L'année 2022 sera la cinquième année consécutive d'augmentation des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », qui s'élèveront à 1,9 milliard d'euros en crédits de paiement, contre 1,84 milliard en 2021 et 1 milliard il y a quatre ans. Cet effort budgétaire très important est cohérent avec le plan du Gouvernement pour garantir le droit d'asile et mieux maîtriser les flux migratoires, présenté en 2017, et avec l'adoption, en 2018, du projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie.
Le programme 303, « Immigration et asile », comprend l'essentiel des crédits de la mission.
En ce qui concerne la garantie de l'exercice du droit d'asile, la dotation inscrite pour l'ADA s'élève à 467 millions d'euros, soit une progression de 4 % par rapport à la dernière loi de finances. Ce montant est destiné à couvrir une hausse de 10 % par rapport à 2019 des demandes d'asile déposées auprès de l'OFPRA en 2022, ce qui représenterait 145 700 demandes au total.
S'agissant de l'hébergement des demandeurs d'asile, sous réserve que l'enveloppe budgétaire prévue pour l'ADA soit suffisante, 20 millions d'euros pourraient venir financer 4 900 places d'hébergement supplémentaires, qui s'ajouteraient aux 103 000 places actuelles. Pouvez-vous, madame la ministre déléguée, expliquer le choix qui a été fait de lier l'ouverture de ces nouvelles places d'hébergement au niveau d'utilisation des moyens prévus pour l'ADA ?
Les crédits relatifs à la lutte contre l'immigration irrégulière seront encore en forte hausse l'année prochaine, de près de 19 % en autorisations d'engagement et de 12,5 % en crédits de paiement. Ils permettront notamment de financer la poursuite de l'augmentation des capacités d'accueil des centres de rétention administrative.
Quant au programme 104 relatif à l'intégration et à l'accès à la nationalité française, ses crédits sont en hausse de 1,86 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Ils permettront notamment de financer le lancement du programme d'accompagnement global et individualisé des réfugiés.
Cet automne est celui de notre dernier avis budgétaire de la XVe législature. Lors des précédents exercices, j'avais choisi de développer différents thèmes : pour le projet de loi de finances pour 2018, l'accueil des demandeurs d'asile, l'année suivante le règlement Dublin, puis la situation des étrangers sans titre de séjour et enfin l'an dernier la santé en rétention. Il est indispensable, madame la ministre déléguée, de tenir compte de ces exercices d'évaluation auxquels nous nous livrons. Par exemple, je soulignais l'an dernier que l'organisation des unités médicales des CRA était fondée sur une circulaire de 1999 qui n'était plus du tout adaptée – une circulaire abrogée en 2017 mais qui servait encore de référence puisque le texte appelé à lui succéder n'avait toujours pas été publié. Où en sommes-nous sur ce sujet ?
Cette année, mon évaluation porte sur le contrat d'intégration républicaine, le CIR.
Chaque année, environ 100 000 étrangers issus de pays tiers à l'Union européenne arrivent en France et signent un CIR. Instauré par la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, ce contrat a pour objet l'appropriation des valeurs de la République, la maîtrise de la langue française et l'insertion professionnelle de l'étranger primo-arrivant. Le CIR matérialise l'engagement de la personne qui veut s'installer en France. Sa dimension synallagmatique est précieuse et doit être préservée : elle est garante de l'autonomie et de la responsabilité des individus.
Plusieurs évaluations ont déjà été conduites sur l'une ou l'autre des dimensions du CIR, y compris par notre Assemblée, mais il est important, alors que nous fêtons les cinq ans du dispositif, d'en dresser un bilan d'ensemble.
J'ai pu constater qu'il s'agit d'un outil particulièrement souple et adaptable. Il a d'ores et déjà considérablement évolué à la suite des recommandations du comité interministériel à l'intégration du 5 juin 2018, mises en application le 1er mars 2019.
Le bilan de cette modernisation est globalement positif, mais nous pouvons aller encore plus loin.
Ainsi, l'individualisation des parcours pourrait encore être renforcée. Face aux difficultés que certains éprouvent, en particulier ceux qui n'ont jamais été scolarisés, à s'adapter à la situation d'« apprenant », il serait utile de proposer un module pour « apprendre à apprendre », en amont des formations ou en adaptant la pédagogie proposée.
S'agissant de la composante civique du contrat, vous envisagez pour 2022 deux évolutions qui me semblent appropriées. La première consiste à ramener le délai entre les blocs de formation, qui sont de quatre ou cinq mois, à trois mois, afin de réduire la déperdition du public entre la première journée et la dernière. La seconde évolution consiste à former les prestataires de formation civique afin qu'ils connaissent mieux l'offre du service public de l'emploi. Cela implique une meilleure interconnexion entre la composante civique et celle de l'accès à l'emploi. À plus long terme, le ministère de l'Intérieur envisage de faire signer au primo-arrivant, au terme du CIR, un document par lequel il s'engagerait à respecter les valeurs françaises. J'y suis favorable.
Je suggère par ailleurs d'approfondir le lien entre la composante linguistique du CIR et son volet concernant l'intégration professionnelle. Ainsi pourrait-on prévoir l'enseignement d'un vocabulaire spécifique à certaines filières professionnelles, comme l'hôtellerie, l'aide à la personne et le bâtiment. À plus long terme, une réflexion structurelle pourrait utilement être conduite sur l'esprit du CIR en matière d'apprentissage de la langue : on pourrait passer d'une logique de moyens, dans laquelle seule l'assiduité est véritablement prise en compte, à une logique de résultat, dans laquelle les objectifs du contrat seraient considérés comme remplis au moment de l'atteinte effective du niveau A1.
S'agissant enfin du volet relatif à l'intégration sociale et professionnelle, il conviendrait de regrouper les programmes d'insertion professionnelle les plus adaptés à ce public et aux besoins du territoire dans un système d'information accessible aux prestataires spécialisés en insertion professionnelle intervenant à l'OFII. Pôle emploi devrait également disposer de conseillers référents pour les primo-arrivants.
L'intégration de ces personnes est à la fois une promesse que la République formule à leur endroit et un devoir pour elles. J'exprime le souhait que ces pistes de réflexion permettent au CIR, qui est au cœur de cette politique d'intégration, de poursuivre sa modernisation.