Intervention de Ugo Bernalicis

Réunion du mardi 12 octobre 2021 à 21h20
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaUgo Bernalicis :

Mes propos trancheront sans doute avec les précédents. Je m'interroge en effet sur plusieurs points.

L'augmentation du budget consacré à l'asile est très en deçà des besoins. Il faudrait doubler le nombre de places d'accueil disponibles car seule une demande sur deux est satisfaite. Des places supplémentaires sont prévues çà et là, ce qui est très bien, et nous ne nous y opposerons pas, mais les chiffres ne sont vraiment pas à la hauteur des besoins, et le retard n'est pas rattrapé.

En revanche, des moyens importants sont prévus pour l'ouverture de CRA, dans lesquels vous avez laissé des gens pendant quatre-vingt-dix jours en sachant que vous ne pouviez pas les expulser, madame la ministre déléguée. J'ignore quel est le but profond de ce genre de pratiques, qui conduisent vraiment à se poser des questions. Les avocats, la CIMADE et les associations nous disent que des Afghans sont placés en CRA et qu'il faut se battre au contentieux pour les faire sortir, quand ils ne sont pas expulsés vers le pays où ils ont déposé leur première demande d'asile, en bonne application du système de Dublin. On a même vu des parquets déposer des appels suspensifs après que des personnes ont obtenu gain de cause devant le juge des libertés et de la détention. Que d'hypocrisie !

Par ailleurs, les effectifs de la police aux frontières (PAF), qui relèvent du programme 176, augmentent. Lors de la conclusion du Beauvau de la sécurité, à Roubaix, le Président de la République s'est dit satisfait que le nombre de policiers de la PAF n'ait jamais été aussi élevé. Je ne sais pas s'il y a vraiment lieu de s'en satisfaire : ce n'est pas l'enjeu le plus fondamental. Surtout, les crédits consacrés à la politique d'asile et d'immigration sont répartis sur plusieurs programmes budgétaires, et excèdent ceux prévus par le programme 303.

S'agissant par exemple des mesures d'éloignement, le coût s'élève à environ 480 millions d'euros, d'après un rapport de 2018 – nous n'avons pas le bonheur de disposer de chiffres actualisés. Nous dépensons presque un demi-milliard d'euros pour expulser des gens. Compte tenu des besoins pour assurer un accueil digne dans ce pays, nous pourrions peut-être mieux employer tout cet argent. En outre, je ne suis pas sûr que le travail des policiers dans les CRA soit très valorisant pour eux. Dans bien des cas, d'ailleurs, les demandes de mutation au sein de la PAF sont liées à une recherche de rapprochement géographique.

Je fais mienne la question posée par notre collègue Euzet, qui a raison de se demander pourquoi la création de places supplémentaires en CAES et en CADA dépend de la consommation des 20 millions d'euros prévus pour faire face à un éventuel dépassement des dépenses concernant l'ADA. Il faudrait savoir : ou bien la création de places est nécessaire et on y consacre ces 20 millions d'euros, que je suis prêt à voter, ou bien elle ne l'est pas, et on ne prévoit pas 20 millions d'euros ! Que signifie cette politique consistant à faire du recours à l'ADA, qui est un droit, une variable d'ajustement pour la création de places d'accueil supplémentaires ? Cela n'a aucun sens !

Il en est de même des sorties démagogiques – comme si Éric Zemmour était déjà membre du Gouvernement – annonçant une réduction de 50 % du nombre de visas délivrés aux ressortissants algériens, ce qui revient à faire des droits des uns une variable d'ajustement pour discuter d'un autre problème, votre incapacité à obtenir des laissez-passer consulaires pour reconduire des gens. C'est extraordinaire ! L'accès à un visa résulte de la constatation d'un droit. Il n'y a pas encore, heureusement, de quotas dans ce pays, mais vous les inventez par démagogie !

Vous rendez plus difficile l'obtention d'un titre de séjour. Nous recevons tous dans nos permanences des gens dont la demande est dans les clous et qui ont pourtant un mal fou à obtenir un rendez-vous ou une réponse favorable. Nous en accompagnons certains devant le tribunal administratif et nous obtenons gain de cause. Tout cela est fondamentalement triste et malheureux. Nous causons des difficultés juridiques à des êtres humains en espérant qu'ils quitteront notre pays, ce qui ne se produit pas. Il en résulte des difficultés pour leur accueil et pour les gens qui habitent alentour. Je me suis régulièrement rendu à Calais, je sais de quoi il retourne.

Je ne soutiendrai pas cette politique, qui est une politique répressive avant d'être une politique d'accueil. J'espère que nous prendrons votre place en 2022 pour accueillir dignement les gens.

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