr » est ouvert vingt-quatre heures sur vingt-quatre. En moyenne, le tchat donne lieu à 500 conversations par jour entre les policiers du site et les usagers, avec des pics d'activité à 2 000, contre soixante-dix lors de sa création. Pas moins de 5 300 trafics de stupéfiants ont été signalés.

Pour ce qui est de l'ENSOSP, 220 000 euros sont affectés au remboursement de l'emprunt immobilier et 72 000 euros à l'augmentation des dépenses de l'établissement.

Je répondrai à la question des Jeux olympiques après la réunion que le Président de la République compte organiser à ce sujet.

Quant à la « journée japonaise », monsieur Kamardine, je ne vois aucun inconvénient à votre proposition que j'ai transmise au ministre des outre-mer et qui prendra la décision.

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