Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du mardi 2 novembre 2021 à 17h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Sébastien Lecornu, ministre :

Le problème du logement est un fil conducteur pour l'ensemble des territoires d'outre-mer mais il ne faut pas se raconter d'histoires : il est encore plus aigu à La Réunion.

Les perspectives de consommation des crédits d'investissement attribués aux collectivités territoriales – que ce soit à travers le FEI ou les CCT – sont bonnes, et ce pour trois raisons.

D'abord, le cycle électoral est derrière nous. Les années d'élections, qu'elles soient municipales, départementales ou régionales, et l'installation des intercommunalités peuvent occasionner des faiblesses dans la commande publique locale ou dans la conduite de certains projets. C'est une tendance naturelle. Désormais, les exécutifs locaux sont installés, à La Réunion comme ailleurs, à l'exception de Wallis-et-Futuna, Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon où les élections territoriales se tiendront en mars 2022 – elles ne font pas l'objet d'une couverture médiatique aussi forte que l'élection présidentielle, je le déplore – et des collectivités du Pacifique, qui obéissent à un autre calendrier électoral. Quoi qu'il en soit, les exécutifs disposent d'une visibilité jusqu'en 2026 pour les uns et 2028 pour les autres, ce qui assure une meilleure consommation des crédits. La gouvernance des bailleurs sociaux a également été stabilisée alors que, l'année dernière, j'avais noté une forme d'attentisme – qui se comprend d'ailleurs tout à fait.

Ensuite, les crédits apportés par le plan de relance produisent un effet de levier. Dans ce cadre, j'ai donné instruction aux préfets d'aider à compléter le tour de table financier, pas seulement pour des projets nouveaux, qui sont plus longs à voir le jour, mais aussi pour des projets plus anciens qui peinaient à se concrétiser faute de moyens. La relance, pour être efficace, doit être engagée rapidement.

Enfin, le covid-19 est derrière nous, du moins je l'espère. La plupart des retards dans le bâtiment et les travaux publics sont dus aux mesures de freinage, sans compter la délicate question de l'approvisionnement en matériaux et de leur coût.

Si je suis optimiste quant à la consommation des crédits, la situation financière des collectivités locales maîtres d'ouvrage doit également être prise en compte. Or, sur ce plan, elles ne sont pas toutes à égalité. Les contrats de redressement outre-mer (COROM) ou les mesures d'accompagnement de l'Agence française de développement (AFD) visent à y remédier.

Au détour d'une phrase, vous avez affirmé que la solidarité devait jouer non pas entre les outre-mer, mais bien entre l'Hexagone et les outre-mer. Cette réflexion, que je n'ai pas reçue comme une critique, est intéressante car elle peut surgir dans un débat électoral à venir. C'est un des grands principes de la République : les moyens donnés à un territoire ne sont pas déterminés en fonction de sa capacité de contribution. Certains démagogues, très à droite, pourraient être tentés de comparer ce qu'un territoire coûte et ce qu'il rapporte. Or, un tel calcul ne s'inscrit absolument pas dans l'histoire de la nation française et ne correspond aucunement aux valeurs républicaines que nous souhaitons défendre dans ces territoires. Vous avez raison de le dire, même si la remarque ne s'adresse pas vraiment au Gouvernement, tant le « quoi qu'il en coûte » a constitué une forme de solidarité nationale. Je refuse de prendre à témoin les parlementaires polynésiens et calédoniens, mais, dans ces territoires où l'État est privé de la capacité de lever l'impôt, à aucun moment, le Gouvernement n'a hésité à livrer des vaccins ou à activer le fonds de solidarité pour les entreprises malgré la dévolution des compétences en matière sanitaire et économique aux institutions du pays. La crise du covid-19 nous a donné un exemple de ce que faire nation signifie dans un moment difficile.

Je prends un exemple technique mais ô combien concret pour les élus locaux : la DACOM, autrement dit la dotation globale de fonctionnement (DGF) à la mode ultramarine. La hausse de la DACOM intervient à enveloppe constante au niveau national ; autrement dit, certaines communes de l'Eure, dont le potentiel financier le permet, subissent un écrêtement de leur DGF pour financer une augmentation de la DACOM des communes d'outre-mer. La quasi-totalité des communes d'outre-mer – le bloc communal existe aussi dans le Pacifique – bénéficient d'une hausse de la DACOM pour la troisième année consécutive grâce à l'écrêtement dans des communes de la Vienne, du Val-d'Oise, de l'Eure, etc. C'est un bel exemple de solidarité qu'il revient au Gouvernement mais aussi aux députés de la nation de mettre en avant avec pédagogie.

Les crédits de paiement en faveur du logement ont parfois connu des creux : les autorisations d'engagement consommées sont ainsi passées de 247 millions d'euros en 2017 à 182,5 millions en 2020. Cette évolution résultait non pas d'une volonté politique mais de l'incapacité à trouver des projets à financer. C'est pourquoi la doctrine a évolué : les crédits sont destinés non plus seulement à la construction de logements neufs, mais également à la réhabilitation. C'est en partie grâce à cela que les chiffres repartent à la hausse : pour 2022, les autorisations d'engagement s'élèvent à 234 millions d'euros et les crédits de paiement à 201 millions. Par ailleurs, l'enveloppe étant fongible, il est certain que, lorsqu'un projet sera présenté, il bénéficiera d'un financement. La LBU constitue un levier efficace, puisqu'elle rend possible le tour de table financier pour la construction de logements et entraîne les bailleurs sociaux, Action logement et la Caisse des dépôts et consignations.

On s'attend non plus à des difficultés budgétaires, mais à des problèmes d'accès au foncier, ce qui soulève d'ailleurs, au-delà du PLF, la question de l'adaptation des normes et renvoie à la conciliation entre les exigences environnementales et la capacité à construire. Cela conduit aussi à réfléchir à l'équilibre entre les compétences que le Parlement accorde à l'État, donc au préfet, et celles qui sont confiées aux collectivités territoriales, dans le cadre de la décentralisation – on peut prendre l'exemple de l'élaboration et de l'exécution du permis de construire sur la base du document d'urbanisme voté par le conseil municipal. Cela nous renvoie également aux débats animés qui ont eu lieu autour des commissions départementales de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Il faut satisfaire le désir de protection tout en répondant au besoin de liberté : on revient peut-être à une forme de « libérer, protéger ».

Le nombre de constructions et de réhabilitations est passé de 8 300 en 2020 à 11 500 en 2021. Dans les années qui viennent, nous devons concentrer nos efforts sur la relance. Si l'on regarde les chiffres commune par commune, on voit que les actions ne sont pas toujours très bien réparties – il en est ainsi, par exemple, à La Réunion, monsieur le rapporteur pour avis. J'aurai l'occasion d'y revenir lors de mon déplacement sur l'île.

J'évoquerai au cours de nos débats d'autres aspects de la LBU, comme l'accession à la propriété et les dispositifs spécifiques à Mayotte et à la Guyane.

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