La mission « Administration générale et territoriale de l'État » regroupe les crédits consacrés aux administrations déconcentrées du ministère de l'Intérieur, à ses fonctions support, ainsi qu'aux subventions publiques dont il assure la gestion. Elle retrace également les financements destinés aux partis politiques, ainsi que les crédits affectés à l'organisation des élections.
En 2022, les crédits de paiement de la mission devraient connaître une hausse de 4,5 %, soit près de 190 millions d'euros, pour atteindre 4,4 milliards d'euros. La dépense progresse au bénéfice des trois programmes : les crédits du programme « Administration territoriale de l'État » augmentent de 52 millions d'euros, conséquence de la hausse des effectifs ; les crédits du programme Vie politique bénéficient d'une hausse de 55 millions d'euros, en raison du coût prévisionnel des élections présidentielle et législatives ; enfin, les crédits du programme support « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » connaissent une augmentation de 85 millions d'euros, du fait d'un accroissement des dépenses d'action sociale et immobilières.
L'année 2022 verra également la poursuite de la mise en œuvre des chantiers ouverts les années précédentes : je pense notamment à la réforme de l'organisation territoriale de l'État et au financement de projets informatiques, tels que le déploiement de la carte nationale d'identité électronique et le développement de l'identité numérique.
J'en viens au thème que j'ai choisi d'étudier plus particulièrement dans le cadre de l'examen de ce budget : l'organisation des élections régionales et départementales de 2021, et les enseignements que l'on peut en tirer dans la perspective des élections présidentielle et législatives. Ces élections ont été singulières à plusieurs égards. Organisés dans le contexte de la crise sanitaire, les deux scrutins, qui se sont tenus le même jour, ont fait l'objet d'un report de trois mois, de mars à juin 2021.
Les financements destinés à l'organisation des élections sont retracés dans l'action 2 du programme 232 « Vie politique ». Ils couvrent les frais liés au matériel électoral, le remboursement des sommes engagées au titre de la propagande officielle et des dépenses de campagne, ainsi que les transferts directs aux communes pour couvrir l'aménagement et la remise en état des lieux de vote après le scrutin. Les montants sont substantiels : le coût de l'organisation des dernières élections régionales a été estimé à 170 millions d'euros, et celui des départementales, à 148 millions d'euros.
En 2021, l'organisation simultanée de deux scrutins n'a pas entrainé d'économies : les bureaux de vote ayant été dédoublés, aucune synergie n'a été permise en matière d'équipement. Par ailleurs, la crise sanitaire a entraîné des coûts supplémentaires qui ont représenté environ 35 millions d'euros, soit près de 10 % de la prévision initiale. En effet, l'État a assuré la fourniture d'équipements de protection sanitaire et s'est engagé à rembourser les parois de plexiglas achetées par les maires, tandis que les plafonds des dépenses de campagne ont été majorés de 20 %. Dans l'ensemble, ce surcoût ne me paraît pas excessif, compte tenu de la situation exceptionnelle que nous avons traversée.
En revanche, de graves dysfonctionnements ont été constatés à l'occasion de la distribution de la propagande électorale. Je présenterai demain, devant la commission des Lois, le rapport de la mission d'information que j'ai conduite avec Jean-Michel Mis sur les dysfonctionnements dans la distribution de la propagande électorale pour les élections régionales et départementales ; aussi, je me contenterai ce soir d'aborder cette question sous un angle principalement budgétaire, en insistant sur deux points principaux.
Premier point : vous avez annoncé, dès la fin du mois de juin, la réinternalisation de la mise sous pli de la propagande électorale. Actuellement, 80 % des préfectures ont choisi d'externaliser la mise sous pli, tant pour des motifs budgétaires que pour des raisons d'organisation. Ces opérations nécessitent en effet, selon les départements, la mobilisation de plusieurs centaines de personnes, parfois de plus d'un millier, ce qui demande une logistique importante : il faut trouver les personnes disponibles, les accueillir dans des espaces suffisamment grands, les rémunérer et procéder aux opérations comptables associées. Or, les services support des préfectures ont pâti de baisses d'effectifs, qui ont souvent affecté les bureaux des élections, conformément à la nouvelle organisation qui a été décidée. Je m'interroge sur la capacité des préfectures à assurer ces opérations, dans un contexte de rationalisation accrue et de recherche toujours plus grande de gains d'efficience. Il me paraît important de leur laisser le choix de pouvoir externaliser ou internaliser ces opérations, en fonction de leurs capacités.
Parallèlement à la mise sous pli stricto sensu – qui consiste à placer les documents de propagande électorale dans l'enveloppe –, d'autres opérations peuvent en faciliter le déroulement : l'assemblage des bulletins, l'étiquetage et, enfin, l'organisation en « quartier-lettre », autrement dit, le routage. J'ai compris, en auditionnant vos services, que vous entendiez externaliser tout ou partie de ces opérations. Je m'interroge sur la pertinence d'une externalisation à la carte du processus de mise sous pli, et sur le risque que cela ne conduise à une usine à gaz. Comment envisagez-vous concrètement les opérations de mise sous pli ? Quelles seront les consignes données aux préfectures, et comment celles-ci seront-elles accompagnées dans ces opérations ?
Le deuxième point concerne la dématérialisation de la propagande électorale. Un récent rapport d'inspection proposait de permettre aux électeurs qui le souhaitent de recevoir la propagande électorale par la voie dématérialisée. Par défaut, les électeurs recevraient à leur domicile la propagande par courrier postal, mais pourraient choisir d'opter pour une transmission dématérialisée. À mon sens, cela irait à l'encontre de l'attachement que les Français ont semblé manifester pour la distribution physique, mesurée à l'aune de la polémique née des dysfonctionnements de l'été dernier. Monsieur le ministre, que pensez-vous de cette proposition ? Quel est l'état de vos réflexions en la matière ? Jusqu'où entendez-vous aller ?
Enfin, le Gouvernement a annoncé au printemps la suppression du corps préfectoral. Cette décision, qui a suscité de vives réactions, n'a pas reçu de traduction dans le projet de loi de finances pour 2022. Je crains que cette réforme ne conduise à une perte de qualification et à une politisation accrue de la fonction de préfet. Avez-vous d'ores et déjà finalisé la rédaction des textes, et quelles seront les prochaines étapes du projet de réforme ? Pouvez-vous nous en rappeler les grands objectifs, et nous indiquer ce qu'y gagneront les Français – si tant est qu'ils puissent y gagner quelque chose ? Enfin, comment les ressources humaines seront-elles gérées ?