Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du mardi 2 novembre 2021 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Sébastien Lecornu, ministre des Outre-mer :

Je suis heureux de présenter à la commission des lois un budget résolument tourné vers le quotidien de nos concitoyens en cette période de sortie de crise sanitaire, un budget dont l'impact sera visible et concret pour eux.

Le rapporteur pour avis a choisi de consacrer une partie de son rapport au logement en outre-mer. Sur ce sujet fondamental, qui a déjà occupé nombre de nos débats l'année dernière, comme sur les autres, je m'efforcerai d'apporter les réponses les plus complètes à la représentation nationale.

Comme l'année dernière, je commencerai par un rappel certes convenu mais utile : les crédits de la mission « Outre-mer » ne représentent qu'une infime partie du budget total des outre-mer. Celui-ci s'étend en réalité sur trente-deux missions, dont la mission « Plan de relance » et quatre-vingt-quatorze programmes. Il s'élève à 19,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 21,2 milliards en crédits de paiement (CP). À cela s'ajoutent 6,4 milliards de dépenses fiscales. L'effort total de l'État atteint donc 25,9 milliards en AE et 27,6 milliards en CP. Dans le plan de relance, 1,5 milliard d'euros sont destinés aux outre-mer – 740 millions ont déjà été répartis.

Certains militent pour que le ministère des Outre-mer gère l'intégralité du budget consacré aux territoires d'outre-mer, mais les effets d'une telle mesure seraient, à mon sens, délétères : chaque ministère doit continuer à développer les politiques publiques dont il a la responsabilité partout en France, notamment dans les outre-mer. Il n'y a pas un projet de loi de finances pour les outre-mer et un autre pour le reste de la nation.

En dehors de la mission « Outre-mer », les crédits alloués à ces territoires dépassent le milliard d'euros dans les missions « Relations avec les collectivités territoriales », « Écologie, développement et mobilité durables » et « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Dans la mission « Travail et emploi », ils avoisinent le milliard grâce à une hausse de 345 millions d'euros par rapport à la loi de finances de 2021, principalement au bénéfice du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi ». Par ailleurs, deux missions consacrent des dépenses de personnel importantes à l'outre-mer : près de 5,3 milliards sont destinés au paiement des traitements des agents de l'éducation nationale, contre 4,7 milliards l'année dernière, et un peu plus de 1,1 milliard aux dépenses de personnel des forces de sécurité intérieure.

Quant à la dotation d'aménagement des communes et circonscriptions territoriales d'outre-mer (DACOM), le rattrapage, amorcé dans mes précédentes fonctions de ministre chargé des collectivités territoriales, se poursuit de façon soutenue, conformément à l'engagement pris par le Président de la République lors du grand débat national. La DACOM devrait augmenter d'environ 27,7 millions, dont 16,2 millions correspondant à l'effort de rattrapage et 11,5 millions à la progression automatique des dotations. Le rattrapage atteindra 62 millions, comme nous nous y étions engagés.

Je ne peux détailler ce budget sans évoquer la crise sanitaire ainsi que la relance qui s'ensuit. Depuis le début de la crise, le Gouvernement s'est mobilisé pour soutenir toutes les entreprises que la situation inédite a mises en difficulté et continuera de le faire ; outre-mer, les aides ont été adaptées en fonction des particularités locales. À ce jour, elles représentent plus de 6 milliards en outre-mer, dont 3,5 milliards de prêts garantis par l'État ; 1,1 milliard dans le cadre du fonds de solidarité pour les entreprises ; 830 millions de reports de charges et 650 millions au titre de l'activité partielle. Depuis le 1er octobre, les territoires ultramarins soumis à des restrictions d'activité sont désormais les seuls en France à bénéficier du fonds de solidarité ainsi que du dispositif d'activité partielle, sans reste à charge pour les entreprises dès 60 % de perte de chiffre d'affaires.

Les collectivités d'outre-mer ont également été aidées et continuent de l'être, autant que faire se peut. Je pense au prêt garanti de 240 millions de la loi de finances initiale pour 2021 ainsi qu'à la subvention exceptionnelle de 82 millions de la dernière loi de finances rectificative en faveur de la Nouvelle-Calédonie, à laquelle s'ajouteront 40 millions dans les prochains jours. Compte tenu du calendrier institutionnel particulier, le gouvernement du pays n'a pas encore décidé de ses actions post-crise. Une période de transition devrait s'ouvrir, et je ne serais pas étonné que soit formulée, au début de l'année 2022, une demande de prêt consacré à la relance. Si tel devait être le cas, j'y serais naturellement attentif. Des discussions ont déjà eu lieu avec la Polynésie française : le projet de loi de finances prévoit ainsi une nouvelle garantie pour un prêt de 300 millions. Nous poursuivons cependant la réflexion pour mieux venir en aide aux entreprises touristiques de Polynésie française qui ne répondaient pas aux critères du fonds de solidarité.

Alors qu'il mettait tout en œuvre pour protéger les entreprises et l'emploi grâce aux aides d'urgence, et sans attendre la fin de la crise, le Gouvernement a souhaité regarder vers l'avenir en préparant la reprise économique. Sur les 100 milliards de France relance, plus de 1,5 milliard sont attribués aux outre-mer – 669 millions pour la transition écologique, 316 millions pour la compétitivité des entreprises et 566 millions pour la cohésion sociale et territoriale des outre-mer. Les bénéficiaires de ces crédits sont des collectivités, des entreprises, des associations, des ménages, des jeunes en recherche d'emploi – personne n'est exclu. Les collectivités d'outre-mer (COM) bénéficient comme les départements et régions d'outre-mer (DROM) de certaines mesures de France relance, dans le respect de leurs compétences propres.

J'en viens à la mission « Outre-mer » et à ses deux programmes – le programme 138 « Emploi outre-mer » et le programme 123 « Conditions de vie outre-mer ».

Je vous présente un budget sincère, qui affiche les baisses quand elles sont automatiques, s'imposent à nous tous et font l'objet d'un consensus. Ainsi, la mission présente une légère baisse des autorisations d'engagement, qui passent de 2,65 à 2,57 milliards, ce qui s'explique par la diminution conjoncturelle de 18,5 millions des exonérations consenties dans le cadre de la loi pour le développement économique des outre-mer (LODEOM). La crise est passée par là : le Gouvernement a financé l'activité partielle à hauteur de 650 millions en outre-mer et, mécaniquement, moins de salaires versés par les employeurs, ce sont moins de cotisations, donc moins d'exonérations.

Il faut cependant se réjouir d'une hausse des crédits de paiement, qui sont portés de 2,43 milliards à 2,47 milliards. Surtout, je note une accélération des décaissements sur les projets d'investissement dans le logement et les infrastructures publiques, ce qui est évidemment une bonne nouvelle pour nos concitoyens en outre-mer ainsi que pour le tissu économique ultramarin, puisque les crédits de paiement constituent un marqueur de l'activité réelle.

Nous connaissons tous la difficulté à consommer les crédits qui a longtemps caractérisé la mission. Cette période est révolue, comme j'avais pu en faire état devant votre assemblée lors du Printemps de l'évaluation pour l'exercice 2020. Ces bons résultats devraient être confirmés pour l'exercice 2021.

S'agissant du programme 138, la baisse conjoncturelle des exonérations dites LODEOM n'affecte aucunement le soutien apporté par le Gouvernement aux entreprises ultramarines, d'autant plus que le dispositif est cette année étendu au secteur de l'aéronautique, répondant ainsi à une demande de nombreux parlementaires l'année dernière.

D'autres mesures importantes méritent d'être signalées, telles que l'ouverture d'une nouvelle compagnie du service militaire adapté (SMA) ainsi que le lancement d'une expérimentation au sein du régiment SMA à Mayotte, dont on connaît la jeunesse de la population et la nécessité de former ces jeunes. À cet effet, 9,7 millions d'euros et 175 équivalents temps plein sont prévus. Ils permettront notamment d'allonger la durée moyenne de l'accueil, de mettre en place le permis pour tous et d'accueillir des mères célibataires. Nous honorons là une requête ancienne du territoire.

S'agissant du programme 123, dont les CP sont en hausse de 64 millions, le logement est une priorité. Nous savons les besoins et les spécificités de chaque territoire ultramarin en la matière. Une dynamique en faveur de la réhabilitation semble se dessiner : en début d'année, on observait une augmentation de 146 % du nombre de projets. Le fonds pour le recyclage des friches, instauré dans le cadre du plan de relance et doté de 9,5 millions d'euros en outre-mer, contribuera à réhabiliter du foncier, si rare dans ces territoires. Je n'oublie pas les 10 000 dossiers déposés pour MaPrimeRénov', pour un montant de 23 millions.

Le programme comporte aussi des mesures très spécifiques pour Mayotte et la Guyane afin de développer du logement locatif très social adapté. Pour le dire clairement, ce sont des dispositifs qui ont pour but de sortir certains de nos concitoyens de véritables bidonvilles.

La ligne budgétaire unique (LBU), qui permet de financer le logement social en outre-mer, voit cette année encore ses crédits augmenter, pour atteindre 234,6 millions en autorisations d'engagement, soit une hausse de 10 millions, et 201 millions en crédits de paiement, soit 24 millions supplémentaires par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. En 2020, les 217 millions engagés au titre de la LBU ont contribué à financer la construction et la réhabilitation de 8 300 logements. En 2021, avec le concours du plan de relance, jusqu'à 247 millions pourraient être mobilisés. Ce sont donc 11 550 réhabilitations ou constructions de logements qui pourraient être financées d'ici à la fin de l'année. Néanmoins, les crédits ne sont ni une fin en soi ni un obstacle à la construction de logements sociaux en outre-mer. En témoignent, d'une année sur l'autre, la croissance de la LBU et l'adaptation permanente des dispositifs fiscaux. Mes services suivent attentivement l'évolution de chaque territoire : si un territoire accélère la construction de logements, nous lui octroyons plus de crédits – l'inverse étant tout aussi vrai s'il en construit moins. La Réunion s'est ainsi vue allouer 13 millions supplémentaires au dernier trimestre 2020 afin de ne pas freiner la bonne dynamique du territoire.

Nous continuerons sur cette lancée. À cet égard, je souligne une mesure nouvelle destinée à accompagner non plus seulement les ménages très modestes mais également les ménages modestes, appartenant à la classe moyenne, dans l'amélioration du logement dont ils sont propriétaires.

S'agissant de la jeunesse, outre le SMA, il est prévu de financer un programme éducatif et social développé par les associations à Mayotte en direction de la jeunesse en errance.

Ce budget est tourné vers la vie quotidienne. Parmi les mesures emblématiques, je mentionnerai la création d'une ligne nouvelle pour les opérations de ramassage des sargasses. Nous connaissons tous l'omniprésence et la gravité de ce problème pour nos concitoyens dans les Antilles. Il est prévu 2,5 millions en AE comme en CP pour accompagner les collectivités qui sont chargées de procéder au ramassage des algues dans les plus brefs délais afin d'éviter les émanations de gaz.

Quant au soutien à l'investissement local, le fonds exceptionnel d'investissement (FEI), outil apprécié des maires et des présidents d'exécutifs locaux, est stable à 110 millions d'euros en autorisations d'engagement après une augmentation de 70 millions en 2019. La baisse des crédits de paiement de 4 millions d'euros n'est évidemment pas synonyme d'une volonté politique moins forte : elle correspond au rythme des décaissements, selon l'avancement des projets.

S'agissant des contrats de convergence et de transformation (CCT), dont les crédits de paiement connaissent une forte augmentation, l'enjeu est d'assurer une bonne coordination avec les crédits massifs provenant du plan de relance.

Enfin, je mentionne une dernière mesure nouvelle dans la mission : l'accompagnement financier de la collectivité territoriale de Guyane, à hauteur de 20 millions d'euros, conformément à l'engagement que j'avais pris dans le cadre d'un accord structurel visant à rétablir sa capacité d'autofinancement.

La Commission européenne ayant donné son accord au mois de juin, le projet de loi de finances pour 2022 reconduit le dispositif de l'octroi de mer pour six années supplémentaires, de 2022 à 2027. Outre l'actualisation et la simplification des listes de produits pouvant faire l'objet de taxations différenciées, je signale une évolution importante : le seuil d'assujettissement à l'octroi de mer passera en 2022 de 300 000 à 550 000 euros, ce qui simplifiera le quotidien et renforcera la compétitivité de nombreuses petites entreprises dont le chiffre d'affaires se situe entre ces deux seuils.

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