Ce dernier avis de la législature me donne l'occasion de dresser un bilan.
Depuis 2017, la fonction publique a profondément évolué afin de s'ouvrir, de se moderniser, d'assurer des carrières plus riches et variées et d'être un vecteur d'égalité professionnelle et de promotion. Bref, notre majorité et le Gouvernement ont renforcé l'efficience de notre fonction publique et fait en sorte qu'elle soit davantage à l'image des usagers qu'elle a vocation à servir.
Je tiens à remercier de façon solennelle les 5,6 millions de femmes et d'hommes que compte la fonction publique française, dont l'engagement et le dévouement ne sont plus à démontrer.
Je passe rapidement sur les crédits, ce travail relevant en premier lieu du rapporteur spécial de la commission des finances. Je tiens, cependant, à souligner l'évolution du périmètre du programme Fonction publique, qui intègre dans une nouvelle action, vous le souligniez, les crédits du programme 351, supprimé en conséquence, ainsi que les crédits du centre interministériel des services informatiques relatifs aux ressources humaines, auparavant dans le programme 218.
À périmètre constant, les crédits du programme 148 augmentent significativement, de 8 à 9 %. Au-delà des transferts de crédits, cette hausse résulte aussi d'une montée en puissance des dépenses d'investissement d'action sociale concernant la restauration, ce qui améliorera la qualité de vie au travail des agents.
Pour conclure sur les crédits, j'appelle l'attention sur la nécessité de disposer de données complètes et de bons indicateurs pour suivre précisément l'emploi des crédits. Je pense notamment à la formation car j'ai constaté que certaines difficultés ne résultaient pas de l'insuffisance des moyens, mais d'un manque de valorisation des actions de formation disponibles. Seriez-vous prête à rénover les indicateurs pour garantir un emploi optimal de ces crédits, en particulier ceux de la formation ?
J'en viens au fond, à savoir l'évaluation des propositions faites dans les quatre avis précédents et lors de l'examen du projet de loi de transformation de la fonction publique que j'ai eu l'honneur de rapporter.
De nombreuses propositions ont connu une traduction effective, d'autres pourraient faire l'objet d'ajustements ou d'approfondissements ; quelques-unes, enfin, n'ont pas été mises en œuvre, et j'y reviendrai car elles demeurent utiles, voire nécessaires.
Depuis 2017, je me suis attachée au renforcement de l'égalité professionnelle dans la fonction publique et plusieurs mesures ont été prises en ce sens. Nous avons ainsi créé une « prime de précarité », indemnité de fin de contrat pour les agents contractuels engagés pour une durée maximale d'un an. Inspirée de ce qui existe pour les salariés du privé, cette prime offre un soutien financier bienvenu à ces agents et permet une évolution de l'organisation des services, rendue possible par un changement de comportement des employeurs publics.
Dans le même esprit d'égalité professionnelle, j'ai milité pour que le jour de carence ne s'applique pas aux femmes enceintes et soit suspendu jusqu'à la fin de l'année 2021. Là encore, le Gouvernement a appliqué ces mesures – et je l'en remercie. Je salue d'ailleurs le choix, dans le PLFSS 2022 en cours de discussion, de proroger par décret cette suspension du jour de carence, au plus tard jusqu'au 31 décembre 2022.
Le deuxième grand axe de mes travaux est la formation professionnelle, nerf de la guerre pour une fonction publique moderne et efficace. Appelée de mes vœux dans mon avis de 2018, la formation systématique au management pour les primo-encadrants a été consacrée dans notre droit. Je me réjouis également de l'enrichissement des offres de formation à la gestion de crise, que j'avais suggéré l'an dernier. Je salue, à cet égard, l'action du CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale) qui propose désormais des modules variés et utiles aux agents qu'il forme.
La mobilité des agents a également fait l'objet de nombreuses propositions et s'est trouvée au cœur de la loi du 6 août 2019. Les freins ont été levés, la fluidité des carrières a été renforcée et le contrôle des demandes d'évolution de carrière a été rationalisé. Ce contrôle incombe désormais à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique, à la suite d'une initiative conjointe du groupe La République en marche et de ma part.
L'attractivité de la fonction publique reste un sujet entier. Elle pose notamment la question de la diversité de son recrutement. J'ai proposé plusieurs pistes dans mon avis sur le PLF 2020, en particulier pour élargir et augmenter les aides financières aux étudiants méritants issus de milieux modestes ou ruraux, pour favoriser leur accompagnement individualisé et pour établir des bilans de suivi permettant de mieux cibler les personnes qui en ont besoin.
L'ensemble de ces propositions a connu une traduction éclatante avec le plan Talents du service public, lancé par le Gouvernement, dont je salue l'ambition et qui, je le sais, doit beaucoup à l'action volontaire de Mme la ministre. Le montant des aides a été doublé, passant à 4 000 euros et le nombre de bourses s'est massivement accru : près de 1 900 bourses de 4 000 euros sont ainsi prévues pour 2022.
J'avais également recommandé le maintien, pendant la scolarité à l'ENA et au futur INSP, de la rémunération des lauréats du concours interne, qui pouvaient faire face à des baisses substantielles de revenus. Là encore, le Gouvernement a traduit cette proposition, ce dont je me réjouis car cela lève un important frein à la promotion interne, donc à la diversification des profils.
S'agissant du renforcement de l'efficience de notre fonction publique, le levier lié au temps de travail, que je suggérais d'actionner dès 2017, l'a été par la loi du 6 août 2019 .dans la fonction publique territoriale.
J'avais aussi milité pour la mutualisation de certaines fonctions et clarifications de compétences au niveau local. Le projet de loi « 3DS » que nous examinerons bientôt répondra en partie à ce vœu.
Enfin certaines propositions nées des transformations apportées par la crise sanitaire ont vu le jour. Je pense en particulier à la publication de guides et retours d'expérience pour adapter le travail des agents publics, et au télétravail. D'une manière générale, le bilan des propositions faites depuis 2017 est positif.
Nous ne devons toutefois pas nous reposer sur nos lauriers et, si un travail considérable a été fait sous cette législature, il reste des choses à réaliser ou à améliorer.
J'appelle l'attention de chacun sur la temporalité des effets des réformes de la fonction publique, en particulier celles prévues par la loi du 6 août 2019, qui s'inscrivent dans un temps relativement long car les réformes sont structurelles. Il serait donc absurde de critiquer ces réformes à court terme, au motif qu'elles ne produiraient pas assez de résultats instantanément. En revanche, il est indispensable d'en organiser une évaluation complète et régulière. Je sais, madame la ministre, pouvoir compter sur vous dans cette démarche qui vous est chère.
S'agissant de la prime de précarité, j'ai été interpellée par la différence considérable entre le coût constaté, d'environ 7 millions d'euros pour l'État, et les estimations initiales en 2019 d'au moins 500 millions d'euros. Que le coût ne porte que sur neuf mois et non douze n'explique pas à lui seul cette différence, qui peut résulter, je le crains, d'un contournement de l'esprit de la loi. Des administrations ont pu conclure des contrats un peu plus longs, passant de dix mois à douze mois, par exemple, juste ce qu'il faut pour ne pas avoir à verser cette prime... Un tel comportement n'est pas acceptable mais c'est, hélas, le risque de tout dispositif comportant un plafond, surtout s'il est bas. Il me semble donc souhaitable de modifier la prime de précarité pour l'aligner sur le régime des CDD dans le privé, en supprimant un plafond autonome de durée de contrat ; a minima, il conviendrait de relever ce plafond à dix-huit mois pour limiter les contournements. Quelle est votre position ?
J'avais également proposé de maintenir l'admissibilité aux concours pour les femmes enceintes ou ayant accouché qui n'ont pu, de ce fait, de passer les épreuves d'admission. Les obstacles juridiques ne me semblent pas insurmontables et une telle mesure serait éminemment équitable. Où en est votre réflexion ?
Concernant la formation professionnelle, l'obligation de formation au management doit être pleinement effective pour les primo-encadrants. Je crois également utile de poursuivre les travaux sur un tronc commun de formation. Nous l'avons fait pour la haute fonction publique de l'État et c'est très bien ; faisons-le désormais pour les attachés des versants étatique et territorial. Qu'envisagent vos services dans ces domaines ?
Cela ne vous étonnera pas, je pense qu'il est également indispensable de poursuivre la réflexion sur le jour de carence. Ma position est constante depuis 2017 – et avant. Je ne crois pas à l'efficacité de ce dispositif pour lutter contre l'absentéisme, et l'argument sur l'équité entre agents publics et salariés du privé ne me semble pas fondé, car les salariés bénéficient de mutuelles et de conventions collectives qui prennent en charge ce délai de carence.
Les effets sur les absences du rétablissement du jour de carence dans la fonction publique sont difficilement perceptiblegs. Cela s'explique notamment par un contournement du dispositif. Les arrêts de travail sont, certes, moins fréquents, mais ils sont plus longs. Ce constat pose d'ailleurs la question du rôle des médecins. Comment expliquer médicalement qu'une infection qui conduisait à un arrêt de trois jours avant 2018 donne lieu aujourd'hui à un arrêt de six ou sept jours ? Je sais que des contrôles sont effectués par l'administration, mais je crois qu'il faut les renforcer.
D'une manière générale, la lutte contre l'absentéisme ne passe pas par le jour de carence mais par des mesures de fond qui s'attaquent aux déterminants du problème. La loi du 6 août 2019 apporte des réponses intéressantes, mais nous devons aller plus loin. Nous devons prendre des mesures structurelles en matière de management, de promotion et de visibilité de carrière pour renforcer la motivation des agents. Madame la ministre, où en est la réflexion du Gouvernement sur les mesures de lutte contre l'absentéisme qui permettraient éventuellement un jour, je l'espère, de supprimer le jour de carence.
Je conclurai mon intervention par une réflexion plus globale sur l'efficience de notre fonction publique et sur sa réforme. Je ne crois pas que l'approche budgétaire consistant à annoncer un objectif chiffré d'effectifs à supprimer soit pertinente. Alors que, lundi, une candidate à l'élection présidentielle a annoncé vouloir supprimer 150 000 postes – puis 200 000 – allons-y ! pourquoi pas ! – dans « l'administration administrante », si tant est que cela recouvre quelque chose d'ailleurs, nous renvoyant aux plus belles heures de la RGPP (révision générale des politiques publiques), selon moi, la bonne démarche est inverse : partir du périmètre des services publics pour identifier les besoins. À cet égard, la fonction publique territoriale, que je connais bien et dont je n'ignore pas les nombreuses qualités, pourrait avantageusement évoluer. Ses effectifs ont connu une hausse forte et les ressources des collectivités se sont considérablement accrues, malgré les baisses de dotations de l'État, notamment grâce aux transferts. Cela ne suffit pas, pour autant, à apaiser la demande de services publics des usagers dans les territoires.
Pour les satisfaire, nous devons repenser notre approche et partir de la base. Cela suppose aussi de réfléchir à l'organisation décentralisée dans notre pays, que nous devons faire évoluer pour plus de lisibilité, plus de proximité et plus d'acceptabilité par les usagers. Le millefeuille territorial, incompréhensible pour nos concitoyens, doit changer et les collectivités ne doivent plus demander de nouvelles responsabilités si, ensuite, elles refusent de s'en saisir. Je pense à la mise en œuvre dans certaines collectivités des 1 607 heures – pas toutes, bien évidemment. Tout cela permettrait d'aboutir à une fonction publique territoriale plus efficiente.
Madame la ministre, je vous remercie de votre action et de l'excellent travail que nous avons pu conduire ensemble, avec votre prédécesseur et vous-même, au bénéfice des femmes et des hommes qui servent au quotidien l'intérêt général.