Cette année encore, nous pouvons nous réjouir que le budget de la justice connaisse une augmentation de 8 %. Pour les quatre programmes dont j'ai la charge, je constate une progression de 6,7 % en crédits de paiement et de 7,9 % en autorisations d'engagement.
Les créations nettes d'emplois sont un signe fort des moyens accordés à notre justice. En 2022, 50 magistrats et 47 fonctionnaires de greffe supplémentaires seront recrutés. Cet effort budgétaire est révélateur de l'attention portée à l'amélioration du fonctionnement de la justice.
Je souhaite revenir sur trois chantiers importants du quinquennat. Le premier est celui de la transformation numérique de la justice. En 2020, j'avais fait état d'une accélération, mais aussi d'importantes réserves. Depuis, les efforts se sont poursuivis et ont porté leurs fruits.
L'équipement informatique des juridictions a connu un véritable bond en avant. Le nombre d'ordinateurs portables distribués est passé de 7 500 en 2017 à plus de 47 000 aujourd'hui, ce qui permet à 85 % des agents dont les fonctions le permettent de télétravailler. Le nombre d'équipements de vidéo-conférence est passé de 1 380 à 2 750, et le nombre d'accès VPN simultanés de 2 500 à 30 000. Le déploiement des réseaux s'est également poursuivi, qu'il s'agisse de la fibre ou du wifi. J'appelle toutefois votre attention sur la nécessité de garantir un équilibre territorial : les données que je viens d'évoquer sont nationales et ne permettent pas de savoir combien de tribunaux sont réellement suffisamment équipés.
Je souligne également l'amélioration des méthodes de gouvernance et d'accompagnement du changement. Vous êtes vous-même intervenu, monsieur le garde des sceaux, pour identifier douze projets prioritaires en matière numérique.
S'agissant de la transition numérique de la justice pénale, l'impression positive de l'année dernière se confirme. L'applicatif PLEX monte en puissance et la procédure pénale numérique est en cours de déploiement. Ses bénéfices en termes de gain de temps, de simplicité et d'efficacité pour les différents agents de la chaîne pénale sont avérés.
En revanche, monsieur le ministre, je vous demande solennellement d'investir de plus grands efforts dans l'établissement de la plainte en ligne. Le Président de la République l'a évoqué lors de la clôture du Beauvau de la sécurité. Ce dispositif, voté en 2019, requiert une collaboration plus efficace entre le ministère de la justice et celui de l'intérieur.
S'agissant du projet PORTALIS, emblématique de la transformation numérique de la justice civile, ayant émis les plus grandes réserves l'an passé, j'ai été la première étonnée de constater les progrès qui ont été accomplis, sur le fondement d'une restructuration qui a redéfini ses objectifs. L'applicatif PORTALIS, dont j'ai pu voir une démonstration, permettra au justiciable de consulter en ligne l'état d'avancement de la procédure et de recevoir des documents des juridictions par voie dématérialisée. Il fait l'objet d'une expérimentation dans les juridictions prud'homales de Bordeaux et Dijon. Mais pour être franche, je me demande s'il ne devrait pas demeurer limité aux procédures sans représentation obligatoire, puisque le principe de base est que le justiciable ait la main.
Enfin, je constate avec satisfaction que la dématérialisation des demandes d'aide juridictionnelle est en passe d'aboutir et que le système d'information de l'aide juridictionnelle (SIAJ) sera bientôt déployé. Mais j'insiste, monsieur le garde des sceaux, sur l'importance qu'il y a à associer les utilisateurs avocats à la conception de cet outil pour qu'il réponde bien à leurs attentes et à leurs besoins.
Deuxième chantier, celui de cette justice de proximité qui vous est chère. D'importants moyens budgétaires ont été mobilisés en la matière afin de soutenir un plan de recrutement exceptionnel de contractuels – 914 en matière pénale et 1 000 en matière civile. Je salue cet effort considérable. Toutefois, sur les 1 000 contrats conclus au civil, 500 sont prévus pour un an. Cette durée est trop courte, ne serait-ce qu'en raison du temps de formation nécessaire. Il me semble primordial de clarifier dès aujourd'hui les éventuelles perspectives de pérennisation de ces contrats, afin de donner de la visibilité aux juridictions. Enfin, il me semble qu'il faudrait réaliser une cartographie des équipes qui sont autour du juge afin de clarifier le rôle de chacun, de concevoir les besoins de formation et de favoriser la mobilité.
Troisième chantier, celui de la réforme de l'aide juridictionnelle. Sans revenir sur son contenu détaillé, je constate que plus de 100 millions d'euros ont été mobilisés en deux ans pour revaloriser l'aide juridictionnelle. Après l'adoption de ce projet de loi de finances, l'unité de valeur qui sert au calcul des rétributions des avocats sera de 36 euros. Cet effort budgétaire de 100 millions est conforme à ce qu'avait préconisé la commission présidée par Dominique Perben en la matière.
Voilà les grandes lignes du bilan que je dresse, monsieur le ministre, de ces grands chantiers de la justice. Je l'ai agrémenté de quelques pistes d'amélioration qui, je l'espère, vous seront utiles pour parfaire les réformes en cours.