Intervention de Amélie de Montchalin

Réunion du jeudi 21 octobre 2021 à 14h45
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Amélie de Montchalin, ministre :

Merci de vos questions qui reflètent bien les priorités qui sont les nôtres, et les chantiers qui restent à conduire.

Monsieur Gouffier-Cha, j'ai réuni le 27 juillet dernier – dans un format assez nouveau – l'ensemble de mes collègues ministres qui m'ont remis, conformément à la loi, des plans d'action pour faire progresser l'égalité entre les femmes et les hommes dans chacun de leurs ministères.

C'est un pas important car, au fond, depuis des années, ce sont surtout des diagnostics qui ont été dressés. Nous savons très bien décrire les critères, les facteurs et les chiffres qui expliquent que tel ou tel ministère présente tel pourcentage de femmes aux responsabilités, tel écart salarial, etc. La nouveauté est que ces plans sont des plans d'action, complétés d'indicateurs, d'objectifs et de délais qui pourront être suivis. Je tiens deux fois par an un comité de suivi de l'accord relatif à l'égalité professionnelle qui permet, sujet par sujet – discrimination, violence, recrutement, femmes enceintes, et d'autres thèmes très précis –, de nous assurer que les objectifs fixés sont tenus et que les choses progressent dans la vie concrète.

C'était un moment important parce qu'il nous a permis tout d'abord d'acter que 2020 était la première année où nous avons réussi, collectivement, à nommer plus de 42 % de femmes à des emplois de direction de responsabilité. La loi Sauvadet avait, en 2012, fixé cet objectif. Il a été atteint pour la première fois en 2020. Ce n'est pas un hasard : depuis 2017, un très fort engagement a été consenti par l'ensemble des ministères pour identifier ces femmes, les inciter à candidater à ces postes et leur faire la place qui est la leur. Je rappelle que 62 % des fonctionnaires sont des femmes. Contrairement à ce qui se dit parfois, nous ne manquons pas de femmes.

Ces plans d'action nous font prendre conscience, concrètement, que le sujet n'est pas seulement de continuer à recruter des femmes mais aussi de permettre à celles qui sont en fonction de progresser dans leur carrière. À ce titre, j'ai pris au mois de juillet l'engagement de créer un vivier de jeunes et de moins jeunes femmes pouvant postuler à devenir des cadres dirigeants de l'État en lançant le programme « Talentueuses » auquel 375 femmes ont postulé. Cinquante d'entre elles bénéficieront d'un accompagnement personnalisé. Nous nous assurons ainsi que nous recréons les viviers et que nous incitons des femmes à présenter leur candidature, donc à accéder aux responsabilités.

Dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique et de la mise en place de la direction des ressources humaines des cadres de l'État, la délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE), nous avons également décidé un suivi quasi individuel de la diversification des profils et des parcours permettant de s'assurer que chacun peut mener sa carrière avec la mobilité, les aspirations, l'accès à la formation qui lui sont propres. Ce sera un enjeu prioritaire de cette délégation interministérielle.

Nous sommes passés d'une logique de diagnostic à une logique d'action. Il nous reste maintenant, face à des directives affichées et des moyens dédiés, à être concrets et précis dans le suivi.

Dans le cadre de la réforme des mobilités conduite au cours de ce quinquennat, nous avons créé la Place de l'emploi public. Cet outil extrêmement efficace me permet de vous dire que 44 000 offres de postes sont en ce moment même à pourvoir dans la fonction publique. Dans votre département, je viens de le vérifier, elles sont au nombre de 1 646. Cet outil permet une approche de la mobilité par bassin de vie, évitant à chacun dans un ministère de devoir faire le tour de la France pour pouvoir progresser dans sa carrière. Cette vision géographique de la mobilité est assez nouvelle ; il est désormais possible de progresser tout en restant là où on habite, mais en explorant les différents versants des administrations.

En termes de rémunération, nous avons aussi étudié comment encourager la mobilité et éviter des différences entre les versants pour des enjeux parfois techniques ou de structures de rémunération afin que, par exemple, comme nous l'avons fait dans le cadre du « Ségur de la santé » pour les aides-soignants et les infirmières, les grilles soient bien homogènes entre fonctions publiques de l'État, territoriale et hospitalière.

Un autre enjeu tient à la mobilité entre les administrations centrales et les administrations déconcentrées – de proximité – de l'État territorial. Avec le Premier ministre, autour de la circulaire du 10 mars 2021, nous avons créé de nouveaux outils, comme la garantie mobilité, qui permet de conserver son régime indemnitaire si l'on passe d'un service à un autre au sein d'une même préfecture. Cela permet d'encourager la mobilité mais également de revaloriser les emplois au sein des services déconcentrés.

Nous nommerons entre vingt et trente directeurs de projet, experts de haut niveau, qui seront positionnés dans les territoires pour aider des projets prioritaires. À titre d'illustration, le plan contre les inondations dans le Var bénéficiera d'un haut fonctionnaire qui était précédemment dans les administrations à Paris et qui sera redéployé sur le terrain. C'est également ainsi que nous avons installé les sous-préfets à la relance. La mobilité peut donc se comprendre au sein d'un bassin de vie, en passant d'un service à un autre là où l'on est, mais aussi en passant d'une administration centrale à un service déconcentré.

En la matière, le bilan du quinquennat me semble extrêmement positif. Il montre une action publique qui se réforme, qui cherche de l'efficacité et qui le fait en comptant sur les forces et les compétences qui existent en son sein.

S'agissant du chantier réglementaire de la réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État, qui suit la partie législative et est fixé par l'ordonnance du 2 juin 2021, les prochaines étapes seront, au 1er janvier 2022, la création de l'INSP, celle de la DIESE et celle des administrateurs de l'État qui constitueront le corps socle de l'encadrement supérieur de l'État. Vous aurez sans doute remarqué que certaines dispositions sont déjà prises. Ainsi, un décret paru au Journal officiel fixe la liste des corps et cadres d'emploi dont les membres peuvent être recrutés comme auditeurs au Conseil d'État ou à la Cour des comptes. Viendront d'autres textes, qui auront tous été validés et seront donc applicables au premier trimestre 2022 sur des sujets tels que les mobilités, les lignes directrices de gestion interministérielle, les statuts d'emploi, etc. Bref, l'ensemble du chantier réglementaire sera, je peux vous le garantir, poursuivi et achevé entre la fin de l'année 2021 et le tout début de l'année 2022.

Je remercie Marie-George Buffet des mots qu'elle a eus pour les agents publics. Sa question me permet de préciser, avec la plus grande clarté, la stratégie qui est la nôtre sur cet enjeu absolument essentiel et primordial de l'accès au service public, pour que les droits qui sont ouverts par la loi ne soient pas formels, mais bien réels.

Dans votre département aujourd'hui, madame la ministre, quinze espaces France services sont ouverts, parfois dans des bus, dans des centres sociaux, dans des associations au pied des tours des quartiers prioritaires. L'objectif est d'en avoir vingt-quatre d'ici à la fin de l'année prochaine.

Ce sont des lieux très innovants puisqu'ils permettent d'inverser la tendance de fermeture des services publics. Ils l'inversent aussi car ils rendent accessibles, dans un lieu unique, l'ensemble des services publics de la vie quotidienne. L'objectif est d'éviter que les administrés aient à faire le tour des guichets et que l'ensemble des services publics soient accessibles en un même lieu, où au minimum deux personnes sont formées à la polyvalence, à l'accompagnement et à rendre réels ces droits prévus par la loi.

Parce que le combat que vous voulez mener est également le mien, j'ai réuni ce lundi à mon ministère les associations d'usagers qui accompagnent les plus vulnérables : les Restos du cœur, le Secours catholique, Emmaüs, la FACE, pour leur dire que mon combat n'est pas celui de la numérisation, mais bien celui de l'accès aux services publics.

Pour certains Français, cet accès est le canal numérique et, vous l'avez lu dans le rapport, nous essayons de faire du bon numérique, un numérique qui fonctionne, un numérique qui évite de redonner vos nom, adresse et autres informations dont l'administration dispose déjà, un numérique accessible aux personnes en situation de handicap. Aujourd'hui, 75 % des Français valorisent ce numérique public, plus pratique parce qu'il vous évite de vous déplacer et peut être utilisé aux horaires qui sont les vôtres. Voilà pour le canal numérique.

D'autres Français pour lesquels le numérique n'est pas un choix, et ne le sera peut‑être jamais, demandent des lieux, une humanisation et un accompagnement individuel. C'est alors que France services prend toute sa place puisque ce sont 1 800 lieux, espaces et bus qui ouvrent dans l'ensemble du pays – en moyenne, une vingtaine par département.

Je serai demain dans le Lot pour inaugurer le seizième France services de ce département, dans le tout petit village de Saint-Céré. J'en inaugure toutes les semaines, tout comme Jacqueline Gourault et Joël Giraud qui pilotent ce programme. Des Français nous demandent des lieux d'accueil. Nous le faisons, et il importe de souligner que ces lieux sont des services publics qui sont installés non pas en remplacement, mais en supplément. Dans le Lot, ce sont seize lieux dans lesquels les habitants ont accès à la caisse d'allocations familiales, à Pôle emploi, aux services du ministère de la justice, à la Mutualité sociale agricole, au service des retraites. Il n'y a jamais eu dans le Lot seize lieux où vous aviez accès, par exemple, au service des allocations familiales. Grâce à ce réseau, nous replaçons au cœur du pacte républicain la présence du service public. Je me souviens aussi que, dans la banlieue d'Angoulême, France services était installé dans une association qui, depuis des décennies, participe à la vie collective du quartier prioritaire que je visitais.

30 % des Français nous disent pour leur part que le canal qu'ils souhaitent utiliser avec le service public est le téléphone. Depuis le 1er janvier 2021, nous avons mis un terme à la surfacturation des numéros d'appel aux services publics. Depuis quelques semaines, nous menons un plan très précis pour que ces services téléphoniques correspondent aux besoins, en nous appuyant notamment sur la polyvalence des agents qui répondent. Nous avons expérimenté en Charente-Maritime une ligne téléphonique directe France services. Ouverte le soir, à des horaires décalés, elle permet d'avoir l'ensemble des services publics au bout du fil.

Mon combat est donc que le numérique fonctionne pour ceux qui le choisissent, que les lieux d'accueil soient ouverts pour ceux qui en ont besoin, que le téléphone soit adapté à ceux qui préfèrent ce canal.

Nous expérimentons également avec La Poste des facteurs « ambassadeurs de France services » ; la maison France services se trouve au pied de votre porte quand passe le facteur ! Nous avons aussi engagé un immense chantier en lien avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF) afin que les secrétaires de mairie puissent, en mode réseau, partager cette approche d'un service public qui se réincarne, se rapproche, se modernise et répond aux attentes des Français, lesquelles varient selon ceux à qui l'on s'adresse.

Ce combat est le nôtre et je serais vraiment ravie, lorsque je viendrai en Seine‑Saint‑Denis, probablement dans les prochaines semaines, que nous puissions nous rendre dans un de ces lieux, espaces ou bus. Je pense aussi au Val-d'Oise, département dans lequel un certain nombre de bus ont été déployés, que ce soit dans les quartiers prioritaires ou dans des zones rurales, pour remettre la République et ses services au cœur du quotidien de l'ensemble des Français.

Monsieur Vuilletet, mon ministère et, plus simplement, la loi sanctionnent, et le juge administratif sanctionnera, toute discrimination liée à l'état de grossesse. Ce dernier est d'ailleurs maintenant un facteur identifié de discrimination éventuelle qui peut être signalé par les plateformes de signalement des discriminations créées par la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique. S'il n'y a pas de droit au renouvellement du CDD, le refus de ce renouvellement doit toujours être justifié par l'intérêt du service. S'il est motivé par un congé maternité pendant une partie du CDD, cela s'appelle une discrimination. Ce sont des éléments sur lesquels le juge administratif sera, je pense, très clair, la doctrine étant également très claire.

Pour répondre à la question d'Olivier Serva sur les concours nationaux à affectation locale créés par la loi de transformation de la fonction publique, l'un des premiers concours a concerné les inspecteurs du travail en Île-de-France, région qui connaissait un déficit d'attractivité. Ils ont déjà pu être déployés. Cette disposition permet d'affecter un certain nombre d'agents publics localement, dans des territoires en tension.

S'agissant des outre-mer, c'est une possibilité qui est offerte aux employeurs s'ils connaissent des déficits de recrutement – c'est une condition qu'il faut souligner. Il est de leur responsabilité de se saisir de cet outil en fonction de leurs besoins. Je les incite vivement à le faire puisque, dans le pacte républicain que nous voulons faire vivre dans chacun des territoires, il est important de pouvoir engager l'ensemble des agents requis.

Deux des classes prépas Talents du service public sont situées à La Réunion et nous avons travaillé avec un certain nombre de prépas Talents pour voir s'il était possible de déployer, en mode campus connecté, les cycles de préparation au concours de la fonction publique et de son encadrement dans des territoires comme Mayotte. Cela peut être une manière de faciliter l'accès des Français de tous les territoires aux postes d'encadrement.

Merci beaucoup pour ces échanges. Une fonction publique plus juste pour ses agents et plus efficace pour les Français est notre priorité. Je remercie la rapporteure Émilie Chalas ainsi que les députés de la majorité qui, ces deux boussoles en tête, ont beaucoup fait progresser le fonctionnement et le lien que les Français ont avec leur service public qui, pendant la crise sanitaire, a bien montré à chacun combien il était au cœur de notre fonctionnement et de notre pays.

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